La défense a poursuivi le contre interrogatoire de Monsieur Saydou Zouon, ce mercredi 30 novembre à la Cour pénale internationale (CPI). Le témoin a raconté le déroulé de la marche sur la RTI du 16 décembre 2010, au cours de laquelle il a été blessé. Mais des problèmes de traduction et de concentration du témoin ont compliqué cette déposition.
Lenteur des réponses du témoin, soucis techniques et problèmes de traduction, l'audience de ce mercredi 30 novembre a été quelque peu décousue. Monsieur Saydou Zouon avait en effet indiqué hier qu'il préférait déposer en Dioula et bénéficie donc de l'aide d’interprètes. Mais à plusieurs reprises, notamment dans la matinée, la défense a noté des distorsions entre les propos du témoin et leur traduction. « C'est très problématique », a noté le juge président, appelant à plus de vigilance.
Par ailleurs, le témoin, qui souffre de « problèmes de concentration », a été amené à faire plusieurs pauses. Il a également éprouvé des difficultés à répondre aux questions, soulevant des interrogations de la part de la défense. Mais un psychologue de l'Unité des victimes et des témoins a confirmé que le jeune était apte à répondre aux questions, malgré une grande fatigue.
Marche sur la RTI et mise en garde des forces de l'ordre
Sur le fond, Monsieur Saydou Zouon a évoqué la marche sur la RTI, lors de laquelle il a été blessé. Répondant aux questions de l'un des avocats de Laurent Gbagbo, le témoin a décrit en détail le déroulé de cette journée. Il a expliqué être parti de Youpougon direction Adjamé en compagnie d'un ami, afin de répondre à l'appel de Guillaume Soro.
Par ses questions, la défense a cherché à savoir si ce jour-là, les marcheurs avaient provoqué les Forces de défense et de sécurité (FDS), ce qu'a nié le témoin. Il a ainsi affirmé qu'il n'était pas au courant de l'interdiction de la marche. Cependant, en chemin, il aurait croisé à plusieurs reprises des membres des forces de l'ordre, qui ont tenté de lui faire rebrousser chemin.
Rassemblés devant le siège du RDR, les marcheurs auraient notamment échangé avec des militaires. « Si vous ne quittez pas cette endroit, ce sera grave », aurait prévenu le gendarme. Interrogé par l'avocat, le témoin a assuré que personne parmi la foule n'avait répondu.
Mais en lisant sa déclaration antérieure, l'avocat a mis en lumière une version différente donnée par le jeune homme. « Quelle est la bonne version ? Est-ce que quelqu'un a répondu aux soldats ? », a demandé l'avocat. « J'avais oublié cela », s'est justifié le témoin, expliquant qu'effectivement, une personne avait répondu, provoquant la colère des forces de l'ordre.
La « fiabilité » du témoin pose question
Le témoin a raconté s'être dans un second temps dirigé vers le grand carrefour pour tenter de rejoindre la RTI. Chantant, les mains en l'air, le groupe de marcheurs qui l'accompagnait a été à nouveau bloqué par les forces de l'ordre. « On nous a dit de pas franchir le barrage, on ne l'a pas franchi », a raconté le témoin, expliquant que les militaires avaient lancé des gaz lacrymogène.
Là encore, Saydou Zouon a été confronté à sa précédente déposition, et l'avocat a souligné plusieurs changements dans son récit. « Parfois j'oublie certaines choses, s'est-il justifié. La déclaration au bureau de la procureure, c'est ça la vérité ». « Vous n'aviez pas cette même tendance à oublier des choses à l'époque ? », a voulu savoir Andreas O'Shea, avant d'être interpellé par le président de la Chambre, qui réclamait des faits. « Toute la déclaration a été versée au dossier, nous avons intérêt à vérifier si les propos ne sont pas fiables », a insisté l'avocat.
Andreas O'Shea a donc poursuivi en posant de nombreuses questions de précision, toujours sur le même thème. Il a notamment voulu savoir comment le témoin, alors qu'il courrait dans la fumée des gaz lacrymogène, avait pu voir d'où venaient les tirs.
Celui-ci a répliqué « qu'il était conscient » et n'avait pas perdu ses repères. Il a ensuite relaté comment, pendant sa course, il avait senti sa jambe gauche se dérober sous lui, le genou ayant été touché par une balle. « Vous n'êtes pas en mesure de confirmer que personne parmi les marcheurs ne portait une arme ? » a demandé l'avocat de Laurent Gbagbo. « Je n'ai vu personne portant une arme », a répliqué le jeune homme.
En fin de séance, il a été question du « Commando invisible ». Le témoin a attesté n'en savoir que très peu sur le sujet. Il a simplement évoqué des « combats » entre jeunes et FDS à Abobo. « Vous avez participé à ces affrontements ? », a encore voulu savoir la défense. « Je n'ai pas pris part à cette lutte, j'étais blessé », a répondu Saydou Zouon.
Par Camille Dubruelh
Procès Gbagbo-Blé Goudé : le témoin peine à se concentrer sur les questions - Photo à titre d'illustration