Lance Touré, Franck Ettien et Jean-Claude Coulibaly, trois bras droits du bureau du Conseil exécutif sortant de l’Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire (Unjci), déclarés candidats pour l’élection du président de la faîtière, s’affronteront les 20 et 21 juillet 2019.
Une médiation discrètement menée par des proches pour amener ces trois amis à former une équipe avec un leader consensuel, n’a pu fédérer leurs ardeurs, leurs passions et leurs énergies, chacun désirant vivement transformer l’écosystème de la presse en Côte d'Ivoire, selon sa vision.
Depuis le 5 juillet 2019, la campagne est ouverte. Sur cinq prétendants, Lance Touré, Franck Ettien et Jean-Claude Coulibaly, ont franchi les critères de candidature et sont engagés dans la campagne. Les dossiers de Idrissa Bamba et Jules Sylvain Bossiehi ont été rejetés.
Le 10è congrès de l’Unjci s’annonce palpitant, aucun détail n’est laissé de côté par les staffs de campagne. Des T-shirts distribués et des cocktails d’entrée de campagne calés au lancement des hostilités ou encore des talkiewalkies pour communiquer, peut-on observer.
Cursus
Lancé Touré, lui, aspire à être utile à sa corporation. Cette volonté manifeste a amené le candidat à briguer la présidence de l’Unjci. Fils de Cheick Touré, journaliste à la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti, service public), Lance Touré est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en Communication d’entreprise.
Depuis sa tendre enfance, il est bercé dans l’environnement du journalisme. Fort de ces acquis, il intègre en 2006 le quotidien Dernières nouvelles d’Abidjan (DNA) où il fait ses armes aux côtés d’illustres confrères.
Il intègre quelques années plus tard le journal Le Mandat, avant de transiter au quotidien Le Rebond où il occupe le poste de secrétaire général de la rédaction. Son professionnalisme et son ardeur au travail font de lui un journaliste de race, sollicité par le quotidien Le Jour Plus.
A Le Jour Plus, il anime pendant quelques mois les pages du service politique. En 2011, au sortir de la crise postélectorale, Lance Touré intègre la rédaction du journal Le Nouveau Réveil, où il anime le service politique de ce quotidien proche du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci, ex-allié au pouvoir).
Sociable et rassembleur, Lance Touré a fait de la promotion de la vie en communauté un sacerdoce. En 2016, il est élu dans le bureau du Conseil exécutif de l’Unjci en qualité de vice-président en charge des Affaires socio-culturelles. Ici, il collaborera avec Franck Ettien et Jean-Claude Coulibaly.
Jean-Claude Coulibaly, secrétaire général du Bureau du Conseil exécutif de l’Unjci, est également un collaborateur de Lance Touré et de Franck Ettien. Journaliste chevronné, à la plume fine et pétri de talents, il sollicite le suffrage de ses confrères pour accéder à la présidence de l’Unjci.
Sa passion pour le journalisme arrive de façon « insidieuse ». Après un BAC économique B au Lycée technique d’Abidjan, il passe un temps en faculté de sciences économiques sur le campus avant d’entrer à l’École normale supérieure (ENS), où il est formé comme professeur de lettres.
Après sa licence et un master obtenu ensuite en droit, carrière entreprise, Jean-Claude Coulibaly décroche encore un master en communication, un sésame qui l’outille davantage pour le métier du journalisme.
En décembre 1997, il fait ses premiers pas au journal Le Libéral en tant que correcteur. Par la suite il intègre la rédaction, notamment le service politique. Après le Libéral Nouveau, il entre en 2005 au quotidien Le Patriote, un journal proche du Parti unifié Rhdp, la coalition au pouvoir.
Aujourd'hui, chef de service politique et consultant de plusieurs chaînes de télévision, son cheval de bataille est de permettre que la presse puisse bénéficier d’une subvention conséquente de l’Etat, représentant 0,01% du budget national, soit plus de 6 milliards Fcfa.
Quant à Franck Ettien, l’un des vice-présidents du Bureau sortant du Conseil exécutif de l’Unjci, il note deux principaux maux du secteur des médias, la précarité et la liberté de la presse. C’est pourquoi il faut, selon lui, questionner la méthode de combat et « utiliser de nouvelles armes».
Depuis 2003, Franck Ettien tient la plume. Excellent journaliste, il fait ses armes au magazine économique Wari, puis Fanion, avant d’intégrer le défunt journal politique La Matinale, notamment proche du Rassemblement des républicains (RDR, le parti présidentiel) .
Après ce parcours, il intègre la presse numérique avec abidjanpress.com, un média en ligne qui offre l’actualité générale. Sa finesse d’écriture le conduit à Afrikipress, avant de signer avec le journal Le Rassemblement. Il y a près de deux semaines, il vient d’intégrer le site web lageneraledepresse.com.
Nantis d’expériences sur le numérique, Franck Ettien veut engager l’organisation dans l’innovation technologique, un pan de son premier engagement en termes de gouvernance de l’Unjci. Il envisage également de redynamiser le site de l’Unjci en y intégrant une web TV.
Visions croisées et divergences
A l’initiative du groupe WhatsApp dénommé «confrères journalistes», les trois candidats se sont retrouvés se sont retrouvé sur le même plateau, à la Maison de la presse d’Abidjan (MPA) pour un face-à-face. Dans un débat modéré par le journaliste Joël Amos Badi, empreint de courtoisie et de convivialité, les trois prétendant ont expliqué leur ambition pour la faitière des journalistes ivoiriens.
Le candidat Jean-Claude Coulibaly veut obtenir dans la loi des finances de l’année 2020 une subvention à la presse ivoirienne à hauteur de 0,01% du budget de l’Etat, soit plus de 6 milliards de Fcfa pour accompagner les médias, aujourd'hui sinistrés.
Il veut effectivement mettre sur pied la Fondation Noël Ebony, selon les textes, pour attirer des fonds publics et privés dans l’accompagnement des médias, en outre un secrétariat dédié à la solidarité et un collectif d’avocats pour défendre les journalistes en cas d’interpellation ou de brimades.
Le candidat Coulibaly prône un Cabinet de formateurs composé de journalistes qui apporteront leurs expertises en tant que consultants. Il projette aussi aider les journalistes qui veulent créer des sites web à s’installer. Et ce, avec l’appui du Fonds de développement de la formation professionnelle (Fdfp).
A l’instar de Lance Touré, Jean-Claude Coulibaly prévoit créer une union de toutes les générations en introduisant un Conseil des sages. Pour Moïse Katumbi, un partisan de M. Coulibaly, ce dernier a un programme « ambitieux et pragmatique ». Il apprécie surtout son plaidoyer pour la hausse de la subvention de l’Etat à la presse.
Lance Touré dont le slogan de campagne est « je me lance », prévoit s’il est élu, installer un Conseil juridique de l’Unjci pour défendre les journalistes, redynamiser le fonctionnement du jury permanent des prix Ebony, récompensant les meilleurs journalistes, en impliquant des correcteurs des rédactions.
Il veut aussi une « nouvelle Unjci » qui prône davantage l’excellence, la solidarité, la culture digitale, des partenariats avec la société civile, les institutions publiques, privées et internationales. Son programme prévoit des formations, une bibliothèque numérique et un fonds commun de placement.
Mariam Yéli, directrice de publication du journal L’expression, affirme sans ambages qu'elle travaille avec les « bosseurs », des gens engagés pour le travail bien fait, soulignant que le programme de Lance Touré « met le journaliste au centre de sa vision » avec un équilibre parfait.
Lassina Ouattara, journaliste au service politique de Le Patriote, avoue avoir choisi la team Lance Touré parce qu'il met l’accent sur le social, la confraternité et surtout l’amitié. Pour lui, ces valeurs sont très importantes pour construire une communauté de destin et la survie de l’Union.
Bien qu'étant journaliste à Le Patriote, Lassina Ouattara ne soutient pas à priori Jean-Claude Coulibaly, son chef au service politique. « Aujourd'hui, il est de plus en plus question d’intrusion du politique dans le milieu de la presse, pour moi il est important qu'on sorte l’Union du milieu politique», lâche-t-il.
Ceci dénote que la liberté d’opinion et de penser est une réalité aujourd'hui dans le milieu de la presse en Côte d'Ivoire. Les journalistes veulent davantage sortir la presse de sa léthargie et redorer le blason des professionnels des médias.
A travers cinq engagements, 15 actions prioritaires et cinq réformes, Franck Ettien, lui, veut moderniser la gouvernance de l’Unjci, créer une caisse de solidarité dont 10% des revenus gérés iront à la Mutuelle générale des agents des médias privés de Côte d’Ivoire (MS-Médias) pour des actions sociales en faveurs des journalistes.
Il envisage de donner au prix Ebony une dimension dans le même esprit que le Pulitzer aux États-Unis, tout en récompensant le ou les journalistes dont le ou les articles auront un impact nettement perceptible au sein de la société.
L’une de ses actions prioritaires est de faire certifier les comptes de l’Unjci par un Cabinet d’expert-comptable et le rendre public, en vue de permettre que l’organisation soit le fer de lance de la transformation de l’écosystème des médias en Côte d'Ivoire.
Pour Michel Betta, directeur de campagne de Ettien, ce dernier incarne celui qui peut fédérer la famille des médias, lutter contre la précarité et les conduire vers une véritable union et des fondements solides « ébranlés depuis quelques années ». Avec lui, la corporation peut libérer toutes ses énergies.
Le congrès de l’Unjci est assorti de l’élection du président de l’organisation. Il est prévu les 20 et 21 juillet 2019 à la salle de conférence du ministère ivoirien des Affaires étrangères. Le vainqueur de ces trois candidats succédera à Moussa Traoré, le président sortant, qui est au terme de deux mandats.
AP/ls/APA
Presse ivoirienne: Trois bras droits en compétition pour la présidence de l’Unjci (portrait croisé)