Début janvier 2010, Tetsurô Gotô, directeur du laboratoire de recherche et développement chez Nikon Japon confiait à Focus Numérique qu'il pensait que "le Nikonos renaîtra à l'avenir" en ayant l'intime conviction que "un tel appareil intéresse beaucoup de monde." Trois années plus tard, après plus de 12 ans d'absence, la famille Nikonos renaît... mais troque le patronyme légendaire pour le sigle AW (All Weather) plus XXIe siècle mais moins poétique. C'est ainsi au Nikon 1 J3 de revêtir sa tenue de scaphandrier pour se transformer en super-hybride de l'extrême, le Nikon 1 AW1, prêt à affronter des plongées jusqu'à 15m, les chutes de 2m, des températures de -10°C à 40°C et, pire encore, notre laboratoire.
Prise en mains5/5
Dans l'univers automobile, il n'est pas rare qu'au sein d'un même groupe que plusieurs modèles se partagent la même plateforme. Chez Nikon, les 1 se déclinent en J, en V et désormais en AW, avec le même capteur CMOS de 14,2 Mpx au format CX et le même processeur Expeed 3A. Là où certains font des breaks, des cabriolets ou des berlines familiales, le J3 pourrait constituer le modèle compact, le V2 le modèle un peu plus expert, avec viseur intégré, et l'AW1 la version tout-terrain avec, chaque fois, une inflation du gabarit bien perceptible.
Plus large, plus haut, plus profond, l'AW1 abandonne l'aspect rikiki-mimi qui fait le succès des J. S'il peut paraître gigantesque dans sa propre famille, il se fond tout à fait dans les standards des autres appareils hybrides à objectifs interchangeables et se montre d'un encombrement équivalent à celui d'un Olympus Pen EP-5. Cet embonpoint bienvenu autorise une meilleure prise en main, les doigts ne flottant plus dans le vide. Pour ceux qui craindraient quand même que l'appareil leur échappe des mains, Nikon a prévu une petite poignée GR-N6000 à visser sur la tranche droite de l'appareil.
La qualité d'assemblage est exemplaire. Des joints toriques sont disposés aux endroits stratégiques : trappe de batterie, connectique, monture d'objectif. Cette dernière a légèrement été modifiée. Si le tirage mécanique (distance entre le capteur et le plan d'appui de la baïonnette) est évidemment inchangé, cette même baïonnette est en net porte-à-faux de 7,5mm par rapport à la coque du boîtier, alors qu'elle est affleurante sur tous les autres Nikon 1, pour y loger un joint torique d'étanchéité. Double conséquence : pour compenser, les objectifs Nikkor 1 AW étanches spécialement développés pour l'AW1 disposent d'une lèvre métallique qui vient pincer le joint. Si vous sentez une résistance lors de l'appairage du zoom et du boîtier, c'est bon signe. Deuxième conséquence, si le Nikon 1 AW1 est compatible avec tous les objectifs Nikkor 1 — mais vous perdez l'étanchéité et la résistance au choc —, l'objectif spécial de l'AW1 ne peut se monter sur aucun autre boîtier Nikon 1, qu'il soit de la série J, S ou V. Toujours à ce niveau, notons et félicitons le jusqu'au-boutisme des ingénieurs : le capteur est protégé par une fine vitre en verre afin d'éviter les projections d'eau et de poussières, l'objectif est à zoom et mise au point interne, la bague mobile troque le revêtement caoutchouc pour un motif diamanté qui assure un bon grip même quand l'appareil est mouillé. Double luxe supplémentaire : la lentille frontale est protégée par une lamelle de verre et l'extrémité de l'objectif est cerclée de caoutchouc pour amortir les chocs frontaux. Du grand art.
Chaque clapet est sécurisé par un double système de verrouillage. Chaque fois que la batterie est réinsérée, un petit message d'alerte invite à vérifier qu'aucun corps étranger ne s'est infiltré, suivi au besoin de la procédure complète de nettoyage. Nikon recommande même de laisser tremper l'AW1 pendant 10 minutes dans de l'eau claire avant de procéder au nettoyage, l'immersion se faisant bien évidemment avec l'objectif fixé et les clapets fermés. À ce propos, dommage qu'il n'y ait pas de système d'alerte pour prévenir l'utilisateur dans le cas où l'une des trappes serait mal fermée, façon voiture parlante : "Attention, porte avant gauche mal fermée". Autre grand absent, le rétroéclairage des commandes aurait été bienvenu.
Le flash peut s'ouvrir et reste fonctionnel jusqu'à une profondeur de 6m. Les œillets de fixation de la courroie en nylon (qui aurait gagné à être en néoprène) sont solidement ancrés via deux vis Torx. Les déclencheurs, un pour la photo l'autre pour la vidéo, ont une course courte et ferme. Sous le boîtier, le pas de vis pour le trépied est décentré pour permettre l'accès à la batterie et à la carte mémoire lorsque l'AW1 est fixé sur la majorité des platines. Nous aurions par contre apprécié deux petits patins en caoutchouc pour éviter que le boîtier ne glisse comme une savonnette sur les surfaces lisses... ou humides. Afin de faciliter la manipulation avec des gants, le "Contrôle actif", qui se met en route via une touche au niveau du pouce, permet de naviguer entre les différents modes de prise de vue, les photos en mode lecture et basculer d'un affichage classique à un affichage "outdoor" très contrasté en inclinant simplement l'appareil d'un côté ou de l'autre. Par contre, il ne permet pas d'effectuer d'autres réglages ni de réellement naviguer dans les menus. C'est malgré tout une utilisation ingénieuse du gyroscope interne, celui-la même qui permet l'affichage d'un horizon virtuel. Attention : seule l'assiette (roulis) est indiquée, pas le tangage (inclinaison d'avant en arrière). Dans la liste des indicateurs de vol, vous apprécierez également la boussole, le profondimètre et l'altimètre. Ce dernier fait par contre des siennes : posé sur notre bureau, parfois il affiche une altitude de 110m sous le niveau de la mer, parfois 80m au-dessus, soit une différence équivalente à un immeuble de neuf étages...
Les réglages photographiques pâtissent fortement de l'orientation résolument "outdoor" impulsée à l'AW1. Le graphisme des menus est repris des Nikon 1 classiques, gris vert pistache et blanc, sans modification ergonomique. Il faudra vous habituer à régulièrement leur rendre visite puisqu'il n'existe aucun raccourci pour jouer sur des réglages aussi basiques que la sensibilité, la balance des blancs ou la qualité d'enregistrement. Pour changer les ouvertures, ne comptez surtout pas sur une molette dédiée, incompatible avec l'étanchéité de l'appareil. L'AW1 se savourera donc mieux en mode tout automatique, exercice dont il se sort d'ailleurs fort bien. Il faut bien avoir ceci en tête en abordant l'appareil. Ceux qui s'attendent à l'équation baroudeur + hybride = expert devront se faire une raison, tous les autres peuvent passer aux chapitres suivants et savourer les qualités de ce Nikon 1 décidément atypique.
Réactivité5/5
Les Nikon 1 ont toujours joui d'un autofocus de haut vol, l'AW1 enfonce le clou en talonnant les meilleurs DSLM du moment (Lumix GX7 et OM-D E-M1), le tout dans un silence royal et sans la moindre vibration. Si le démarrage progresse par rapport au J3, l'attente entre deux clichés consécutifs semble interminable... sauf si vous désactivez la visualisation des images juste après leur capture ! Dans ce cas-là, l'AW1 retrouve tout son entrain et son aisance sautillante, à savourer à coups de rafales de 60 images par seconde, en RAW+JPG, sur 20 vues consécutives.
Qualité des images3/5
En règle générale, quand deux appareils partagent le même capteur et le même processeur, il faut s'attendre à des images identiques. Sauf qu'ici, le zoom du kit est le 1 Nikkor AW 11-27,5mm f/3,5-5,6 et non plus le 1 Nikkor VR 10-30mm f/3,5-5,6. Outre l'encombrement supérieur, les qualités optiques diffèrent également. À toutes les ouvertures au grand-angle, ce zoom AW manque de piqué. Il faut zoomer pour retrouver un semblant de détail mais, rapidement, c'est la faible luminosité qui pose problème, comme dans bien des zooms de kits. Il a pourtant une qualité unique : il va sous l'eau et, à cet effet, Nikon a prévu deux corrections automatiques de distorsion, un "hors de l'eau" et un "sous l'eau." Bien vu ! Reconnaissons-lui également une bonne correction des aberrations chromatiques. Enfin, à sa décharge, il ne faut pas oublier que le capteur est protégé d'une vitre en verre, ce qui n'aide pas vraiment.
L'exercice de montée en sensibilité ne dépayse pas, la plage 160-6400 ISO paraissant toujours aussi étroite pour un appareil de 2013. Jusqu'à 1600 ISO, l'image est honnête et le moutonnement bien contenu malgré la perte progressive des fins détails. Les sensibilités les plus hautes seront, comme d'habitude, à réserver aux cas extrêmes et jamais pour des tirages supérieurs au 10x15 cm.
Vidéo
Le Nikon 1 AW1 filme en Full HD à 30 i/s progressives ou à 60 i/s entrelacées. Il fait son travail sans fioriture, dans le silence le plus total, sauf quand il faudra cliquer pour ouvrir ou fermer le diaphragme. L'image ne souffre pas de scintillements, l'exposition est globalement bonne, même si les noirs sont très profonds et les couleurs un brin saturées. Le son, quant à lui, restitue bien la stéréo, les voix et les ambiances. Pour des raisons pratiques, nous n'avons pas pu tester la vidéo en plongée mais, jusqu'à 15 mètres de profondeur, il est prévu qu'il s'en sorte haut la main.
Un hybride baroudeur, pour qui ?
La réponse pourrait sembler évidente. Pourtant, après avoir vécu quelque temps avec l'AW1, nous ne le mettrions pas entre les mains de tous les baroudeurs. Par exemple, ceux qui désirent un appareil au maniement expert, qui résiste au froid, à la pluie et aux chocs (légers) se tourneront plus volontiers vers les Olympus OM-D (E-M5 ou E-M1). Ils y gagneront en qualité d'image et en réactivité. Ceux qui aiment les appareils qui entrent dans la poche se tourneront vers des compacts baroudeurs plus classiques.
L'AW1, lui, sera surtout apprécié de tous ceux qui pratiquent des activités nautiques, que ce soit près, sur, sous l'eau, peu enclins à passer du temps dans les menus et les réglages pour leur préférer des automatismes garantissant des résultats toujours supérieurs à ceux d'un compact classique, tout en bénéficiant de la réactivité et des fonctions exotiques des Nikon 1.
Enfin, l'AW1 sera un excellent choix pour tous ceux qui craignent pour la santé de leur appareil : un APN qui fonctionne quoi qu'il arrive n'est-il pas plus important qu'un APN qui délivrerait la meilleure qualité d'image, mais qu'une fois sur trois ? Aussi étrangement que cela puisse paraître, nous conseillerions l'AW1 à tous ceux qui ont toujours peur de casser leur appareil pour un oui ou pour un non, à tous ceux qui ont tendance à l'avoir à l'épaule et à le choquer contre un mur, à tous ceux qui ont des enfants maladroits (ou qui le sont eux-mêmes). L'AW1 est une forme d'assurance photographique : qu'il tombe par terre, dans l'eau ou dans la boue, que vous courriez à l'air libre ou plongiez tête la première avec, il répondra toujours présent. Et finalement, c'est pour la sérénité qu'il vous apporte que vous l'apprécierez.
Conclusion
Nikon a pris le parti d'orienter son AW1 vers un usage baroudeur tout automatique. S'il aurait pu se satisfaire d'être le seul appareil à objectifs interchangeables étanche et plongeur, il le fait aussi intelligemment, s'adressant à ceux qui vivent dans l'action plutôt que dans les menus. Un pari gagnant qui offre un vrai bol d'air à la famille Nikon 1.






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Nikon 1 AW1, l'hybride à emmener partout - Photo à titre d'illustration