L’ancien président de l'Assemblée nationale, à la tête de Liberté et démocratie pour la République (Lider), parti d’opposition, réagit à la mise en place du bureau de la Commission électorale indépendante, sans jamais manquer d’égratigner le chef de l’État Alassane Ouattara, suspecté de vouloir « verrouiller le processus électoral ».
Comment appréciez-vous la réélection de Youssouf Bakayoko comme président de la Commission électorale indépendante ?
Même si cet état des choses est décevant de la part d'un technocrate qui sort du consensus de Washington mais se comporte comme un potentat de village africain, il est dans la logique de l'action du candidat Ouattara qui consiste à verrouiller le processus et le système électoraux pour préparer, forcer et imposer sa victoire.
Il faut quand même retenir que les choses ont commencé avec le Conseil constitutionnel anticonstitutionnellement installé, qui ferme depuis lors les yeux sur les violations flagrantes et récurrentes de la loi fondamentale par le président de la République, qui reste à la fois chef de l'Etat et président du Rdr. Il ne faut pas oublier que, par la suite, entre autres actes illégaux, le président a installé une Commission électorale totalement à ses ordres, en violation de la Constitution.
Que Bakayoko soit de nouveau installé comme président de la Commission électorale inféodée (Cei) est dans l'ordre normal de la fraude électorale dont il représente les préliminaires. Et cela est dommageable pour nous qui voulons le renforcement de la démocratie et qui rêvons de société ouverte, apaisée et tranquille. Dommage pour les gens de leur génération dont on se demande bien quelle leçon de morale ils donnent à leurs descendances lorsque la triche devient officiellement leur mode de fonctionnement. Après, comment s’étonner qu’aux examens, les enfants considèrent que la fraude soit moralement défendable ?
Vendredi dernier, lors des débats, cinq membres n’ont pas attendu l’élection du bureau de la Cei et ont claqué la porte. Que vous inspire cette situation ?
C'est à croire qu'en Côte d'Ivoire, les gens qui pensent que la norme de vie en société est la tricherie, la fraude, la violence et la lâcheté sont majoritaires. Il est décevant d’observer que le fait que la loi soit mauvaise ne gêne pas tant que cela, qu’on l'accepte parce qu'elle nous permet d'obtenir une rente, même si elle est anticonstitutionnelle. Désappointant tout ça. Il aurait fallu dénoncer la loi comme non conforme à la Constitution.
Descendre dans les rues et exiger le respect de la Constitution. Lider était seul à défendre de façon cohérente et rigoureuse le Droit et la Constitution avec ses amis de La 3ème Voie et des voix de la Convention de la société civile, de certaines associations de défense des droits de l'homme, ajoutées à celles de quelques députés courageux et de l’Udcy. Il faut croire que les défenseurs du Droit sont très minoritaires dans notre pays, ce qui explique le règne des fraudeurs, de l'impunité et de la permissivité qui sont à la base de l'injustice.
Ceux qui y sont allés et qui prétendent en claquer la porte sans vraiment en sortir maintenant vont préférer dénoncer les maigres parts qui leur ont été proposées pour leur participation à cette Commission, plutôt que le principe même de celle-ci: illégale dans sa conception, inique dans son organisation, déséquilibrée dans sa composition et évanescente dans ses attributions actuelles. Cela m'attriste terriblement.
Ils croyaient probablement bien faire, mais ils doivent maintenant se rendre à l’évidence que Ouattara ne changera pas, ne changera plus dans sa logique de confiscation du pouvoir. Ils ont appelé leur attitude «la realpolitik». Ils se disaient opposés à la politique de la chaise vide, mais ne vont pas au bout de leur politique.
Aucune conviction donc. Rien que de l'ambition ! Démoralisant tout ça! Et cela déprime l'homme que je suis et me blesse profondément dans mes amours pour la démocratie et pour la Côte d’Ivoire. Je n'ai même pas la force de commenter leurs attitudes ; celle de Ouattara est plus logique et a du sens.
Qu’attendez-vous concrètement de vos partenaires de l’opposition ?
Je voudrais simplement réitérer mon souhait et mon appel à l’endroit de toutes ces personnes et leurs mouvements : laissez vos illusions de côté, il est temps que nous nous engagions ensemble dans la mise en place d’une coalition pour le changement démocratique dans notre pays.
Il n’y a que cette voie qui nous donnerait quelque chance de battre Ouattara aux prochaines élections, malgré ses calculs et ses moyens. Construisons ensemble la coalition de la victoire. Nous pouvons le faire si nous nous donnons un programme commun de gouvernement, un discours unique et simple, une équipe managériale (...) Lire La suite sur Linfodrome
Photo d'archives à titre d'illustration / Mamadou Koulibaly, président de de Liberté et démocratie pour la République (Lider)