Ouest de la Côte d’Ivoire : Criminalité transfrontalière, Le procureur bloque une opération de la police

  • 08/11/2013
  • Source : Soir Info
L’affaire fait grand bruit en ce moment dans l’ouest montagneux… A la Direction générale de la police, on se dit « outré et scandalisé ». A la direction de la police économique et financière au Plateau, on « brûle de colère et d’indignation », ne parvenant pas à s’expliquer l’attitude des autorités judicaires de Touba et de Man, qui font « obstruction » à leur opération dans la zone.

La chancellerie, c'est-à-dire le cabinet du ministre de la Justice, pour sa part, garde le silence. On suit, néanmoins l’affaire avec une extrême vigilance, selon une source. Car, c’est toute la politique du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, notamment,  des valeurs de probité et de rigueur qui est en train de s’écrouler à l’ouest. 
 
A la Douane, on se prépare à des «  sanctions » exemplaires…  Maintenant, tous les regards sont tournés vers les plus hautes autorités du pays, notamment, le  chef de l’Etat, le président Alassane Ouattara, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan et le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, dont les services ont d’ailleurs été saisis… Venons-en aux faits. Il s’agit,  en l’occurrence,  d’une contrebande de marchandises  de toute nature,  en bande organisée et bien structurée, avec des tentacules et autres complicités au plus haut niveau des services chargés de  combattre la criminalité transfrontalière et les contrebandes  qui  s’exercent  dans l’ouest montagneux, selon nos sources.
 
Pour démanteler ce réseau mafieux, une mission de la police économique, exploitant une information, s’est rendue  dans l’ouest, la semaine dernière. Le commissaire Namory Timité, directeur de la police économique  et financière, dépêche ses éléments  sur place. Ceux-ci, pour les besoins de l’enquête, opèrent en toute confidentialité. La police économique, faut-il le rappeler, bénéfice d’une compétence nationale, pour ne pas dire territoriale. 
 
C’est ainsi qu’ils mettent la main sur une importante cargaison de plus de 40 tonnes de cigarettes de contrebande.   Mais, M.  Koné Souleymane,  le procureur de la République de Man, y a vu un vice de forme et  s’oppose à l’opération de transfèrement du camion et de son chargement à Abidjan. Il s’en explique, lorsque nous l’avons joint hier, jeudi 7 novembre 2013, en fin de matinée.

Un système bien huilé

 
«  Ces  policiers sont dans le faux… Je suis monté sur mes grands chevaux pour dire que cette cargaison ne bougera pas. Il ne s’agit pas de venir ici, faire des opérations de saisie et rentrer à Abidjan avec. Çà, je ne l’accepterais  jamais… Ma position est claire… Nous ne pouvons pas admettre que des officiers interviennent dans notre zone sans nous informer… Nous n’avons rien à cacher et nous n’avons rien à nous reprocher. J’ai instruit un juge d’instruction qui va ouvrir une information, en attendant, les marchandises sont placées sous scellé… Je demande à ces policiers de respecter les règles du jeu », nous a-t-il lancé. Ici, ce sont des centaines de millions  de FCfa qui sont en jeu, dans cette opération… et personne ne veut perdre la face.

Trois camions-remorques, stationnés depuis peu  à Gbinta, au Liberia, en provenance de Nzérékoré en  Guinée-Conakry, transportant  des marchandises de contrefaçon  d’origine asiatique, notamment, de la Chine, traversent la frontière ivoirienne.   Cela se passe dans  la nuit du  jeudi 31 octobre au vendredi 1er novembre, entre 18 h 30 et 19 h. Destination, Korhgo. A la tête de l’opération, un ressortissant nigérien. L’homme est  bien connu  des services des  Douanes de la région, avec  qui, du reste,  il entretient «  de très bonnes relations », du fait de sa «  trop grande générosité », selon des sources sur place.
 
Les postes des douanes, police, gendarmeries et Frci de Danané, Man, Biankouna, Odiénné et Korhogo, la destination finale, se montrent  plus que complaisants, comme à leur habitude...  A-t-il « mouillé » tout le monde » ?  Les trois camions-remorques immatriculés en Guinée-Conakry, passent tous les postes de contrôles des forces de l’ordre de Côte d'Ivoire sans être inquiétés. 

Où étaient les douaniers ? Personnes ne peut repondre… Mais, manque de pot pour le trafiquant dont un camion tombe en panne à Biankouma. Les deux autres, avec 80 tonnes de marchandises de toute nature et une importante quantité de cigarettes de contrefaçon  poursuivent, sans encombre, leur route à Korhogo, après une escale à Odienné. C’est à Touba que les officiers de la police économique mettent la main sur le camion.
 
Le chauffeur et son apprenti ainsi que leur camion sont conduits au commissariat de la ville. Toutes les formalités sont remplies pour leur transfèrement sur Abidjan. Le propriétaire de ces marchandises de contrefaçon  engage  des  négociations  avec les éléments de la police économique, en pure perte…  C’est là que le substitut du procureur de Touba, se saisit du dossier et brandit son véto.

M. Koné Souleymane, le procureur de Man est informé par son adjoint.  Dès lors, l’opération policière tourne en eau de boudin. Le procureur Koné Souleymane  s’offusque du mode opératoire des éléments de la police économique.  «  Je suis le directeur de la police judicaire…Ont-ils les actes qu’il faut pour venir intervenir dans ma zone ?… Ma position est claire.

Les marchandises ne bougeront pas de Man… S’ils étaient venus me voir, on n’en serait pas là aujourd’hui. Je ne peux pas admettre que des officiers interviennent dans ma zone sans que je ne sois informé… Çà, je ne peux l’accepter… N’eût été la panne, le camion serait déjà à Abidjan… Ils oublient qu’ils sont tenus par des textes », a-t-il indiqué, assurant de  «  remonter toute la filière ».  « J’ai été informé par mon service.
 
Mon substitut de Touba est sur le dossier », a poursuivi le procureur de Man.  Pour l’heure, c’est le statu quo, le procureur  Koné Souleymane   s’étant fermement opposé au transfert du camion et des   marchandises sur  Abidjan où la police économique entendait, dans le cadre de ses prérogatives, infliger  au contrebandier, une sévère amende.  Le bras de fer  procédural se poursuit…
 
 Armand B. DEPEYLA