Les oubliés de la République / Acte 9 : ‘‘Jean Blé Guirao, un privilégié ou un oublié de la République ?’’

  • 12/11/2013
  • Source : L'Intelligent d'Abidjan
Tout commence par des échanges amicaux et fraternels avec en toile de fond, le bon ton et la courtoisie. Comment pouvait-il en être autrement ? Blé Guirao est un jeune frère qui m’a toujours honoré du respect dû à ainé que je suis, un respect d’ailleurs que je lui retourne chaque fois que l’occasion nous est donnée pendant une rencontre inopinée où nous ne manquons jamais d’échanger les civilités.

A cette énième rencontre, Blé Guirao est le premier à ‘’dégainer ‘’ avec malgré tout, le sourire aux lèvres:‘’ Cher frère, tu oublie les oubliés de la République !’’
Sachant qu’il a le sens de l’humour, je mets cette boutade au compte de la parenté à plaisanterie. Je lui retourne la république, avec également le sourire au coin des lèvres : ‘’ mon cher Jean, si c’est pour que je t’attribue un rôle dans la série ‘’Les oubliés de la République’’, je pense que tu n’y as pas ta place !’’
 
‘’Ah bon pourquoi ? Tu fais donc de l’exclusion? Tu exclus ton propre frère que je suis’’ ? me rétorque t-il.
 
Je compris que c’est un vieux renard, et convaincu qu’il a assez appris dans la sphère politique où on a réponse à tout ! Je ne me laisse pas intimider par cette réplique de Blé Guirao.
 
C’est un combat entre un historien du présent et un jeune loup de la politique.
‘’Je parlerai de ton cas lorsque je lancerai ‘’les privilégiés de la république’’ Eclats de rires mutualisés !
 
‘’Mon cher Soumahoro, (m’interpella t-il), je suis au sérieux, très au sérieux, j’ai beaucoup à dire sur le fonctionnement de la république. Et crois mois, je suis bel, et bien un oublié de la république.
 
La causerie devenait en effet très sérieuse. Aussitôt mon appétit journalistique fut aiguisé; je me souvins alors de l’un des premiers cours en journalisme.
‘’ Lorsque le train arrive à l’heure, ce n’est pas un événement pour le journaliste, mais c’est quand ce train va arriver en retard ou… (pardon pour les âmes sensibles) lorsque le train va dérailler, alors il y’aura de quoi croquer dans la presse. Idem pour le maître qui a été mordu par son chien, c’est un non événement, mais le jour où le maître va mordre son chien, cela sera à la une des journaux…

Le 10 è acte de notre série intitulée ‘’les Oubliés de la République ‘’ prévu pour le mardi prochain, ‘’si le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest’’, sera essentiellement réservé au bilan de ce feuilletons qui a connu ses moments palpitants, ses pics mais aussi ses moments d’amertume et de mélancolie.
J’ai gardé le contact avec chaque acteur qui est intervenu dans la série, où qui a vu son cas traité de ma propre initiative. Ainsi, je prends souvent de leurs nouvelles (ces oubliés), fondant mon espoir sur un retour de la part des gouvernants.

Mais quelle naïveté de ma part ! C’est mal connaître les gouvernants sous les tropiques. Criez, pleurnichez, pleurez, videz toutes les larmes de vos yeux….en retour ce sera silence radio. Tout porte à croire que lorsqu’on passe de l’autre côté de la baie vitrée à l’air conditionné en permanence, la fraicheur des lieux endurcit les cœurs et en fait des blocs de pierres, insensibles à toute détresse !

Ce que je veux éviter c’est le temps des regrets où on viendra peut être me dire un jour : ‘’tu avais raison d’actionner la s sonnette d’alarme, si on t’avait écouté…’’ dans une frénésie à dose d’hypocrisie comme au cours des oraisons funèbres où la fine bouche est la chose la mieux partagée.
 
Du vivant du défunt, on lui attribuait tous les pêchés d’Israël et passé de vie à trépas, il retrouve soudain comme par enchantement toutes les qualités sur terre à son enterrement.
 
Il ya de cela plus deux mois que nos compatriotes crient au secours ! Apparement aucune oreille attentive ne serait ce que les rencontrer, les écouter. D’ici là, la grogne monte crescendo.
 
‘’ Entend ma peine, entend ma voix. Une souffrance que j’ai peine à museler ; qui s’extirpe de la torpeur de mon gosier et dit qu’au bonheur me ferme ses voies…’’
Depuis 3 ans avons-nous entendu ces cris de détresse de nos compatriotes ? Des cris étouffés dans les enveloppées de notre égoïsme mordant et notre arrogance émergée !
 
Malgré les appels de phare, de code phare, en dépit des antibrouillards allumés,
C’est le même le silence, le même mépris, la même arrogance !
Silence, on bouffe, ne nous dérangez pas !
 
Extrait des cris sortis du ‘’souffle essoufflé’’ du collectif des victimes
‘’ Côte d’Ivoire, depuis plus d’une décennie, l’impunité a été régie en politique de gouvernement, d’où la répétition des actes criminels. Nous les victimes, avec l’espoir d’un début de reconnaissance de nos droits, offert par la Cour Pénale Internationale (CPI), avons bu le calice de l’injustice, de l’humiliation, et de l’indifférence jusqu’à la lie.

Notre taux de capacité étant en dépassement, nous avons besoin de ces thérapies appelées reconnaissance de nos droits, de justice, de la vérité dans toutes ses dimensions. Facteurs dynamiques apaisant nos cœurs meurtris. Ces vertus nous permettront d’offrir le pardon pour une réconciliation qui n’est pas un vain mot, mais un comportement.
 
Le peuple de Côte d’Ivoire pourra ainsi, retrouver ses valeurs d’antan, faites de fraternité vraie, de cohésion sociale et de paix ; richesses à laquelle le peuple a droit.’’…
 
Retour vers notre acteur du jour Jean Blé Guirao

 
Jean Blé Guirao Debadea est Professeur certifié de Maths, il est diplômé en DESS en Organisation Managériale. Il est le Secrétaire Général Adjoint de l’UDPCI chargé de l’Organisation et de la Mobilisation
 
Notre acteur du jour, ci devant leader estudiantin des années chainières de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’ivoire (FESCI), lorsque cette association était encore un mouvement de défense des intérêts des élèves et étudiants, avant de devenir le monstre à manger ses propres enfants et les enfants des autres sur son passage.
 
Ayant aiguisé mon appétit journalistique, je voulais en savoir davantage pour les lecteurs sur ce que Blé (à ne pas confondre avec l’autre Blé) avait à me dire en se qualifiant lui-même d’oublié de la République.
 
Ce dimanche matin du 10 novembre 2013, à moins de 48 heures de la publication du 9è numéro de la série, je n’arrive pas joindre Blé Guirao au téléphone.
Je lui envoie ‘’un texto’’ dans l’espoir qu’il verra ce message à temps afin d‘éviter que pour la première fois depuis l’entame de ma carrière professionnelle, je rende une copie blanche à la rédaction. Je croise le petit doigt dans l’espoir que Blé réagira.
Quelques minutes après, j’ai une alerte. Mon téléphone mobile m’indique que j’ai un ‘’short message’’ ‘’Je suis en route, je quitte maintenant la région du Cavally’’ me rassura Jean Blé Guirao.
 
Un message écrit avec une simplicité déconcertante oubliant que moi j’ai une copie à rendre à l’examinateur !
 
Blé Guirao, le mouton du sacrifice

 
Dans ma revue de littérature sur notre acteur du jour, je ‘’tombe’’ sur des déclarations dignes d’intérêt pour la cause de la série ‘’ Les oubliés de la république’’ et je comprends mieux pourquoi, Blé Guirao est remonté contre la république.
 
En contact avec la base, Blé a le temps de se ressourcer et les proverbes prennent une place dans ses déclarations :‘’ Qui aime bien châtie bien. Ma mère me disait souvent que, lorsque vous rentrez dans une maison et vous voyez une jarre remplie d'eau, et qu'il n'y ait pas de gobelet mis à côté, c'est que cette eau n'est pas bonne à boire, elle est juste bonne pour se laver les mains. En d'autres termes, quand en interne, les conditions ne sont pas créées pour étancher la soif de savoir des militants ou des responsables, ne soyez pas surpris après qu'ils se désaltèrent sur la place publique avec des sachets d'eaux’’
 
Et Blé Guirao poursuit : ‘’ Le climat n'est pas rassurant et certains actes nous séparent, chaque jour davantage. Rien n'est fait pour renforcer la cohésion au sein des alliés (RHDP NDR). Le décor est planté pour un divorce consommé. Il faut tirer la sonnette d'alarme pendant qu'il est encore temps’’. (Source le Banco).
 
De tous les combats pour l’émergence de la Côte d’Ivoire, Blé Guirao a certainement ses raisons qui justifient son mécontentement. Et Blé n’est pas de nature à ne pas dire ce qu’il pense, c’est un sacrifice, tous ces efforts faits et toutes ces nombreuses pertes en matériels et en vie humaines pour la victoire de notre candidat du RHDP’’.
 
Vers la fin de la série

 
Les oubliés de la République, il y’en a certainement au PDCI, RDR, UDPCI, MFA, FPI, PIT….RHDP, LMP. Je m’en voudrais si je n’adresse pas ici et maintenant un petit message au Chef de l’Etat qui, pour le peu que je sais de lui, lis beaucoup et c’est un passionné des TIC, notamment internet. Peut être qu’il lira ce message en ligne.
Excellence, monsieur le Président de la République, à ceux, dont la seule motivation est d’attirer votre attention, en donnant échos aux cris de détresse des ‘’sans voix’’, ceci dans l’intérêt supérieur de la nation, un reproche récurent leur est souvent fait : ‘’ Vous accusez chaque fois les collaborateurs du Président de la République, pensez vous que le Chef de l’Etat Alassane Ouattara ignore tout ce qui se dit et est écrit dans la presse ?’’.
 
Monsieur le Président, je ferais de La lapalissade en disant que vous êtes le dernier recours lorsque tout espoir est perdu. Les oubliés de la République ne demandent qu’une reconnaissance de la nation ! Je reste persuadé que si vous êtes vraiment au courant de l’ampleur des appels de vos compatriotes, vous agirez ; c’est le moins qu’on puisse attendre du Premier oublié de la République que vous avez été durant des années après avoir sorti le pays du gouffre en 1990 en votre qualité de Premier Ministre du Président Félix Houphouët Boigny.
 
A une personnalité de votre dimension, Monsieur le Président, je retiens la leçon de Winston Churchill : ‘’ je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n’aime pas toujours qu’on me donne des leçons’’.
 
A l’endroit des oubliés de la République, ce fut un plaisir pour moi de porter l’écho de vos espérances, le mardi prochain, dans l’acte 10 le dernier du genre, toute la place sera laissée à une rétrospective des cas traités ou évoqués dans la série.
En un mot comme en cent, appropriez vous ce précieux conseil de Winston Churchill : ‘’Jamais, jamais, jamais, n’abandonnez jamais.’’ Et souvenez vous : ‘’Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal : c’est le courage de continuer qui compte. ‘’ A mardi prochain, peut être.
 
Soumahoro Alfa Yaya.
Journaliste-Ecrivain.
Militant des Droits de l’Homme