L’ouverture du procès aux assises de 83 personnes, dont Simone Gbagbo, accusées d’avoir porté atteinte à la sûreté de l’État, marque un moment important dans le processus judiciaire relatif à la crise post-électorale.
Cependant, nos organisations rappellent qu’il ne s’agit que d’une première étape, les crimes les plus graves commis pendant la crise étant encore au stade de l’instruction et devant faire l’objet d’un procès ultérieur, qui devra concerner les présumés responsables de toutes les parties prenantes à la crise post-électorale.
« La justice ivoirienne a fait le choix de poursuivre les crimes commis pendant la crise post-électorale en plusieurs étapes. Aujourd’hui, ce ne sont pas les graves violations des droits de l’Homme qui ont été perpétrées, mais uniquement les crimes relatifs à la sûreté de l’État que la Cour d’assises aura à juger. Il faut saluer cette avancée, mais les victimes qui ont été marquées dans leur chair attendent avec impatience le procès des crimes les plus graves. Ce n’est donc pas le procès de la crise qui s’ouvre, mais un premier procès de la crise » a déclaré Me Yacouba Doumbia, président du MIDH.
La plupart des 83 personnes renvoyées devant la cour d’assises d’Abidjan par une ordonnance de la chambre d’accusation du 10 juillet 2013, devront répondre d’accusations telles que : atteintes à la défense nationale ; attentat ou complot contre l’autorité de l’État ; constitution de bandes armées ; direction ou participation à un mouvement insurrectionnel ; trouble à l’ordre public ».
« Dans ce procès, les seules victime seront l’État et l’ordre public. C’est donc un moment judiciaire important, mais il faut bien comprendre que ceux dont la famille a été endeuillée, les victimes de crimes sexuels, ceux qui ont tant perdu entre décembre 2010 et avril 2011, ceux-là attendent toujours que les enquêtes avancent et qu’il soit répondu à leur demande de vérité, de justice et de réparation. Et dans ces affaires, les crimes ont été commis par les deux camps, et les victimes demanderont sans relâche que les deux camps soient jugés. » a déclaré Me Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH.
Le dossier concernant les crimes de sang est toujours en cours d’instruction au sein de la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI). Un deuxième procès devra donc être organisé par la justice ivoirienne et une partie des personnes concernées par le procès qui s’ouvre ces jours-ci, également visées par les enquêtes judiciaires conduites par la CSEI (pour des motifs tels que : génocide, crime contre la population civile, assassinat, viol, etc.), pourront être renvoyés devant les assises une nouvelles fois.
« Nous allons suivre et observer ce procès dans son intégralité, car c’est un défi important pour la justice ivoirienne : c’est la première fois qu’une cour d’assises aura à juger un si grand nombre de personnes dans un même dossier. Il est crucial qu’elle relève ce défi, à travers un procès équitable et respectueux des droits de la défense, sans quoi elle jetterait un discrédit sur les procédures encore en cours d’instruction, relatives notamment aux autres crimes », a déclaré Me Drissa Traoré, vice-président de la FIDH.
La FIDH, la LIDHO et le MIDH, constituées parties civiles dans le dossier des crimes de sang et qui accompagnent une centaines de victimes devant la justice, déploieront une équipe d’observation judiciaire pendant toute la durée du procès.
« Il ne faudrait pas que des considérations politiques ou électorales s’invitent à la barre. Nous avons dénoncé, au cours des derniers mois, les conditions dans lesquelles une partie des accusés a été mis en liberté provisoire à la suite de décisions du pouvoir exécutif. Pour réussir, ce procès ne devra respecter que le droit et la procédure, et non des questions politiques qui n’ont pas leur place dans l’enceinte judiciaire » a déclaré Pierre Adjoumani Kouame, président de la LIDHO.
Nos organisations rappellent qu’un mandat d’arrêt international a été rendu public par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre de Simone Gbagbo le 22 novembre 2012 en tant que coauteur indirect, de quatre chefs de crimes contre l’humanité, de meurtres, viols et autres violences sexuelles, persécution et autres actes inhumains, perpétrés lors des violences post électorales entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. Nos organisations rappellent qu’en vertu du principe de complémentarité de compétences entre la CPI et les juridictions nationales, les autorités nationales ivoiriennes devront juger Simone Gbagbo pour ces crimes, ou coopérer avec la CPI et transférer Mme Gbagbo au siège de la CPI.
International Federation of Human Rights (FIDH)
Simone Gbagbo sera jugée en Côte d'Ivoire pour plusieurs chefs d'accusation