Abidjan - Le procès de l’ex-Première dame ivoirienne Simone Gbagbo, poursuivie pour son rôle durant la crise postélectorale sanglante de 2010-2011, a été renvoyé mardi au 6 janvier, alors que s’esquisse une reprise du dialogue politique à moins d’un an de la présidentielle.
Le Front populaire ivoirien (FPI), parti de l’ancien président Laurent Gbagbo qui traverse une crise profonde, et le gouvernement du chef de l’Etat Alassane Ouattara ont annoncé lundi soir qu’ils se rencontreraient "en début d’année" pour renouer un dialogue rompu depuis mai, afin de "poursuivre (l)a reconstruction" de la Côte d’Ivoire.
Née du refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite à la dernière présidentielle face à M. Ouattara, la crise postélectorale de 2010-2011 a fait quelque 3.000 morts. Elle s’acheva par deux semaines de guerre et l’arrestation du couple présidentiel.
Le FPI souhaite notamment évoquer la question "des prisonniers politiques, le problème des exilés (...) la préparation des élections générales", avant la présidentielle d’octobre 2015, a déclaré Pascal Affi N’Guessan, le président du FPI.
M. N’Guessan est au même moment jugé aux côtés de l’ex-Première dame Simone Gbagbo et de 81 autres personnalités de l’ancien régime pour leur rôle présumé dans la crise postélectorale de 2010-2011.
Alors que l’examen des faits devait débuter mardi, avec le témoignage de cinq accusés présentés comme des miliciens, le président de la Cour d’assises a renvoyé les débats au 6 janvier afin de permettre aux avocats de la défense de consulter le dossier de l’accusation.
L’avocat des accusés appelés mardi à la barre a fait valoir qu’il "n’a même pas encore eu accès à leur dossier", le parquet ne l’ayant pas "fourni à temps".
"Afin de mener un procès équitable, le droit de la défense doit être respecté. Ce n’est pas une faveur mais un droit. La cour vous invite à satisfaire cette obligation", a lancé le président de la Cour, Taïrou Dembélé, à l’avocat général.
Réconciliation nationale
Simone Gbagbo, principale figure de ce procès majeur pour le pays, n’était pas présente mardi, de même que plusieurs de ses co-accusés.
Le procès ne couvre pas les "crimes de sang" commis durant la crise, qui font l’objet d’une procédure distincte, au grand dam de proches des victimes.
Mme Gbagbo est également réclamée par la CPI, qui l’accuse de "crimes contre l’humanité" commis durant la crise postélectorale, à l’instar de son mari, emprisonné depuis trois ans à La Haye et en attente de jugement.
Après avoir livré à la CPI l’ancien président et Charles Blé Goudé, leader des "jeunes patriotes" pro-Gbagbo, Abidjan refuse le transfèrement à La Haye de Simone Gbagbo, assurant que la justice ivoirienne est désormais en mesure d’organiser un procès équitable. Le pouvoir ivoirien juge aussi qu’un tel transfèrement affecterait le processus de réconciliation nationale.
La justice ivoirienne est régulièrement accusée d’être une "justice des vainqueurs" par des organisations de la société civile et par l’opposition, car l’immense majorité des personnes poursuivies en lien avec la crise de 2010-2011 appartiennent au camp Gbagbo.
"Tout le pays attend qu’on puisse tourner la page et solder les comptes de la grave crise de 2011 (...) pour aller à la réconciliation. Si ce procès peut y contribuer, tant mieux", déclarait vendredi l’un des co-accusés en liberté provisoire, Michel Gbagbo, fils de Laurent Gbagbo.
L’enjeu est d’autant plus important que, selon la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), la Commission dialogue, vérité et réconciliation ivoirienne, qui a remis récemment son rapport final, n’a "pas tenu ses promesses".
Le président de la Commission, l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny, a lui-même reconnu que les résultats des travaux étaient décevants.
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L’audience des 5 premiers prévenus renvoyée au 6 janvier