Les populations de Bouaké ont vécu un week-end traumatisant. A l'instar des mutins des autres villes, ceux de Bouaké tiraient encore en ville ce dimanche et avaient depuis le vendredi bloqué les quatre corridors malgré un appel du chef d'Etat Major des armées, Touré Sékou. Retour sur trois jours dont le bilan s'élève à une vingtaine de blessés et un mort.
Les corridors de Bouaké libérés
En effet la tension n'était pas retombée du côté de Bouaké, même si les tirs se sont estompés. Des soldats mutins bloquaient jusqu'à dimanche les accès de cette deuxième ville du pays, au nord d'Abidjan.
Ces derniers qui ont notamment pris position autour du rond point de la préfecture de police, dans le centre-ville de Bouaké, et ont tiré en l’air pour empêcher la tenue d’un rassemblement de protestation contre leurs actions, ont finalement ouvert les accès de Bouaké, deuxième ville du pays, qu'ils bloquaient mais refusent toutefois de rendre les armes, exigeant toujours leurs primes, a constaté dimanche un journaliste de l'AFP.
"On veut l'argent, c'est tout! Il n'y pas à discuter", criait un des mutins après avoir tiré une rafale de Kalach en l'air au corridor sud de Bouaké, l'entrée de la ville située sur la route qui relie Abidjan, au nord du pays et au Burkina Faso.
Les mutins, d'anciens rebelles intégrés dans l'armée, ont toutefois libéré ce point névralgique qu'ils bloquaient depuis vendredi, laissant passer des camions au compte-goutte.
Sur des kilomètres sur les bas-côtés de la Nationale plus de 500 poids-lourds devant aller à Bouaké, ou simplement la traverser, attendaient leur tour pour passer.
Notons que cette ouverture du corridor est intervenue après une annonce à la télévision du chef d'Etat-Major des Armées le général Touré Sékou qui a "lancé un nouvel appel aux soldats indisciplinés et leur demande de libérer les corridors et de retourner en caserne et de déposer les armes".
Un mort et une vingtaine de blessés
Une vingtaine de personnes ont été blessées, dont six par balle, dimanche à Bouaké et des habitants frappés à Korhogo (nord), deux grandes villes ivoiriennes toujours contrôlées par des soldats mutins qui réclament le versement de reliquats de primes.
Une femme et cinq hommes ont été atteints par des tirs dimanche et étaient soignés au CHU de Bouaké, a constaté un journaliste de l’AFP. Une quinzaine d’autres personnes, molestées, ont été légèrement blessées et admises à l’hôpital.
Samedi, des mutins impliqués dans ce mouvement avaient tiré sur deux personnes, à Bouaké et à Korhogo, les blessant gravement. L’homme, gravement blessé par balle samedi à Bouaké, est décédé dimanche au Centre hospitalier universitaire, a annoncé sa famille.
"Issouf Diawara est finalement mort des suites de ses blessures par balle. Je suis un homme effondré. Sachez que je suis seul aujourd’hui après la mort de mon grand frère", a affirmé à l’AFP son jeune frère Souleymane Diawara.
La victime avait été atteinte d’une balle par des soldats mutinés qui s’étaient rendus au siège d’anciens rebelles non intégrés dans l’armée, appelés les "démobilisés", qui avaient aux mêmes réclamé des primes lundi, selon des témoignages.
Les mutins ont en outre attaqué le siège du Rassemblement des Républicains (RDR, parti du président ivoirien Alassane Ouattara). "Tous ceux qui étaient présents ont été copieusement tabassés. Il y a eu de nombreux blessés", a déclaré à l’AFP un responsable du parti, Moriba Touré.
"Ils (les mutins) s’attaquent désormais à tout ce qui ressemble de près ou de loin au parti. Nous évitons même de porter des habits à l’effigie du
président", a confié Salif Koné, un militant du parti.
Les mutins réclament toujours leur argent
Les mutins qui ont lancé ce nouveau mouvement de grogne réclament les reliquats des primes promises par le gouvernement après ces mutineries de janvier qui ont ébranlé le pays.
A l’époque, ils avaient réclamé 12 millions de francs CFA de primes pour chacun d’eux (des sommes importantes pour le pays), et obtenu le versement dès janvier de 5 millions (7.500 euros). On leur avait promis les 7 millions restants par tranche à partir de ce mois de mai.
Jeudi, un représentant de soldats avait annoncé renoncer aux revendications financières, lors d’une cérémonie en présence du président Ouattara et d’autres soldats, qui se voulait visiblement un point final à la protestation des forces de sécurité.
Mais cette cérémonie a finalement déclenché un nouveau mouvement d’humeur, alors que ce pays d’Afrique de l’Ouest est durement touché par l’effondrement des cours du cacao, vital pour son économie et dont il est le premier producteur mondial.
"Qu’ils nous envoient ce qu’ils veulent. On est prêts", avait lancé à l’AFP un des mutins, assurant être "prêts à en découdre" avec l’armée loyaliste si elle intervenait.
On ne va pas se battre avec nos frères. Nous sommes des militaires", affirme à contrario le sergent Tahirou Dirassouba.
Toutefois, autour de lui, la plupart de ces camarades sont plus vindicatifs et bombent le torse quand on évoque "l'opération militaire en cours", annoncée par l'Etat-Major et dont ils sont la cible principale.
"Nous, on est là. Un point c'est tout. En face, ils savent qui on est, qu'on sait combattre. Ouattara est arrivé au pouvoir grâce à nous. S'ils veulent un bain de sang! On espère éviter mais on est là", explique un des mutins avec une colère froide, en brandissant son arme.
"Tu connais quelqu'un qui renonce à 7 millions (10.000 euros)? On nous a promis, il faut payer ", assène-t-il.
Régulièrement, des mutins tirent en l'air au passage des camions dont certains chauffeurs paraissent apeurés.
Certains hommes portent des cagoules, l'un a même une écharpe Louis Vuitton de contrefaçon. Ils sont relativement bien équipés avec des fusils semblant en bon état et certains ont des armes lourdes: RPG, bazooka, mitrailleuses.
Avec AFP
Photo à titre d'illustration:DR