Abidjan est débordée de maquis et autres lieux pour manger et boire. Danser ou écouter de la musique. Mais un autre phénomène prend de l’ampleur et cela devient plus qu’inquiétant. Les voitures. La circulation. Presqu’impossible de circuler normalement. On a l’impression de se retrouver dans la périphérie de Paris les matins ou les soirs. Pour le moment, ce n’est pas encore Lagos mais nous ne sommes pas encore loin de la situation de la mégalopole nigériane. Si l’argent ne circule pas les voitures circulent. Et comme les voitures s’achètent avec de l’argent que doit-on conclure ? Aller au travail et en revenir devient un problème crucial. Ce sont des heures à passer dans des bouchons. C’est la perte de temps, d’énergie et d’argent. La route précède le développement mais à Abidjan la route devient un facteur de retard. Les routes sont bonnes et très bonnes mais ce sont les nombres croissants de voitures qui posent problème. Impossible d’empêcher leur sortie du port ou des parkings. Ils s’achètent comme du pain. Tout le monde peut s’en procurer à des prix variés. On vous pardonne même d’en acheter à vil prix.
Il y a trente ans pour finir une numérotation, il fallait deux à trois ans et même quatre ans. Aujourd’hui, il faut seulement douze mois pour atteindre mille voitures. Et la quasi-totalité de ces véhicules roulent à Abidjan dans les embouteillages. L’intérieur du pays n’est pas encore atteint par le « go slow ». En province, on prend du plaisir à rouler dans sa voiture. On peut conduire même à vive allure pour tester la puissance de sa voiture. A Abidjan, toutes les voitures, dans leur grande majorité, se dirigent vers un seul endroit : le Plateau. Parvenir dans le Plateau ou s’en sortir devient un cauchemar. Moi, j’y ai renoncé les jours de travail. Autrefois, pour faire des courses, dans le Plateau, je préférais atteindre onze heures, pour y aller, convaincu que la route sera dégagée. Maintenant inutile de venir même à midi. Impossible d’accéder à la cité « sainte » à n’importe quelle heure. Je n’utilise ma voiture que les samedis et les dimanches. A chaque fois, je suis dans un taxi. Les différents conducteurs donnent leur solution variée et différente. Chacun attend avec impatience le troisième pont d’Abidjan. Beaucoup sont convaincus que ce nouveau pont ne va pas résoudre la pénétration dans le Plateau.
Certains croient que c’est un autre pont, de Youpogon au Plateau, qui finira définitivement cette histoire d’embouteillage dans l’accession au Plateau. Et encore ! Félix Houphouët-Boigny disait, il y a de nombreuses années, que les colons avaient prévu dans leur plan une population de deux cent mille pour Abidjan. Il y a plus de trente ans qu’il l’a révélé. Les embouteillages devenaient, déjà, un problème à Abidjan, dans le Plateau. C’est dire qu’une ville évolue en permanence. Le deuxième pont, celui de Charles de Gaulle, a été rattrapé par le développement fulgurant de la ville. Ce qu’on fera aujourd’hui sera dépassé dans vingt ans. D’autres disent qu’on doit absolument interdire la circulation de véhicules de plus de sept ans d’âge. C’est méchant et égoïste. Ceux qui peuvent acheter une voiture ne dépassant pas dix ans sont une forte minorité. Dans ce cas, c’est ma voiture qui sera retirée de la circulation. Et comme on n’a pas encore de métro, faire une telle proposition est absurde. A mon avis, la solution se trouve, comme je l’ai plusieurs fois écrit, dans le développement d’autres villes, d’autres quartiers ou surtout la délocalisation de plusieurs activités ou de ministères de ce centre ville qu’est le Plateau. Au niveau des grandes surfaces, cela a été un grand succès. Plus besoin d’aller au Plateau pour faire des achats dans un supermarché. Il faut donc absolument délocaliser de nombreux services publics ou privés du Plateau dans les périphéries d’Abidjan. Car à l’allure où galope la sortie des voitures, l’asphyxie de la ville n’est plus loin. Dans un avenir immédiat, il faut élargir rapidement le boulevard lagunaire, cette grande concentration de tous les embouteillages. Pour de nombreux conducteurs, il faut agir avant que tous les travailleurs de la Bad n’arrivent.
Tous ont des voitures et se dirigeront vers le Plateau. Il n’est pas bon que ces catalyseurs de l’économie se retrouvent dans les embouteillages des heures à l’aller comme au retour. En plus, notre capitale économique sera visitée tous les jours par de nombreux responsables financiers qui viendront travailler avec l’Institution africaine. J’ai l’impression que les gens ne se rendent pas compte que notre ville, à partir de l’année prochaine, sera la ville africaine qui disposera du plus grand nombre de fonctionnaires internationaux du continent. Le temps c’est de l’argent. Nous autres, gens du peuple, on semble oublier que l’argent est le nerf de la guerre, et qu’un Etat n’a pas d’argent dans sa caisse à volontiers. C’est chaque jour que le ministère de l’Economie cherche de l’argent pour le mettre au service des autres ministères. Comme des enfants, nous voulons, chaque jour, quelque chose pour notre confort en oubliant que les ressources sont rares. Rien n’est facile dans ce monde. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Les Samedis de Biton : En attendant le retour de la Bad - Photo à titre d'illustration