Litige foncier/ Affaire Université de Cocody-Eglise Assemblée de Dieu : Un terrain d’entente aurait été trouvé, mais…

  • 18/12/2013
  • Source : L'Intelligent d'Abidjan
Selon un communiqué du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRC) en date du jeudi 12 décembre 2013 dont nous avons reçu copie, un terrain d’entente vient d’être trouvé au litige foncier qui opposait l’Etat de Côte d’Ivoire, représenté par le ministère, à l’Eglise des Assemblées de Dieu située à l’opposé de l’Université FHB dans le périmètre de la brigade de gendarmerie.

Enfin, diront les témoins de cette affaire dont les soubressauts auront tenu en haleine pendant près de deux ans, partisans et adversaires de chaque camp. Voici l’historique de ce conflit foncier où Dieu lui-même a été appelé au secours.

Le communiqué pondu le jeudi 12 décembre 2013 révèle en effet que grâce à la médiation de guides religieux, saisis de l’affaire, les responsables de l’Eglise des Assemblées de Dieu ont décidé de renoncer au bras de fer, en se contentant finalement des clauses du règlement à l’amiable préétabli avec le MESR, à savoir le partage équitable de la parcelle à litige. Les fidèles de l’Eglise qui ont, par la même occasion renoncé à s’attaquer à la clôture de délimitation en construction, se sont vus autoriser l’accès du site par le ministère.

A qui appartient le site litigieux ?
 
Au cœur du conflit, un terrain de 16.500 m2 (en face de l’Université Félix Houphouët-Boigny sur l’axe Cocody-Riviera 2), pour lequel les deux parties détiennent des titres de propriété dûment délivrés par des services du ministère de la Construction.
Lors d’une conférence de presse animée le 12 novembre 2012 à son cabinet, le ministre Cissé Bacongo a fait savoir que l’université Félix Houphouët-Boigny dispose de 13 ha sur lesquels sont installés le district de police, la brigade de gendarmerie de Cocody et l’église des Assemblées de Dieu de Cocody. Selon lui, l’église occupe 16498 m2, soit 1,6 ha du site de l’université.
 
Pour le MESRC, le site sur lequel se trouve l’Eglise des Assemblées de Dieu fait l’objet d’un certificat de propriété de l’Université, antérieur à celui de l’Eglise qui s’avère donc selon les services du ministre Bacongo, illégal dans la mesure où le premier certificat n’a pas été annulé. Ce qui intrigue dans ce contentieux c’est en effet, la détentionpar les deux protagonistes de deux titres de propriété. Un document censé être pourtant unique et inattaquable. Pendant que le ministère de l’Enseignement supérieur brandit le titre de propriété TF 14668 publié au livre foncier du 23 avril 1969, son adversaire (l’église Des Assemblées de Dieu) sort le titre de propriété TF 84289 qui date de 1996. La tension était montée à plusieurs reprises entres les deux parties.
 
La première fois, le mardi 6 novembre 2012. Ce jour, la clôture du temple a été touchée par un bulldozer du ministère de l’Enseignement supérieur. Le ministre de l’Enseignement supérieur, M. Ibrahima Cissé Bacongo avait indiqué lors de sa conférence de presse du lundi 12 novembre 2013, qu’il avait attendu plus de 10 jours que les responsables de l’église veuillent bien signer l’accord à l’amiable qu’il avait trouvé afin de définitivement décanter cette situation. Accord qui consistait à accepter le principe de concession de 8250 m2 à l’Eglise des Assemblées de Dieu et 8262 m2 à l’université de Cocody. Dans le souci de trouver un règlement à l’amiable, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique avait donc décidé de couper la poire en deux.

Comment a été fait le partage du site litigieux ?
 
Puisqu’il n’y a pas eu d’entente après plusieurs rencontres. En fait trois (3) rencontres où les deux parties sont restées sur leur position de jouir exclusivement du site en question. Puisqu’il n’y a pas eu d’entente, le ministre qui les a reçus la troisième fois à son cabinet a expliqué que des simulations seraient faites pour voir ce qui pouvait être concédé à l’église. Et il a demandé séance tenante à la direction de la topographie de voir ce qui était possible en la matière sans détruire le temple. Au terme des simulations, il a été arrêté un plan qui divise le site en deux sans toucher l’église.

C’est cette simulation qui a été appliquée pour le partage. ’’Il a été demandé au directeur de la topographie et de la cartographie de délimiter le site du côté de l’église. Ce dernier a explosé ses conclusions et a indiqué qu’il y avait une superposition de 2 titres fonciers(TF). Le titre foncier de l’église est superposé à celui de l’université », avait indiqué le ministre Bacongo. Et de poursuivre pour dire que ’’Le ministère de l’Enseignement supérieur n’a jamais eu l’intention, n’a pas l’intention et n’envisage pas de détruire l’église des Assemblées de Dieu de Cocody. J’ai reçu les frères et sœurs de cette église et je leur ai répété cela. Nous ne casserons pas l’église.
Le ministre que je suis, à titre personnel, a déjà construit des églises, a équipé des églises. Je ne peux donc pas être complexé dans mes rapports avec les églises’’

Mais pourquoi alors y’a-t-il eu tant de soubressauts ? 
 
«C’est parce que le ministère est en train d’aménager sa partie avec des travaux de terrassement qui ont touché la clôture. Il faut savoir que la clôture se trouve à l’intersection du domaine de l’université sur ce site et les 8250 m2 sur les 16500 m2 que nous avons concédés à l’église pour ne pas toucher son temple et son grand bâtiment. C’est pour cela qu’elle a été touchée. Sinon, nous n’avons pas l’intention de toucher l’église.

Elle sera épargnée comme le stipule d’ailleurs les simulations diligentées à cet effet par le ministre Cissé Bacongo. Il est dès lors inexact de dire qu’il s’attaque à une église. C’est plutôt juste de dire qu’il protège l’église des Assemblées de Dieu», avait précisé le Pr N’Guessan Kouamé, Directeur du service de décentralisation des universités.

Pourquoi en est-on arrivé à ce conflit ?
 
Tout simplement et c’est hélas, si courant, du fait de la détention par les parties (le ministère de l’Enseignement supérieur et l’Eglise des Assemblées de Dieu) de deux titres de propriété. Un document censé être pourtant unique et inattaquable. Pendant que le ministère de l’Enseignement supérieur brandit le titre de propriété TF 14668 publié au livre foncier du 23 avril 1969, son adversaire (l’église les Assemblées de Dieu) sort le titre de propriété TF 84289 qui date de 1996.
 
Saisi du différend, le ministère de la Construction a pris fait et cause pour le département du ministre Cissé Bacongo déclaré «vrai propriétaire» du site. «Dans toute cette zone de Cocody, le domaine de l’université de Cocody couvre une superficie de 31.000 m2. Y compris les 16.500 m2 occupés par l’église les Assemblées de Dieu.
Et cela a été reconnu et affirmé par la direction de la Topographie sous tutelle du ministère de la Construction qui est le service compétent pour trancher », a signifié le Directeur du service de décentralisation des universités. Mais, la question de fond sur l’existence de deux titres de propriété pour le moins contradictoire sur le même site, demeure.

Qui est donc le vrai propriétaire ?
 
Lorsque le conflit s’est déclenché en novembre 2012, un agent de la direction de la Topographie avait donné son éclairage qui demeure encore d’actualité selon les différentes indiscrétions que nous avons obtenues des mêmes services. Selon cet agent, l’erreur c’est que le bornage contradictoire n’a pas été fait avant l’attribution d’un autre titre de propriété en 1996. « C’est de là que vient le problème des deux titres de propriété sur le même terrain», a confié sous le court de l’anonymat le, collaborateur du ministre Mamadou Sanogo en service à la direction de la Topographie et du contentieux du ministère de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Assainissement.
 
Du côté des membres de l’église, on crie au complot et à un abus de pouvoir. « Il y a eu un procès, le ministère a été débouté. Nous avons tous nos papiers, ce terrain nous appartient. Mais comme vous le constatez, on nous empêche de mener nos activités », a déclaré un membre de l’église qui a requis l’anonymat. Le conseil paroissial avait eu recours à la justice.

Le juge par l’ordonnance des référés 4900/2012 du 28/11/2012 a confirmé le titre de propriété de l’Eglise sur la totalité du site. Après le verdict, la clôture construite par les responsables de l’université a été détruite par les fidèles de cette assemblée. En dépit de cette décision de justice, le terrain litigieux est encore gardé par des éléments des Forces républicaines (FRCI), empêchant du coup les membres de cette communauté de vaquer à leurs prières. Tout individu qui tente de passer le barrage que les soldats ont érigé, est rappelé à l’ordre. 

L’église accusée de faux et usage de faux.
 
Selon un membre du ministère de l’Enseignement Supérieur est de la Recherche Scientifique, l’église aurait produit un second certificat de propriété sans que le premier ne soit l’objet d’annulation. « Un terrain ne peut avoir deux certificats de propriété au même moment », a-t-il souligné. Pour ce dernier la décision de justice est nul et de nul effet. Seule l’université serait en possession d’un vrai titre foncier délivré en 2004. Ce dernier a révélé que des poursuites devant les juridictions pour faux et usage de faux des responsables de l’église seraient en cours 

Aucun mètre carré ne sera concédé 
 
Pour répondre à la rumeur selon laquelle, l’espace litigieux serait concédé à l’université, le vendredi 13 décembre 2013, la direction de la communication de l’église a réagi en ces termes : « L’église n’a concédé et n’entend concéder aucun centimètre de son périmètre, préservant le patrimoine qui est le sien, en toute et pure légalité », disaient certains fidèles.

Ainsi donc les membres de l’église ne se retrouvent pas dans la procédure à l’amiable indiquée par le communiqué du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ce qui revient à dire que le conflit en question n’est pas encore éteint et on doit s’attendre dans les jours ou semaines à venir à de nouvelles tensions sur le site litigieux. D’ailleurs, la présence encore visible d’hommes en armes (FRCI) sur le site litigieux démontre que malgré la bonne volonté du ministre Bacongo, le problème demeure.
 
Olivier Guédé et Arnaud Houssou