C'est un vrai parcours du combattant. Après le lancement officiel de l'opération de renouvellement ou d'établissement des Cartes nationales d'identité (Cni), lundi 17 février 2020, à l'hôtel du district, au Plateau, que de désagréments pour se faire enrôler sur le fichier national, en vue d'obtenir une nouvelle Cni.
Au centre d'enrôlement de Koumassi, au sud d'Abidjan, à la mairie technique, mercredi 19 février, une foule, pour le moins disciplinée, attend d'être reçue par les agents d'enrôlement, installés sur 3 tables faisant office de box d'enregistrement. « Ce fourre-tout-là ? C'est un cafouillage ! », nous confie un requérant, sous le couvert de l'anonymat. À l'écouter, avant toute opération, il faut qu'une vérification soit faite sur l'ancienne Cni par les agents de l'Office national de l'état civil et de l'identification (Oneci), à l'accueil.
Ensuite, il faut attendre de longues minutes avant que l'agent revienne vous signifier si vous êtes apte à postuler ou pas. « La vérification se fait dans un flou total », peste encore notre interlocuteur. Le service commence, en effet, à 7h 30 pour finir à 16h 30, du lundi au vendredi. Aucune autre mesure n'est prise pour les personnes qui travaillent toute la semaine. « C'est le seul endroit à Koumassi. Il faut être présent à 4h du matin pour espérer se faire enrôler. Pour enrôler une personne, il ne faut pas moins de 5 minutes. Je suis arrivé à 8h, mais j'ai renoncé. C'est une confusion totale. On ne sait pas qui fait quoi », révèle cet homme d'une quarantaine d'année, qui a dû se retirer du centre d'enrôlement pour se rendre à son travail.
Déjà, et comme il fallait s'y attendre, l'opération laisse libre cours à des actes de corruption. « Il y a un business », apprend-on. « Quand tu ne peux pas faire le rang comme tout le monde, il y a une autre possibilité », souligne notre source. Il s'agit de pots de vin. Pour la plupart, ce sont des vigiles qui réceptionnent cet argent durant toute la journée.
La commune de Koumassi n'est pas la seule dans cette situation. À Abobo, c'est tout aussi difficile. Et une vague de protestation fait rage sur les réseaux sociaux, notamment. Par exemple, à Abobo, le centre d'enrôlement se trouve dans le quartier d'Abobo Baoulé. Un journaliste, parti se faire enregistrer, crie son amertume, ce jeudi 20 février. « Cni, 2e étape. Je suis à Abobo Baoulé. 8h 22mn. Impossible de me faire enrôler au motif que la liste arrêtée pour les requérants du jour est bloquée. L'agent me demande de repasser très tôt, à 6h 00, pour espérer être pris en compte. En somme, il est impossible de se faire établir la pièce d'identité à Abobo Baoulé. Messieurs de l'office, dites-nous ce qui se passe. Les requérants grognent actuellement. Je suis une des victimes ce matin. L'Oneci, vous êtes interpellé. Venez faire un tour dans ce centre », a écrit le confrère sur sa page Facebook. Avant d'ajouter que l'agent de l'Oneci affirme enrôler 45 personnes par jour.
Un problème quasi-général
À Yopougon, la plus grande commune d'Abidjan, le constat est le même. La mairie technique, située dans le quartier de Sideci Lem, fait office de centre d'enrôlement. Les mêmes problèmes sont constatés.
À 8 mois de la présidentielle du 31 octobre 2020, l'angoisse gagne les populations dans la mesure où se faire établir une Cni devient un véritable casse-tête chinois. Entre le dialogue politique sur le code électoral, les piques que l'opposition et le pouvoir se lancent mutuellement, une étape cruciale du processus électoral coince déjà. Selon nos sources, l'inscription en ligne, sur internet, pour engager l'enrôlement à proprement parlé est aussi délicat. Et pour cause, des personnes qui ont payé en ligne leur droit de timbre, qui s'élève à 5 000 F Cfa, se sont vues rétorquer que le paiement n'était pas valable. « Si tu es malin, vas payer ton timbre directement, de façon physique, sinon tu es foutu. Tu vas payer plusieurs fois pour rien », nous laisse entendre F.T, un autre requérant, à Yopougon, ce mardi 18 février, dénonçant des dysfonctionnements majeurs.
Face à cette situation qui fait jaser à Abidjan, mais à l'intérieur du pays, l'Oneci a produit un communiqué dont copie nous est parvenue, pour relever certains points. « Il nous revient de façon insistante que des messages circulent sur les réseaux sociaux induisant en erreur les pétitionnaires sur le nombre de centres ouverts pour l’opération de renouvellement ainsi que d’établissement des nouvelles Cartes nationales d’identité (Cni). L’Oneci tient à rassurer les pétitionnaires que le nombre de centres d’enrôlement sera progressivement renforcé afin de contenir efficacement le flux des demandes », lit-on dans le communiqué. « En outre, des kits nomades seront également mis à la disposition du public pour gérer les cas de renouvellement, afin de limiter les déplacements vers les centres d’enrôlement.
Comme précisé lors du lancement de l’opération par M. Sidiki Diakité, ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, ainsi que le Directeur général de l’Oneci, M. Sitionni Kafana, toutes les mesures ont été prises afin que cette opération se déroule dans les conditions les plus sereines possibles. L’opération a commencé et les pétitionnaires qui le désirent peuvent dès maintenant se diriger vers les centres les plus proches. Nous prions donc les populations de rester sereines et à l’écoute », a rassuré l'Oneci.
D'ailleurs, pour mieux orienter les pétitionnaires, une carte des centres d'enrôlement sur le district d'Abidjan est largement disponible sur les réseaux sociaux.
Hervé KPODION
Les Ivoiriens doivent se faire inscrire en vue d'obtenir leurs cartes d'identité.