La présidentielle de dimanche en Côte d'Ivoire a mobilisé 60% des électeurs selon les premières estimations, un taux de participation important en dépit des appels au boycott de plusieurs candidats de l'opposition face au grand favori du scrutin, le sortant Alassane Ouattara.
Cette élection, qui s'est déroulée sans incident majeur, a été jugée lundi crédible et "transparente" par les observateurs de l'Union Africaine et de la sous-région (UA et Cédéao).
L'annonce officielle des résultats est attendue mardi mais d'ores et déjà, le premier vice-président de la Commission électorale indépendante (CEI) Koné Sourou a déclaré à des journalistes que le taux de participation, un des principaux enjeux du scrutin, "tourne autour de 60%".
Trois candidats et une partie de l'opposition avaient appelé à boycotter l'élection, qualifiant le scrutin de "mascarade électorale", tandis que le camp Ouattara, confiant dans sa victoire pour un nouveau mandat de cinq ans, avait identifié la participation comme déterminante pour la crédibilité de l'élection.
"M. Ouattara doit remporter le scrutin avec un nombre important d'électeurs, c'est de là que va dériver la légitimité du président qui doit être incontestable", avait ainsi analysé avant le scrutin le ministre de la Fonction publique Cissé Ibrahim Bacongo.
Les observateurs s'attendaient à une faible participation, en tout cas bien inférieure à celle de 2010 lorsqu'elle avait frôlé les 80%. Ce chiffre "exceptionnel" correspondait à une élection de "sortie de crise" organisée après d'innombrables reports depuis 2005 et avec trois candidats majeurs (Ouattara et les anciens présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, qui soutient aujourd'hui Ouattara), selon un haut responsable ivoirien.
Le taux de participation de dimanche ne manquera pas d'être contesté. La presse pro-Gbagbo estimait lundi que l'abstentionnisme avait été fort. "Désert total" titrait en Une le quotidien "Le Temps" alors que "Notre Voie" écrivait: "Les électeurs ne se bousculent pas".
Le journal pro-Ouattara "L'Expression" évoquait de son côté une "Gifle aux partisans du boycott et du désordre".
"Il va y avoir un dialogue de sourds entre l'opposition qui cherche à décrédibiliser le scrutin et le pouvoir qui cherche à légitimer Ouattara", analysait un spécialiste alors que plusieurs observateurs interrogés attendaient de voir les résultats définitifs pour se prononcer.
"L'issue (du vote) est connue. On ne peut pas dire que le suspense soit haletant", a ironisé un observateur étranger misant sur la victoire dès le premier tour du président Ouattara, 73 ans.
L'opposant Pascal Affi N'Guessan, représentant du Front Populaire Ivoirien (FPI) fondé par l'ex-président Laurent Gbagbo, devrait arriver en deuxième position sur un total de sept candidats, mais il était handicapé par l'appel au boycott du vote par une partie de sa formation.
'Volonté du peuple ivoirien'
Dès dimanche soir, se fiant à des résultats parcellaires non officiels, certains des partisans d'ADO (Alassane Dramane Ouattara) ont fait la fête sans qu'aucune annonce officielle de son camp ne confirme cette victoire.
Cette élection, dans la première économie d'Afrique de l'Ouest et leader mondial de la production de cacao, est considéré par la communauté internationale comme cruciale pour tourner définitivement la page des violences meurtrières qui avaient suivi la victoire en 2010 de Ouattara sur son prédécesseur Gbagbo.
"Pour ce que l'on a observé, je crois que l'on peut, sans risque de nous tromper, tirer cette conclusion que ça a été bien organisé, que c'était transparent", a affirmé Aminata Touré, chef de mission de l'Union Africaine d'Observation.
L'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, qui conduisait une délégation de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) s'est lui aussi déclaré satisfait: "Les élections vont refléter la volonté du peuple de Côte d'Ivoire".
Parmi les problèmes recensés pendant le scrutin, de nombreux retards à l'ouverture des bureaux et des difficultés concernant les tablettes anti-fraude, a constaté l'AFP.
Dimanche soir, un des candidats, Konan Kouadio Siméon, a accusé le pouvoir de "fraude". Un bureau non répertorié a été ouvert dans le centre-ville d'Abidjan pour frauder, a-t-il dit à l'AFP. Cette accusation n'a pu être vérifiée.
Grand absent du scrutin, l'ex-président Laurent Gbagbo attend son jugement pour crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale dans une cellule au Pays-Bas.
En 2010, son refus de reconnaître la victoire de M. Ouattara avait plongé le pays dans cinq mois de conflit qui s'étaient soldés par la mort de 3.000 personnes, épilogue sanglant d'une décennie de crise politico-militaire.
Patrick FORT / Christophe KOFFI
Olusegun Obasanjo conduisait une délégation de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao)