Hommes en armes dans les rues, tirs en l’air, marchés pris d’assaut, écoles et banques fermées : les grandes villes de Côte d'Ivoire ont renoué avec un scénario désormais dramatiquement traditionnel. Des soldats qui réclament des primes sont descendus dans la rue et depuis vendredi, le pouvoir peine à rétablir l’ordre. Ce lundi après midi, Abidjan et Bouaké sont quasiment à l'arrêt. Plusieurs autres villes touchées
Pas de coup d’État dans l’air (pour l’instant) mais une mutinerie « alimentaire » qui a toutefois de quoi inquiéter…
« Nous ne pouvons pas faire machine arrière », a déclaré le porte-parole des soldats qui se sont mutinés vendredi, le sergent Seydou Koné. « Nous ne savons pas de quoi notre avenir sera fait, aussi voulons-nous notre argent pour commencer une nouvelle vie. Mais au point où nous en sommes, nous ne pouvons plus renoncer », a-t-il expliqué.
Les 8 400 mutins qui se sont révoltés au début de l’année, pour la plupart des anciens rebelles à qui ont été promises des primes, ont touché cinq millions de francs CFA (7 700,00 €) chacun pour stopper leur mouvement en janvier. Le gouvernement ne leur a cependant pas encore versé les sept millions de francs CFA restants dus. Et l’annonce télévisée de jeudi dernier par un soi-disant représentant des ex-mutins, déclarant qu’ils renonçaient au reliquat, a mis le feu aux poudres.
Vendredi, à Abidjan et dans les garnisons toujours remuantes de Bouaké, les soldats issus des rangs de l’ex-rébellion, celle qui a porté Alassane Ouattara au pouvoir, ont pris les armes et sont descendus dans la rue. Malgré des négociations avec leur ministre, des promesses et des menaces, ces hommes sont restés fermes et tiennent depuis quatre jours plusieurs quartiers militaires. Ils bloquent aussi des rues et des axes routiers.
Pourrissement
Depuis ce lundi matin, la situation se dégrade. D’autres villes sont touchées par le mouvement : Guiglo, Tabou, Danane…
Au ministère ivoirien de la Défense, on parle d’armureries pillées au camp Gallieni. Les habitants d’Abidjan annoncent, eux, des tirs constants dans plusieurs quartiers sans qu’ils puissent dire s’il s’agit de combats entre mutins et loyalistes qui se sont déployés dans le quartier du Plateau. Des groupes de jeunes en civils ont mis des barrages en place sur les routes qui mènent vers la capitale Yamassoukro. Des démobilisés se sont "mobilisés" aussi pour demander leur réinsertion dans l’armée. Visiblement, les mutins cristallisent autour d’eux de nombreux déçus.
Les mutins ont pris positions devant fraternité Matin et érigent des barrages pour empêcher toute circulation (Témoins). Ils ont auparavant fait vider les travailleurs des locaux du quotidien.
« Tu connais quelqu’un qui renonce à 7 millions (10 000,00 €) ? On nous a promis, il faut payer », martelait un mutin à Bouaké. Payer ? Le gouvernement serait divisé sur le versement de la prime. Faut-il être ferme et refuser ? La réponse tient plus certainement dans le fait que les caisses de l’État sont vides, le cacao ayant perdu 30 % de sa valeur.
Attention à l'enlisement de la situation
A Bouaké, les mutins sont bien décidés à ne pas rendre les armes en dépit des avertissements de leurs chefs? | AFP