Les autorités ivoiriennes ont appelé au calme mercredi, promettant "d'améliorer les conditions de vie" de toutes les forces de l'ordre pour enrayer le mouvement de colère des militaires et gendarmes qui menace de dégénérer en révolte généralisée.
Selon un nouveau bilan annoncé par le gouvernement, les violences de mardi ont fait quatre morts à Yamoussoukro, la capitale, deux soldats étant morts pendant la nuit.
Dans la matinée, gendarmes, soldats, gardiens de prison et douaniers ont tiré en l'air dans plusieurs villes du pays, et notamment dans le port d'Abidjan, l'un des poumons économiques du pays et un des plus grands d'Afrique. Des gendarmes ont chassé les employés du site, conduisant à l'arrêt des activités, selon un employé.
Mais la direction du port a assuré avoir pris à 11h30 (locales et GMT) des "dispositions" permettant "d'assurer le fonctionnement normal" du port et "invité les opérateurs à reprendre leurs activités". Le port était désert en fin d'après-midi, selon un journaliste de l'AFP.
Le gouvernement a aussi promis une rencontre jeudi aux syndicats de la fonction publique en grève, assurant qu'ils devraient y trouver "satisfaction".
"Rien ne peut se faire dans le chaos", a martelé le ministre de l'Intérieur, Hamed Bakayoko, qui a reconnu sans ambages qu'il y avait un "processus de contagion aux autres corps" et que "la situation peut être alarmante".
"Nous ne pouvons pas accepter qu'une partie de notre armée puisse bénéficier d'une prime de 12 millions de francs CFA (18.000 euros) et que les autres n'en bénéficient pas. C'est pour cette raison que nous avons tiré en l'air", a affirmé à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, un gardien de prison à Bouaké.
- Marge de manoeuvre faible -
Le gouvernement a refusé de révéler à la presse le montant des primes promises aux mutins, justifiant les concessions par une mauvaise "gestion" de l'armée et soulignant qu'elle ne s'adressait qu'aux anciens rebelles intégrés dans l'armée (8.500 hommes) au titre des accords de Ouagadougou de 2007. Il s'agirait selon le gouvernement de paiement d'arriérés de primes et de salaires.
Plusieurs mutins ont confirmé à l'AFP que cette somme était de 12 millions de CFA.
Selon le communiqué lu par le porte-parole du gouvernement Bruno Koné, "le président a instruit les grands commandements d'initier des rencontres avec toutes les composantes de nos forces de sécurité"((armée, gendarmerie, police, douanes, prisons, eaux et forêts) et "assure (les forces de l'ordre) de la volonté d'améliorer leurs conditions de vie".
Le ministre de la Défense, Alain-Richard Donwahi, a précisé que l'ambitieuse loi de programmation militaire de 2016 prévoyait des efforts dans tous les domaines (traitements, nourriture, logement, équipement, délais pour passer d'un grade à l'autre).
L'armée ivoirienne - 22.000 hommes au total, plus 16.000 gendarmes - compte proportionnellement trop de gradés. Beaucoup sont d'anciens rebelles intégrés après la crise. Les autorités cherchent à les inciter à quitter les forces armées.
"Nous allons reprendre cette armée en main", a conclu le ministre.
Il n'est pas sûr que les promesses calment les ardeurs.
"C'est complètement injuste. Si ces soldats n'étaient pas payés entre 2007 et 2017, cela signifie clairement qu'ils n'étaient pas militaires", s'est indigné un militaire qui faisait partie des Forces de défense et de sécurité (FDS), loyales à l'ancien président Laurent Gbagbo.
La rébellion du Nord qui coupa la Côte d'Ivoire en deux de 2002 à 2011 était favorable à M. Ouattara. Le Sud était tenu par les forces loyales à l'ex-président Laurent Gbagbo. Ceux qui vont bénéficier des primes étaient favorables à M. Ouattara.
"La décision du gouvernement d'améliorer nos conditions de vie, c'est juste pour faire baisser la tension", ajoute le même militaire.
"Tout le monde veut sa part du gâteau. Avec les morts, les antagonismes vont être exacerbés", estime un connaisseur de l'armée.
Des observateurs craignent une division, voire une bataille entre forces de sécurité.
L'opposition s'en mêle
L'opposant Pascal Affi Nguessan (Front populaire ivoirien fondé par Laurent Gbagbo) appelle, lui, à la constitution d'une "gouvernement d'union nationale" afin de prévenir le "risque d’implosion que court le pays", gouvernement qui devra "conclure une trêve avec toutes les organisations politiques, militaires, syndicales et sociales".
La marge de manoeuvre du gouvernement est faible. Les finances ne sont pas au mieux avec des tensions à la baisse sur le prix du cacao dont le pays est le premier producteur mondial. Les fonctionnaires ont reconduit mardi leur grève commencée le 9 janvier.
Ils revendiquent des augmentations salariales et refusent une réforme des retraites.
Photo:Présidence / Les autorités ivoiriennes ont appelé au calme mercredi, promettant "d'améliorer les conditions de vie" de toutes les forces de l'ordre