La procureure de la Cour pénale internationale doit "urgemment" commencer à enquêter sur les crimes dont est accusé le camp du président Alassane Ouattara lors des violences ayant déchiré la Côte d’Ivoire en 2010 et 2011, a estimé mardi l’ONG Human Rights Watch.
La procureure Fatou Bensouda enquête depuis 2011 sur ces violences nées du refus du président sortant Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite face à son rival Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010.
"Ces enquêtes ne concernaient que des crimes qui auraient été commis par les forces alliées à l’ex-président Laurent Gbagbo, et ce malgré les observations de commissions d’enquête de Côte d'Ivoire et des Nations Unies mettant en cause à la fois les forces Gbagbo et celles alliées au président actuel, Alassane Ouattara, dans les atrocités" souligne HRW.
"Les affaires de la CPI ont également été axées sur des crimes prétendument commis dans la capitale économique du pays, Abidjan, même si certains des pires abus ont été perpétrés dans la partie occidentale du pays."
Mais seules des figures du camp Gbagbo, dont M. Gbagbo lui-même, sorti perdant de ce conflit ayant fait au moins 3.000 morts, ont jusqu’à présent été inculpées.
"Il est absolument urgent qu’ils commencent (l’enquête, ndlr)", a déclaré à l’AFP Liz Evenson, du programme Justice internationale de Human Rights Watch, à l’occasion de la publication d’un rapport sur le travail de la CPI en Côte d’Ivoire.
Selon Human Rights Watch, "la décision du Bureau du Procureur de limiter ses enquêtes initiales aux crimes commis par un seul camp lors de la crise postélectorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire a été une maladresse."
Fatou Bensouda a répété à maintes reprises que son bureau enquêterait également sur les crimes commis par le camp Ouattara, mais ne l’a pas encore fait en raison de moyens limités, assure-t-elle.
En mars, Fatou Bensouda avait indiqué espérer ouvrir son enquête sur le camp Ouattara vers la mi-2015.
"Le fait que l’enquête ait jusqu’à présent visé les forces pro-Gbagbo a profondément polarisé l’opinion publique ivoirienne au sujet de la CPI", a ajouté Mme Evenson: "de nombreuses victimes ont l’impression que la Cour a ignoré leurs souffrances".
Le rapport de HRW a insisté sur l’importance pour la CPI d’expliquer aux communautés affectées le travail qu’elle réalise. S’assurer que ce dernier est "accessible, significatif et perçu comme légitime auprès des communautés affectées est une composante essentielle du mandat de la Cour".
Faute de moyens et dû au temps nécessaire au recrutement, la CPI ne dispose que depuis l’automne 2014 d’un coordonnateur permanent chargé de la sensibilisation basé en Côte d’Ivoire, souligne HRW. Cette tâche était précédemment assurée notamment par le biais de missions de personnel installé à La Haye.
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont écroués à La Haye, où leur procès devant la CPI doit s’ouvrir le 10 novembre. L’épouse de Laurent Gbagbo, Simone, fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI, mais Abidjan refuse son transfèrement à La Haye.
Fondée en 2002 pour poursuivre les plus hauts responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, la CPI n’a pas force de coercition et est dépendante de la coopération des États.
Dès lors, les poursuites contre ceux qui sortent vaincus d’un conflit sont, a priori, plus faciles, ce qui vaut parfois à la CPI d’être taxée de "justice des vainqueurs".
En Côte d’Ivoire, plusieurs caciques de l’ancien régime Gbagbo dont l'ex-prmièr dame Simone Gbagbo, ont été condamnés à des peines de prison ferme pour la crise de 2010-2011. Selon des sources concordantes, au moins deux chefs rebelles ayant soutenu M. Ouattara ont toutefois été inculpés début juillet.
Avec AFP
Photo:DR / La procureure Fatou Bensouda