Me Altit revient à la charge. Dans le cadre du cinquième réexamen de la détention de son client, l'avocat de Laurent Gbagbo vient de produire une nouvelle requête à la date 26 février 2014 et mis en ligne sur le site officiel de la Cour pénale internationale (CPI).
Cette requête porte sur les conditions d'application des dispositions de l'article 58(1)(b) et invite la Chambre préliminaire I à «prononcer la mise en liberté provisoire du président Laurent Gbagbo». Dans sa sollicitation, le Conseil principal de Gbagbo a indiqué que les conditions d'application dudit article relatives aux
risques de fuite et d'obstruction aux enquêtes ne sont plus remplies parce que dans l'affaire '' le Procureur c. Laurent Gbagbo '',plusieurs changements de circonstances au plan national et au plan international ont eu lieu.
Au plan national
«La situation politique en Côte d’Ivoire est caractérisée depuis quelques mois par uneforme de décrispation et par la normalisation des rapports entre les différents acteurspolitiques», a précisé d'entrée l'avocat de Gbagbo. Cette normalisation est matérialisée sur le plan national, a continué la Défense, par la libération, le lundi 3 février 2014, de 10 officiers de police poursuivis pour «attentat contre l’autorité de l’Etat,violation de consigne » pendant la crise post-électorale, pour«délit non constitué». Me Altit a également fait mention, dans sa requête, de la libération d'opposants politiques et d'anciens membres des Forces de défense et de sécurité au nombre de 63 les lundi 27 et vendredi 31 janvier 2014.
Le retour des exilés et en particulier certaines personnalités qui avaient été «visées» par le Procureur comme faisant partie du «réseau» pro-Gbagbo, est
également un élément de poids pour le Conseil de l'ancien président ivoirien.
«L’exemple le plus frappant est celui de Marcel Gossio, directeur général du port autonome d’Abidjan durant l’administration Gbagbo, rentré à Abidjan le 17 janvier 2014,après trois années d’exil au Maroc », a-t-il expliqué, avant de relever que «Marcel Gossio avait été présenté par le Procureur comme l’un des grands financiers des ''réseaux'' pro-Gbagbo dont l’existence aurait interdit la miseen liberté provisoire du président Gbagbo et que par leur attitude de bienvenue à son
égard, les autorités ivoiriennes réduisent à néant la thèse du Procureur».
Outre l'ancien directeur général du Port autonome d'Abidjan, Me Altit a mis en relief le retour en Côte d'Ivoire de «près de 1300 éléments des ex-forces dedéfense et de sécurité pro-Gbagbo exilés (au Ghana ou au Togo) ou entrés en clandestinité » qui ont « répondu à l’appel au retour lancé par le président Ouattara, qui leur a garanti lasécurité». Le rôle du parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), n'a pas été occulté dans cette série d'arguments.
La Défense a fait mention «du rôle important du FPI dans la vie politique ivoirienne afin que le processus de réconciliation soitréellement engagé ». « Les responsables du FPI sont désormais régulièrement consultés et le FPIest redevenu un acteur politique essentiel en Côte d’Ivoire.
Par exemple, le 9 décembre 2013,les dirigeants du FPI et du RDR se rencontraient et échangeaient à propos du processus deréconciliation», a-t-il justifié,prenant en compte également la visite du président du FPI au Forum ICI 2014 organisé par le gouvernement, qui se tenait du 31 janvier 2014 au 1er février 2014.
Au Plan international
Me Altit considère que le FPI est redevenu un acteur essentiel de la vie politique ivoirienne, mais encore, ses responsables sont les interlocuteurs incontournables des représentants de la communauté internationale. A ce titre, le 17 février 2014, le président du FPI a échangé avec une délégation conduite par le Sous-secrétaire
Général aux opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet, et la Représentante Spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en Côte d’Ivoire, Aïchatou Mindaoudou, au cours de laquelle M. Mulet «s’est dit heureux d’avoir pu écouter la vision du FPI pour des électionscrédibles et apaisées ».
Le 21 février 2014 également, le président du FPI rencontrait à nouveau la Représentante Spéciale de l’opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire afin de porter à son attention certaines de ses préoccupations. Le 24 février 2014, le président du FPI recevait l’Ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire, Terence McCulley.
Le secrétaire national du FPI chargé de la communication précisait que «l’Ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire est venu rencontrer la direction du FPI pour marquer sa volonté d’aider la Côte d’Ivoire à aller de l’avant [...]. Le président du parti a évoqué tous les problèmes auxquels le FPI est confronté en ce moment.
Et on peut dire, au terme de leur conversation, que les deux personnalités se sont comprises. «Le FPI est donc un acteur essentiel de la vie politique ivoirienne et ses responsables,qui proclament leur attachement au président Gbagbo, sont les interlocuteurs desreprésentants de la communauté internationale», a insisté l'avocat, avant de relever que «les responsables du FPI ont toujours considéré que la libération provisoire du présidentGbagbo constituerait un pas important
dans le processus de réconciliation nationale.Ils ne sont pas les seuls.
Ainsi, de nombreux représentants de la société civile considèrent que la libération du président Gbagbo serait un facteur contribuant à la réconciliation et la stabilisation du pays ». Ainsi, face à tous ces arguments soulevés, le Conseil principal de Laurent Gbagbo indique à la Chambre préliminaire I qu'il convient donc d’accompagner ce processus de réconciliation à ce moment charnière de l’histoire de la Côte d’Ivoire, un moment où il est absolument nécessaire d’engager « une dynamiquevertueuse pour contrer une dynamique mortifère et délétère ».
Emmanuel Alit poursuit pour dire que même les responsables de la nouvelle administration ivoirienne ne voient pas la libération du président Gbagbo comme une menace. Il en veut pour preuve les propos tenus le mois d’août 2013 par Daniel Kablan Duncan, Premier ministre, dans une interview sur la chaîne BBC Afrique disant que «s’il (Gbagbo) est relâché il reviendra où il veut, y compris en Côte d’Ivoire, il n’y aura aucun problème ».
Par conséquent, souligne l'avocat de Gbagbo, il appartient à la Cour Pénale Internationale (CPI) dont l’un des buts proclamés est de lutter contre l’impunité et de restaurer une paix durable, d’accompagner autant que possible ce processus et, en tout cas, de ne pas souffler sur les braises de la discorde et de la violence.
«Réfléchissons un instant à ce que signifie le maintien du président Gbagbo endétention dans un tel contexte : c’est, pour les Ivoiriens, un signe de défiance à leur égard, lerefus de prendre en compte la possibilité d’une réconciliation, la volonté réaffirmée dedésigner un seul responsable alors qu’il est désormais clair aux yeux de tous que certains deceux qui sont accusés de crimes contre l’humanité par les Organisations de défense des droits de l’Homme sont au pouvoir en Côte d’Ivoire.
Le maintien en détention du président Gbagbone peut être compris aujourd’hui par l’opinion publique ivoirienne etinternationale que comme une prise de position de la Cour en faveur d’un camp contre l’autre. Il s’agit ici de liberté provisoire, pas de liberté définitive, la liberté provisoire n’ayant aucun impact sur ledéroulé de la procédure», a-t-il conseillé.
En un mot, pour Me Altit, la situation a changé, ce qui induit nécessairement une perception différente des risques. Alors, le Conseil principal de Laurent demande à la Chambre préliminaire I de prononcer la mise en liberté provisoire de son client et demande subsidiairement «aux autorités ivoiriennes quelle est leur position concernant uneéventuelle libération provisoire du président Gbagbo
Cyrille DJEDJED
Me Altit aux juges : «Les conditions de libération de Laurent Gbagbo sont réunies» - Photo à titre d'illustration