Le sujet est d'une singulière délicatesse : la présidentielle 2015 vue par les deux poids lourds de l'alliance houphouétiste au pouvoir, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) et le Rassemblement des républicains (Rdr).
Dans le principe, il ne devait se poser strictement aucun problème : la plate-forme que leurs dirigeants respectifs ont signée, à Paris, en mai 2005, prévoit que chaque formation politique présente son candidat, au 1er tour de l'élection, et que le parti, arrivé en tête, bénéficie du soutien de l'ensemble des houphouétistes, lors du second tour.
Dans la pratique, Alassane Ouattara, porté au pouvoir, par cette clause de l'alliance, est candidat déclaré à sa succession. Il a annoncé, courant 2013, qu'il briguerait un nouveau mandat eu égard à l'ampleur de la tâche et à son souci de mettre en œuvre ses promesses d'opposant. « J’ai trouvé un pays complètement en ruine, effondré, qui avait et a besoin d’être reconstruit.
J’ai indiqué clairement que je ne suis pas sûr de pouvoir finir ce travail dans le temps qui me reste et que vraisemblablement je briguerai un second mandat », s'était exprimé Ouattara, début juin 2013, en marge de la conférence sur le développement de l’Afrique organisée par le Japon, la Ticad. Les choses sont allées vite depuis : le numéro 1 ivoirien a confirmé, à plusieurs tribunes, son intention de candidature ; de leur côté, les réseaux de partisans du Président s'activent sur le terrain pour espérer lui garantir un second mandat. Alassane Ouattara sait pertinemment les clauses de la plate-forme.
Et s'il n'a jamais quémandé le soutien de ses alliés pour une candidature unique en 2015, il ne reste pas moins attentif aux développements de l'actualité, surtout chez le puissant allié du Pdci.
Alassane Ouattara, candidat unique d'un Rhdp souvent secoué par quelques convulsions, ne pourrait que convenir au principal intéressé. Il s'agirait ici, pour le chef de l'Etat et son parti, le Rassemblement des républicains, du scénario idéal.
Ce scénario accroîtrait les chances de l'ancien directeur général (Dga) du Fonds monétaire international de l'emporter face à un éventuel candidat de l'opposition. Il assurerait, par dessus-tout, d'une absence de confrontations fratricides potentiellement nuisibles à l'alliance.
Ce qui pourrait tout gâter
Le scénario idéal, pourtant, est loin d'être acquis. L'allié du Pdci-Rda a admis, en Congrès, le principe d'une candidature aux couleurs du parti. Dimanche 6 octobre 2013, à l'issue de sa réélection triomphale à la tête du Pdci, Henri Konan Bédié a annoncé que le parti doyen présenterait un candidat à la présidentielle de 2015. Quand bien même de nombreux esprits laissent prospérer un sous-entendu- le candidat du Pdci en question se nommerait Alassane Ouattara- il est une réalité que l'aspiration du parti sexagénaire à se choisir son propre candidat reste intacte.
Le clash interviendrait si, dans sa stratégie de reconquête du pouvoir, il arrivait au parti de Henri Konan Bédié de vouloir se rapprocher de l'adversaire commun : le Front populaire ivoirien (Fpi). Pareil schéma n'a rien de chimérique et est même entretenu dans certains milieux du Pdci : « rien d'impossible en politique », prétexte-t-on.
Certes, à titre personnel, le sphinx de Daoukro manifeste peu d'enthousiasme pour un rapprochement avec le parti fondé par Laurent Gbagbo. Mais, la question pourrait bien être discutée, dans un cadre approprié.
Le Front populaire ivoirien avait, à la mi-avril, lancé un appel au « rassemblement » aux « frères et sœurs du Pdci ». « Le moment du grand sursaut national est venu. Resserrons nos rangs pour faire barrage aux prédateurs. Rassemblons-nous, pour défendre la nation en péril », écrivait Miaka Ouretto, à l'époque, président par intérim du Fpi. Les termes de la déclaration n'avaient particulièrement plu au Rdr, non plus, à des cadres du Pdci.
Bédié s'était publiquement interrogé sur la sincérité de l'appel du parti socialiste mais avait déclaré que la réponse de son parti interviendrait après qu'une « demande formelle » aura été adressée au Pdci. Dans les coulisses, on apprenait que des contacts étaient établis entre le Fpi et certains dignitaires du parti houphouétiste.
Qu'adviendrait-il au terme de la convention du Pdci censée désigner un candidat du parti à la présidentielle de 2015 ? Difficile d'y répondre. Une certitude, en revanche : les relations avec le Rdr ne se verraient pas renforcées si le parti décidait de se rapprocher des socialistes pour reconquérir le pouvoir. Un clash à l'horizon Pdci-Rdr ? Peut-être. Une scission au Pdci ? Possible si une ligne claire n'arrive pas à émerger entre partisans d'une néo-alliance avec le Fpi et militants fervents de la plate-forme de Paris.
Kisselminan COULIBALY
Présidentielle 2015, PDCI-RDR : Clash à l'horizon - Photo à titre d'illustration