Souriantes et enthousiastes. Voici le visage que présentent les femmes pompistes au travail dans les différentes stations. Longtemps pratiqué par les hommes, le métier de pompiste est aujourd’hui l’apanage de la gente féminine.
Ainsi, elles sont nombreuses ces jeunes femmes qui se sentent à l’aise avec une pompe à essence à la main, servant les multiples automobilistes qui se succèdent dans les différentes stations services que compte la mégalopole ivoirienne, Abidjan.
Elles apportent subséquemment au dynamisme de leurs collègues hommes, leur accueil chaleureux, leur touche féminine, pour un service de qualité et une fidélisation de la clientèle.
Distribuer le carburant, procéder aux encaissements, effectuer les opérations d’entretien courant et de petite mécanique (vérification des niveaux, batterie, pneumatiques....), telles sont, en somme les taches dévolues à tout employé de station.
Le métier s’exerce en position habituellement à l’extérieur, en position debout. Il comporte des allées et venues nombreuses et les horaires de travail peuvent être irréguliers et décalés.
Les salaires varient selon les stations services, des plus capées aux plus modestes. Vêtues aux couleurs respectives de chaque opérateur installés dans les différentes communes du District d’ Abidjan, ces jeunes femmes ont su s’intégrer dans un univers totalement masculin et font intégralement corps avec toutes les contraintes liées à ce métier qu’elles ont décidé d’embrasser.
Dynamiques, déterminées et la tête bien pleine
La rareté des emplois oblige ces femmes, de niveau supérieur pour certaines et secondaire pour d’autres, à proposer leurs services dans les stations d’essence. Avec le temps, elles l’ont aimé et le font avec beaucoup de plaisir. Parmi elles on en trouve qui ont toujours rêvé d’exercer dans ce domains.
C’est le cas de Judith, âgée d’une trentaine d’années et titulaire d’une licence en Espagnol, pompiste dans une station de la commune de Yopougon. Station qui du reste a la particularité d’être totalement et entièrement gérée par des femmes.
« Depuis mon enfance, j’ai toujours rêvé exercer ce métier je ne sais pour quelle raison, mais c’est comme ça. Alors quand j’ai obtenu ma licence en espagnol, je n’ai pas voulu passer un concours administratifs ou aller enseigner. J’ai déposé mes dossiers dans les stations services et un jour on m’a appelé. Et c'est sur le lieu que j’ai appris tous les rouages du métier. Aujourd’hui, je n’éprouve aucun regret pour avoir fait ce choix », raconte -t-elle souriante.
Le constat général est que les jeunes dames qui ont embrassé ce métier ne sont pas des faire-valoir. Beaucoup d’entre elles ont la tête pleine et savent véritablement ce qu’elles veulent. Détermination et dynamisme sont leurs seuls maîtres mots.
« J’avoue que contrairement à ce que je pensais autrefois, être pompiste est un travail comme tout autre. Il y a des hauts et des bas. Des jours où on marche presque 100%, et d'autres qui sont très ennuyeux, comme dans chaque domaine de la vie. Mais j’ai compris une chose, c’est de faire preuve de beaucoup de volonté, de détermination et de courage. Des qualités nécessaires pour réussir toute œuvre humaine. Lorsqu’on prend la décision de faire quelque chose, on parvient à réaliser cette chose », déclare, Estelle S, jeune femme pompiste dans une station service à Angré, titulaire d’une maîtrise en économie.
Pour Josiane M. collègue d’Estelle et employée dans la même station service, tout est question de bravoure et sa capacité à dépasser certaines considérations rétrogrades, telles que la honte et le fait de se tenir debout et servir les clients ou avoir une pompe à essence en main. La jeune fille pense qu’il n’y a pas de sots métiers, comme il n’y a plus des métiers exclusivement réservés aux hommes.
L’essentiel étant selon elle, de se sentir bien dans sa peau et être honnête avec soi- même. Cyprienne M. E, pompiste dans une station service à Yopougon, titulaire d’un DEA en Histoire, et d’un master en GRH , abonde dans le même sens que ses collègues, pour elle, qui insiste que c’est un tremplin, pour elle, il n’y a pas de gène à exercer ce métier.
« Lorsque j’ai fini mes diplômes et vu que j’avais encore rien comme boulot , un jour, je suis allée dans une station, je me suis renseignée et l’on m’a indiqué ou je devrais me rendre, alors j’y suis allée et j’ai déposé mes dossiers, et quelques mois après on m’a fait appel. Et depuis je suis la, je peux dire que ça va », explique -t-elle.
La volonté et l’obstination sont donc des valeurs qui animent ces braves jeunes dames à entrer dans cette carrière de pompiste.
Faire face aux difficultés malgré tout
Toutes elles ne sont pas à l’abri des nombreux risques inhérents à tout travail. Elles tissent de nombreuses relations humaines avec les clients, même si elles trouvent, certains d’entre eux nerveux, arrogants et parfois irrespectueux. Elles sont très souvent victimes de drague. Ce qui n’est pas du goût de leurs partenaires.
« Les dragues, il y en a tellement. Mon homme s’est montré jaloux parce que jetais l’objet de convoitise de la quasi-totalité des clients. J’ai failli tout laisser tomber au cours des premiers mois, par ce qu’il trouvait le métier indécent pour une femme. Il arrivait même à inventer des histoires, prétextant que ce boulot est une façon pour moi de me faire des amants, alors que je le fais pour être autonome financièrement, pour ne plus dépendre ni de ma famille, ni de lui. Cela a constitué un sérieux problème pour notre couple », révèle, Mlle Lucie G. titulaire d’une maîtrise en Géographie.
« Si tu ne t’exposes pas et que tu prends ton travail au sérieux, et que tu n’as d’yeux que pour ton travail, les dragueurs n’auront pas à te fatiguer. De toutes les façons même les femmes dans les bureaux sont victimes de drague. Mais l’essentiel est de savoir pourquoi on est la, être forte mentalement et se consacrer à son boulot », soutient Cyprienne M. E.
Par contre, ces femmes apprécient la gentillesse, le bon traitement et la bonne humeur de nombreux clients qui n’hésitent pas à leur donner des pourboires. Elles ne le cachent pas. Le métier de pompiste est loin d’être facile.
« Rester debout de 6 heures à x heure, c’est plus qu’une formation militaire. Mais tenons », lâche mlle Koné S.F, titulaire d’un Bts Secrétariat. Pour les femmes mariées au foyer, ça l’est davantage. « Imaginez-vous une femme qui doit travailler toute la nuit, ça devient compliqué », fait remarquer cette dernière.
Même enceintes, ces braves femmes continuent de servir le carburant. C’est ce que nous révèle, mlle Edith N, « j’ai eu mes deux enfants en exerçant le métier. J’ai travaillé huit mois. Et c’est mon gérant qui finalement m’accordé le repos en vue de l’accouchement ». « Il ne faut pas se voiler la face, c’est un métier très difficile. D’abord, ce qui est du temps de travail. Nous quittons pour la plupart à 5 heures du matin et pour finir à minuit, pour deux heures de repos dans la journée. Quant aux clients, ils viennent avec leurs humeurs, leurs préjugés et considérations. Nous avons obligation de nous adapter. Et quand surviennent les manquants en fin de service, cela est retranché sur le salaire à la fin du mois », raconte Christelle K, S, pompiste dans une station service à Treichville.
S’agissant des rapports avec leurs collègues hommes, les femmes pompistes disent que tout se passe généralement bien lorsque le sexe ne se mêle pas entre collègues. Les risques de braquage et de viol ne manquent pas non plus .quand on aborde ces sujets, elles répondent sans ambages ‘’c’est Dieu qui nous protègent’’.
« Le matin au levé, je confie ma vie à Dieu, les viols et autres, je n’y pense pas », dit Pélagie D. Les risques d’accident aussi sont légions. Certaines stations service proches des autoroutes ou des voies à grande circulation, sont constamment confrontées à des accidents de voitures.
Des dérapages ou risques d’incendies pour non respect des règles d’incendies, sont fréquents. La pompiste est donc tenue de suivre à la lettre les consignes de sécurité, sinon subit les conséquences.
Le carburant, généralement malodorant contient des additifs dont les effets peuvent être dommageables pour les voies respiratoires. Pis, pour la pompiste en contact permanent avec ce produit. Avec leur courage et leur volonté, ces femmes déterminées réussissent à surmonter ces nombreuses difficultés. Et s’estiment heureuses.
Ces femmes arrivent à subvenir leurs besoins, car font –elles savoir, ce métier nourri son homme. Elles apportent leur soutien financier à leurs partenaires dans la gestion familiale. Le conseil d’usage à leurs sœurs désireuses d’embrasser ce métier, elles font savoir qu’il ‘’n’y pas de métiers prévu pour une catégorie de personnes.
Tant que tu oses, tu peux, il faut élargir son champ d’action et vision, ainsi toutes les portes te seront ouvertes. Il faut qu’elles osent. Il ne faut pas toujours compter sur nos hommes pour nos besoins’’, conseillent-t-elles.
Gérants et patrons satisfaits du rendement des dames pompistes
« Les femmes fidélisent la clientèle par leur féminité », c’est la réponse la mieux partagée par les gérants et patrons de stations. Pour ces personnes, recruter une jeune dame pour servir dans une station service, c’est d’abord, une question de marketing.
« Moi j’ai confié toute la gestion de ma station service à des femmes car avec elles, je suis tranquille. Les femmes ont le sens de la gestion et elles savent qu’elles veulent. Et je pense que cette politique me réussie », soutien G.F, propriétaire de plusieurs stations services gérées par des femmes.
Par contre d’autres, estiment qu’il est normal de donner du boulot aux femmes. « J’ai des filles et des hommes dans ma station pour respecter le genre. Je suis content du rendement des jeunes dames, elles sont assez responsables et ne se laissent pas dominer par les hommes», indique H P.
Tout comme leurs patrons, les collègues hommes des dames pompistes ne tarissent pas d’éloges à leur endroit. Pour eux, elles sont à l'origine de la bonne humeur sur leur lieu de service.
Enquête réalisée par Sylvain Dakouri
Photo:DR / Désormais il faut que compter avec les femmes dans les stations services