Plus d’une fois, ça a été relevé. La justice en Côte d’Ivoire est, aujourd’hui, à sens unique. Me Patrick Baudouin, président d’honneur et responsable du Groupe d’action judiciaire de la Fidh, a enfoncé le clou, mardi, à la présentation du rapport sur l’impunité.
Entre le discours et les actes, il y a un écart. Alassane Ouattara a beau crier lutter contre l’impunité, la réalité est tout autre. En Côte d’Ivoire, il y a une «justice sélective» orientée contre les partisans du président Laurent Gbagbo. Cette position soutenue par plusieurs organisations de défense des Droits de l’Homme a été réaffirmée, une fois encore mardi, par le président d’honneur de la Fédération internationale des Droits de l’Homme (Fidh), Me Patrick Baudouin, au cours de la conférence de presse qu’il a animée lors de la présentation du rapport conjoint élaboré avec le Midh et la Lidho sur l’impunité.
Le responsable de la Fidh a mis en cause la volonté réelle des autorités ivoiriennes à œuvrer pour que la vérité sur la crise postélectorale éclate. Pour preuve, il a évoqué le sort réservé à la Cellule spéciale d’enquête. Alors que le mandat de cette structure court à son terme, il a révélé que le pouvoir n’envisage pas de proroger sa mission. Argument avancé, la Côte d’Ivoire entrant dans l’ère de la normalisation, il est donc inutile de conserver cette cellule qui est une structure exceptionnelle.
En outre, les primes reçues par les magistrats de cette structure feraient des jaloux dans le milieu. Me Patrick Baudouin estime que ce serait «un mauvais signal» si le pouvoir allait effectivement dans ce sens. L’avocat se dit d’autant plus surpris et troublé que la Cellule spéciale d’enquête, pour lui, a fait une partie du chemin. Aujourd’hui, il est question de l’aider en reconduisant son mandat.
Par ailleurs, le conférencier a souligné que la Cdvr a un pêché originel lié à la désignation même de son président, Charles Konnan Banny, nommé avant la création de la Commission. «Il est vrai qu’au début, on était dans un contexte politique difficile. Il fallait contenter les uns et les autres, mais, aujourd’hui, les choses ont changé», a-t-il indiqué
Me Doumbia, président du Mouvement ivoirien des droits humains (Midh), a abondé dans le même sens en revenant sur l’affaire Nahibly. «Nous ne comprenons pas que, jusque-là, il n’y ait pas encore eu d’interpellation, alors qu’il y a des éléments de preuves et que des personnes ont été citées», dira-t-il. Il a avancé que la réconciliation ne saurait se faire sur le dos des victimes. Le président intérimaire de la Lidho n’a pas dit autre chose. «La réconciliation sans la justice ne peut aboutir à une paix durable», a martelé Pierre Adjoumani.
L’instrumentalisation de la justice par le régime Ouattara saute bien aux yeux. Les défenseurs des Droits de l’Homme ont raison de prendre Alassane Ouattara au mot. Outre Nahibly, toutes les exactions commises par les forces pro-Ouattara sont royalement ignorées. Tout le monde sait que, pendant la crise postélectorale, c’est à l’ouest, en l’occurrence à Duékoué, qu’il y a eu le plus de massacres.
Le Comité international de la Croix-Rouge a fait cas de 816 personnes tuées en une journée à Duékoué. Ces tueries qui ont été mises en parallèle avec celles du Rwanda, pour souligner leur caractère ethnique, n’ont jusque-là pas fait l’objet d’interpellation. Et pourtant.
Tous les rapports ont cité la responsabilité du «commandant» Losséni Fofana, alors chef Frci de l’ouest pendant les événements. On attend également que la lumière soit faite sur l’assassinat de feu Désiré Tagro, l’ancien ministre de l’Intérieur sous Gbagbo. Les populations d’Anokouakouté crient aussi justice après le drame qu’elles ont vécu lors de l’attaque de la localité par les Frci. Tout porte donc à croire que certains Ivoiriens n’ont pas droit à la justice.
Pourquoi la Fidh, le Midh et la Lidho sont en colère contre le pouvoir Ouattara - Photo à titre d'illustration