Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2017, Bouaké était sous le choc. Recourant à ce dont ils disposent le mieux pour se faire entendre – la suite semble leur avoir donné raison - des militaires insurgés ont fait parler la poudre.
Une mutinerie qui a étalé sur la place publique, un véritable malaise au sein de l’Armée ivoirienne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce malaise a les traits d’une véritable fracture au sein de la Grande muette ivoirienne, sur fond de frustrations énormes, tant elle semble traversée par des dissensions internes.
Et Arthur Banga, chercheur ivoirien, spécialiste des questions de défense, ne dit pas autre chose, lui qui souligne que « le problème, c’est que les officiers issus des Forces nouvelles, qui n’étaient pas forcément des officiers avant la guerre, ont connu une ascension ».
Au problème de promotions qui passent très mal et provoquent colère, mécontentement et indignation, s’ajoutent des revendications liées aux primes et à l’amélioration des conditions de vie et de travail des soldats. Une fois encore, comme c’est souvent le mal de bien des armées africaines, est mise en index une gouvernance approximative, qu’on pourrait imputer non seulement à la hiérarchie militaire ivoirienne, mais aussi aux autorités de ce pays.
Ainsi donc, malgré les efforts entrepris par le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) pour moderniser l’Armée ivoirienne, cette restructuration cacherait un envers du décor sordide. En tout cas, ces événements jettent une lumière crue sur la difficulté, pour la Côte d’Ivoire, de disposer d’une armée unie et forte.
Le feu couvait certainement depuis longtemps
Une chose est certaine : comme l’ont dénoncé les mutins, tant que les uns continueront à « manger», après avoir été propulsés à des postes indus et que les autres continueront à ruminer leur colère, la cohésion et l’unité resteront une ligne d’horizon pour cette armée.
C’est un problème auquel ADO devrait apporter au plus vite, une solution idoine, s’il ne veut pas voir ces événements malheureux, se répéter et mettre en danger la paix et la stabilité en Côte d’Ivoire, qui, comme on le sait, restent toujours fragiles. En tout cas, les mutins ont été, on ne peut plus clairs : il ne faut pas jouer avec le feu.
Hélas, on peut avoir l’impression que l’on n’a pas toujours pris au sérieux le problème des sans-culottes de la soldatesque. Car, si ces soldats ont recouru à l’ultime solution, c’est-à-dire l’option de la force, la hiérarchie militaire ne peut pas jurer la main sur le cœur, que ces accès de colère n’ont pas été précédés de signaux traduisant leur amertume. En un mot comme en mille, le feu couvait certainement depuis longtemps sous les cendres, mais on a préféré fermer les yeux sur le malaise.
Il aura donc fallu que ces soldats usent de la manière forte pour qu’en moins de 48 heures seulement, le pouvoir ivoirien daigne accéder à leur requête. Toutes choses qui n’augurent rien de bon. Cette attitude peut, en effet, être perçue comme un aveu de faiblesse et faire écho dans le mauvais sens. Désormais, quand on voudra obtenir gain de cause, on tirera en l’air. Rien d’étonnant que ce mouvement d’humeur se soit répandu à d’autres garnisons du pays.
Ce coup d’éclat des militaires intervient par ailleurs dans un contexte particulier qui verra le renouvellement des députés de l’Assemblée nationale, à la suite des récentes législatives. Y a-t-il des connexions politiques entre ces mutineries et le calendrier politique du moment, c'est-à-dire la nomination d'un vice-président, la nomination d'un nouveau président de l'Assemblée nationale ? Rien n’est à exclure. Tout cela peut amener à se poser la question suivante : et si le malaise était plus profond ?
Photo à titre d'illustration:DR