La guerre postélectorale de 2010, née du refus d’Alassane Ouattara d’accepter le verdict du Conseil constitutionnel déclarant Laurent Gbagbo vainqueur de l’élection présidentielle, a fait officiellement plus de 3.000 morts. Les grandes victimes de ce conflit ayant opposé les forces gouvernementales aux forces rebelles pro-Ouattara sont les partisans du président Gbagbo. Systématiquement visés pour leur coloration politique. La preuve, plus de 1.000 civils wê ont été massacrés à l’ouest par les forces ayant combattu pour l’actuel chef de l’Etat. Ces pauvres populations sans défense ont été exécutées sous le regard complice de l’Onuci et de la Licorne, simplement parce qu’elles avaient voté pour Laurent Gbagbo.
Plus de deux ans après l’installation de M. Ouattara et alors que la communauté internationale demande des comptes aux différents acteurs de cette guerre, les criminels du camp Ouattara courent toujours là où plus de 700 partisans de Gbagbo croupissent dans les prisons pour des chefs d’accusation imaginaires et farfelus. Et pourtant, le chef de l’Etat avait juré, la main sur le cœur, que tous les criminels seront traduits devant la Justice quel que soit le camp auquel ils appartiennent. Alassane Ouattara et son régime s’évertuent, à longueur de journée, de nier l’existence de la Justice des vainqueurs en répondant invariablement à tous ceux qui les tancent sur ce sujet qu’il n’y aura pas d’impunité. Une telle profession de foi devrait logiquement se traduire par l’arrestation des auteurs des crimes crapuleux commis par la rébellion muée en Frci et ses supplétifs. Ne seraient-ce que les principaux responsables connus de l’ex-rébellion armée. Notamment ceux qui ont conduit les opérations à l’ouest, à Yopougon et à Abobo. Ces responsables directs ou indirects du massacre des partisans du président Gbagbo sont bien répertoriés par la Cpi qui attend depuis deux ans la collaboration promise par le régime Ouattara pour faire avancer les dossiers. Mais la réalité est là qui contraste ouvertement avec le discours propagandiste du régime. Ouattara ne peut pas faire arrêter ses chefs de guerre pour deux raisons fondamentales au moins. La première réside dans le fait que le sort de ces chefs de guerre est lié à celui de M. Ouattara.
L’objectif de la rébellion armée tel que révélé publiquement par un de ses chef, en l’occurrence Koné Zakaria, était d’installer Alassane Ouattara au pouvoir. L’ex-com-zone de Séguéla a même soutenu que le président du Rdr leur donnait de l’argent pour acheter leurs armes. S’ils sont inquiétés, les chefs de guerre peuvent entraîner l’actuel chef de l’Etat dans leur chute en déclarant simplement aux juges qu’ils étaient sous les ordres de Ouattara et que tous ces crimes ont été commis pour atteindre l’objectif initial. En clair, un éventuel procès de la rébellion peut déboucher sur un procès de tout le régime Ouattara. Il pourrait être également le procès de la France sarkozienne, de l’Onu et de tous ceux qui ont porté à bout de bras la rébellion sanguinaire de septembre 2002.
La deuxième raison pour laquelle Ouattara ne peut pas arrêter ses chefs de guerre est liée au contexte qui réduit considérablement ses marges de manœuvre. Les chefs de la rébellion ont été nommés dans les sphères de commandement de l’armée dont ils sont les vrais maîtres. Par ailleurs, chaque chef de guerre est resté à la tête de ses troupes et règne encore sur sa parcelle de territoire. Aucun responsable de cette armée ne peut oser les arrêter même s’il reçoit l’ordre de la haut. Qu’on se le dise franchement, quel élément, fut-il le plus téméraire, peut prétendre arrêter Cherif Ousmane, Wattao, Losseni ou Zakaria et avec quels hommes ? Vouloir arrêter ces chefs de guerre serait mettre en péril la sécurité de l’Etat et la survie du régime. Les criminels du camp Ouattara peuvent continuer de courir en toute impunité.
Jean Khalil Sella
Pourquoi Ouattara ne peut pas arrêter ses chefs de guerre - Photo à titre d'illustration