Lundi, 14 détenus pro-Gbagbo ont été remis en liberté provisoire. Parmi eux, Pascal Affi N’Guessan, le président du FPI, le Front populaire ivoirien, mais aussi Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo, détenu depuis avril 2011 dans le nord de la Côte d’Ivoire. Ce dernier est arrivé mardi à Abidjan, et a donné ce mercredi, à son domicile de Cocody, sa première interview à Aurélie Fontaine pour BBC Afrique. Vous avez été mis lundi en liberté provisoire, que cela représente-t-il pour vous ? C’est d’abord une très grande joie, parce que d’abord je suis plus heureux dehors que dedans, dedans c’est à dire en prison. Pour moi ça participe du processus général de réconciliation. C’est un point positif. Donc c’est un pas vers la réconciliation nationale ? Oui. Il faut dire merci au gouvernement pour ce geste, cela permet à l’opposition de capter ce signal et de faire en sorte qu’il y est un dialogue un peu plus franc et plus détendu avec le pouvoir en place. Ceci étant, la réconciliation nationale, pour un pays qui sort de guerre, est un processus qui prend du temps. On vient de franchir un pas et il y en a d’autres évidemment à franchir. Que pensez-vous de la présidence d’Alassane Ouattara ? C’est une question difficile pour quelqu’un qui sort tout juste de prison. Je vais me réserver sur cette question, je vais apprécier le fait que je suis en train de vous parler en tant qu’homme libre et je vais prendre le temps de regarder. Vous étiez en détention à Bouna, dans le nord de la Côte d’Ivoire. Y avez-vous subi des mauvais traitements ?
Oui, j’ai subi quelques mauvais traitements, mais c’était vraiment au tout début de cette rocambolesque histoire. Le fait d’être en prison c’est en soit une torture car c’est un pays qui sort d’une crise grave, qui est pauvre, et dont les structures sont minimales eu égard aux standards internationaux.
Pouvez-vous préciser les mauvais traitements que vous avez subi ?
Des pompes, des insultes, des vexations. Certains hommes de certaines confessions religieuses qui s’asseyent et vous font passer des interrogatoires. Ce n’était pas évident. Mais c’est le passé et il faut regarder qu’il y a un processus de réconciliation, qu’il y a des pas qui sont franchis et que nous devons tous, peut-être pas être d’accord sur tout, car chacun doit garder son opinion, son indépendance, mais nous devons regarder dans la même direction, c’est à dire faire en sorte de réconcilier les ivoiriens et de sauver la Côte d’Ivoire.
Avez vous eu des nouvelles de votre père, Laurent Gbabgo ?
J’en ai eu indirectement. Je sais qu’il est en très bonne santé. J’ai eu des nouvelles de tantie Simone (Simone Gbagbo, sa belle-mère NDLR). Je sais que ça va même si je regrette qu’elle n’est pas eu tous les soins nécessaires à l’hôpital il y a de cela quelques mois.
Vous avez été arrêté en avril 2011, en même temps que votre père Laurent Gbagbo. Vous êtes accusé notamment d’atteinte à la défense nationale, de rébellion et de constitution de bandes armées. Que répondez-vous à cela ?
C’est une procédure judiciaire donc c’est difficile d’en dire deux mots mais jamais aucun éléments de preuves attestant ce genre d’accusation ne m’a été amené donc je ne me reconnais pas du tout dans cela.
Les ONG de défense des droits de l’homme et la communauté internationale accusent les deux camps, celui de Laurent Gbagbo et celui de l’actuel président Alassane Ouattara, d’avoir commis des exactions lors de la crise post-électorale.
Pensez-vous que seul le camp Ouattara a commis des violences ?
Je dirais que les présidents Gbagbo et Ouattara ont été deux présidents dans un même pays disposant chacun de deux légitimité et de deux armées qui se sont combattues et donc il y a eu des victimes de part et d’autres. Aujourd’hui, aucune famille en Côte d’Ivoire, quelle que soit son parti politique, son ethnie ou sa religion ne peut pas dire qu’elle n’a été affectée.
Aucun parti politique, aucun cadre politique de haut niveau ne peut dire qu’il n’a aucune une responsabilité dans ce qui c’es passé, que des victimes soient de son bord ou pas. C’est un tort collectif, que nous devons tous assumer.
Comment envisagez-vous votre avenir ?
Que je m‘engage en politique ou pas, c’est la culture de la tolérance et de la démocratie qui doit primer en Côte d’Ivoire.
J’aimerais bien porter mon t-shirt pro-Gbagbo et me balader dans Abodo, qui est un quartier pro-Ouattara, sans me faire agresser. J’aimerais bien que quelqu’un qui est pro Ouattara, porte un tricot pro-Ouattara et se balade en plein Yopougon, qui est un quartier réputé pro- Gbagbo et que cette personne ne se fasse pas agresser.
J’aimerais bien discuter avec des responsables RDR (parti au pouvoir NDLR) et qu’ensuite on aille prendre un pot et que chacun rentre chez lui vivant à la maison.
Je pense que chez les gens de ma génération on doit avoir ça à l’esprit. On doit travailler à faire en sorte que demain nous ayons une Côte d’Ivoire décrispée, qu’on puisse faire de la vraie politique et de la politique sans violence avec beaucoup de tolérance.
Donc au point de vue moral si je devais être un acteur en Côte d’Ivoire ce serait peut- être sur ce plan là.
Michel Gbagbo: "Plus heureux dehors que dedans" - Photo à titre d'illustration