Les commandants de gendarmerie, Jean Noël Abehi et Anselme Seka Seka séjournent désormais au camp pénal de Bouaké, où ils ont été transférés fin avril dernier, après plusieurs mois de détention au secret à Abidjan, depuis leur arrestation et extradition vers la Côte d'Ivoire.
Avec eux, Amadé Ouéremi, l’ex-seigneur de guerre du mont Peko à l'Ouest, qui lui a été envoyé à la Maison d’arrêt et de correction de Dimbokro. Trois autres détenus, dont les noms sont restés secrets, ont connu le même sort, le tout dans la stricte discrétion, du fait de la sensibilité des dossiers en question. Le hic cependant, c'est que ces transfèrements du Sud vers le Nord prennent le contresens des mouvements de prisonniers observés jusqu'ici.
Par le passé, c’est plutôt du Nord de la Côte d'Ivoire, où les prisonniers de la crise post-électorale ont été envoyés, qu'ils sont convoyés vers le Sud, précisément à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Certains pour des questions de jugement, d’autres pour des raisons sécuritaires et de santé. Qu’est-ce qui peut donc expliquer leurs transfèrements récents vers des prisons de haute sécurité de Côte d’Ivoire au Nord ? Une source bien au fait du système judiciaire et pénitentiaire ivoirien, que nous avons jointe mais qui a voulu garder l’anonymat, explique : «
Il y a deux sortes de transfèrement. La première est le transfèrement judiciaire, c'est-à-dire celui qui est ordonné par les magistrats, notamment par le parquet ou les juges d’instruction.Et la seconde est administrative, ordonnée par l’administration pénitentiaire pour des motifs de santé, d’ordre public, de sécurité et d’autres motifs ».
Puis notre source d’ajouter que les transfèrements d'Abéhi, Seka Seka, Dibopieu, Ouérémi, sont d’ordre judiciaire.
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Ce sont des instructions qui sont venues du procureur de la République qui a en charge le règlement des dossiers de ces individus. C’est donc lui qui a ordonné qu’on les enlève du lieu où ils se trouvaient, qui n’était pas un milieu approprié, pour les envoyer dans un milieu beaucoup plus approprié à la détention », révèle notre interlocuteur, précisant que les détenus transférés dans ce cadre sont au nombre de sept.
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Comme ils étaient nombreux, on ne pouvait les garder dans le même endroit. Donc, on les a repartis entre les prisons que nous estimons les plus sécurisés, notamment le camp pénal de Bouaké, à Dimbokro et à Toumodi. Trois au camp pénal, trois à Dimbokro et un à Toumodi », poursuit notre source, qui indique que ces transfèrements sont faits dans l'intérêt des détenus eux-mêmes.
Pour le respect des droits des détenus
Elle ajoute que c’est pour leur sécurité et pour le respect de leurs droits, qui n’étaient pas garantis dans les lieux où ils étaient détenus auparavant. «
En réalité, c’est pour permettre à ces individus de sortir d’un milieu qui n’était pas propice. C’était régulier, puisque ça vient des magistrats. Mais, ce n’était pas propice à la détention. Ces milieux sont des endroits où on garde les gens pendant 48 h, une semaine », souligne notre informateur. Au camp pénal de Bouaké, à Dimbokro et à Toumodi où Abéhi, Dibopieu, Séka Séka, Ouéremi et les autres ont été transférés, ils bénéficieront par ailleurs de certains privilèges dont ils étaient dispensés.
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On les a amenés dans ces lieux pour qu’ils soient plus accessibles, pour que leurs droits minimums de citoyen soient quand même respectés, parce qu’ils ont droit à la visite des parents.Dans les milieux où ils étaient, c’était difficile parce que ce sont des milieux policiers.
Là où ils sont maintenant, ils ont droit à une certaine nourriture qu’on peut contrôler, ils ont droit à des communications, à des correspondances, à un certain confort relatif. En les enlevant pour les transférer dans ces prisons, c’est juste pour respecter cela. Sinon, ils se trouvent toujours dans des conditions de détention et dans les procédures qui vont avoir lieu ».
Selon les normes judiciaires, ces transfèrements ne devraient pas avoir lieu, étant donné que les prisons où ont été conduits les sept détenus sont hors de leur juridiction.Mais cela a été rendu possible «
grâce au décret qui stipule qu’on peut dorénavant envoyer des détenus hors de leur base légale et même au camp pénal », a expliqué notre source, qui est certaine que dans leur nouveau lieu de détention, Abéhi et les autres seront mieux traités.
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En ce moment où je vous parle, vous pouvez aller leur demander, ils vous diront qu’ils sont mieux traités, qu’ils sont à l’aise. »
Notre informateur indique que de ce qui se raconte sur le camp pénal de Bouaké et la prison de Dimbokro, qu'on présente comme des prisons infernales, il n’en est rien.
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C’est archifaux. Ce sont des prisons de sécurité, c'est-à-dire que les mesures de sécurité sont plus renforcées.Mais, à l’intérieur, la vie est la même que partout. Même si vous arrivez au camp pénal, si vous avez un parent détenu, vous demanderiez qu’on l’envoie là-bas. Ils sont nourris trois fois par jour, les cellules sont neuves, propres et aérées. Les gens ne sont pas serrés dans leurs lits, on a tenu compte des mesures minimales, 3 m² par détenu », soutient-il.
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Le camp pénal est une prison idéale. C’est la prison vers laquelle nous tendons en ce moment. En même temps qu’on assure la sécurité de la société qui est dehors, on met les détenus dans un confort. C’est cela le camp pénal d’aujourd’hui. Ça n’a rien à voir avec ce que les gens pensaient du camp pénal d’avant », a-t-il conclu.
Prisons ivoiriennes : Abehi, Dibopieu, Seka Seka, Amadé Ouérémi... - Photo à titre d'illustration