Les condamnations récentes de plusieurs proches de l'ancien président Laurent Gbagbo, et le procès de celui-ci toujours en cours devant la Cour pénale internationale, n'ont pas encore permis à toutes les victimes de la crise ivoirienne de bénéficier d'une justice « équitable » et « impartiale ».
Une tribune cosignée par Yacouba Doumbia (Mouvement ivoirien pour les droits de l’homme), Drissa Traore (Fédération internationale des droits de l’homme) et Jim Wormington (Human Rights Watch).
Depuis le début de l’année, le système judiciaire a connu une activité intense en Côte d’Ivoire. Les tribunaux ivoiriens ont condamné plus de dix personnes du camp de l’ancien président Laurent Gbagbo pour des attentats commis après la crise postélectorale de 2010-2011, notamment une attaque transfrontalière perpétrée en juin 2012 qui a coûté la vie à sept Casques bleus. Mais pour les victimes des viols, tortures et exécutions extrajudiciaires commis pendant la crise postélectorale elle-même, la justice se fait attendre.
La crise postélectorale de 2010-2011 a commencé par le refus du président Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à Alassane Ouattara à la suite de l’élection présidentielle de novembre 2010. Au cours des cinq mois de violence et de conflit armé qui ont suivi, au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes ont été violées, les forces armées des deux parties s’en prenant notamment aux civils en considérant leur appartenance politique et, parfois, ethnique et religieuse.
Une justice accusée d’être partiale
Dans les années qui ont suivi la crise post-électorale, des dizaines de sympathisants de Laurent Gbagbo ont été jugés devant des tribunaux ivoiriens, conduisant à des accusations selon lesquelles les autorités judiciaires pratiqueraient une justice partiale. La façon insatisfaisante dont certains de ces procès ont été menés, ne respectant pas les normes internationales en matière de procès équitable, a alimenté ces accusations.
Mais en réalité, les tribunaux ivoiriens n’ont pas rendu justice aux victimes des deux camps de la crise de 2010-2011. Au lieu de traiter les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture et les viols que les forces pro-Gbagbo ont commis, les procès visant les alliés de Gbagbo se sont concentrés sur les atteintes à la sûreté de l’État pendant la crise postélectorale et sur les attaques postérieures en 2012...
Les restes de jeunes hommes tués en mars 2011 dans un incendie criminel, près de Blolequin, dans l'ouest de la Côte d'ivoire. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA