«Maintenir Gbagbo indéfiniment serait une prise de position politique de la part de la CPI». Ainsi a argué Me Emmanuel Altit hier face aux arguments de l’avocat McDonald, substitut du Procureur. En l’absence de la procureure Fatou Bensouda, Me McDonald est revenu sur les dangers d’une mise en liberté précipitée de l’ex-chef de l’Etat.
D’abord pour lui, Laurent Gbagbo possède toujours un trésor de guerre qui puisse lui permettre de continuer sa folie meurtrière de interrompue le 11 avril 2011. Ensuite, le substitut de Fatou Bensouda a conseillé aux juges de ne pas prendre une décision politique par rapport aux dernières décisions prises par la justice ivoirienne qui en Côte d’Ivoire. «La chambre ne doit pas décider de libérer M. Gbagbo sous un prétexte politique, mais plutôt juridique. Elle ne doit pas être influencée par les discours politiques (…) Ce n’est pas parce que des proches de Gbagbo sont libérés que M. Gbagbo doit recouvrer lui aussi la liberté », a martelé Me McDonald. Avant d’ajouter : «Si M. Gbagbo est relâché, alors quelles sont les garanties qu’il donne pour ne pas faire obstruction à la CPI, ou fuir, ou continuer à commettre les crimes qui lui sont reprochés ?».
Devant ces arguments pertinents, Me Altit a préféré rentrer dans une démonstration politico-philosophique. Pour lui, Gbagbo doit participer au processus de réconciliation nationale. Car il compterait, selon lui, encore de nombreux partisans qui attendent cela. Pour lui, les nombreuses personnes convoyées depuis Paris qui manifestaient hier tout près de l’immeuble où se tenait le huis clos en est la preuve patente. «Etre un pro-Gbagbo n’est pas un crime selon la communauté internationale qui vient de remettre le FPI dans le jeu politique en Côte d’Ivoire (…) Aussi, voulez-vous nous dire que ces milliers de partisans qui manifestent au pied de l’immeuble dehors, parmi lesquels on compte des artistes sont tous des criminels », a étayé Me Altit. Comme on peut le constater, Me Altit n’a pas aucun élément nouveau qui prouve que le président Laurent Gbagbo ne constitue plus un véritable danger pour la paix sociale en Côte d’Ivoire.
Au contraire par son argumentaire, il renforce les craintes du Bureau du Procureur qui estime qu’un Laurent Gbagbo dehors en ce moment serait préparé le préparer «le match retour» tant attendu par tous fanatiques qui n’ont pas encore digéré sa double défaite et qui rêvent de revanche en Côte d’Ivoire. Pour donc forcer la main aux juges de La Haye, il brandit l’argument politique en tentant de leur donner mauvaise conscience. Aujourd’hui, tout le plan de défense du camp Gbagbo est basé sur cet argumentaire. A savoir faire passer la CPI pour un bras séculier de l’impérialisme occidental qui ne s’en prendre qu’aux dirigeants africains qui se révolte contre l’ordre mondial établi.
La campagne initiée par l’Union africaine s’inscrit dans cette même veine. La présidente de la Commission de l’UA, Mme Nkosazana Dlamini Zuma, qui aujourd’hui fait le tour de certaines capitales africaines pour inciter les Etats africains signataires du Statut de Rome, n’est rien d’autre qu’une manière de voler au secours des dirigeants comme Laurent Gbagbo qui pour leur ambitions égocentriques ont provoqué la mort de plusieurs milliers de leurs compatriotes. Il s’agit de mettre une pression énorme sur les juges de La Haye pour les obliger à lâcher du lest. Me Emmanuel Altit en jouant la carte de la politisation du procès espère faire fléchir la juge Silvia Fernandez de Gurmendi et ses pairs de la chambre préliminaire. Mais, l’histoire récente de l’affaire «procureur contre Laurent Gbagbo» a déjà montré que la Cour est peu encline à se laisser distraire par de tels arguments.
Jean-Claude Coulibaly
Procès de Gbagbo: Quand Me Altit fait du chantage - Photo à titre d'illustration