Décidément, les relations entre la Côte d’Ivoire et le Ghana ne sont pas près de s’améliorer.Depuis l’époque des « pères de l’indépendance », l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny et le Ghanéen Kwame N’Krumah, à nos jours, entre Abidjan et Accra, c’est le « je t’aime moi non plus ».
Mêmes les lointains successeurs de ces deux présidents qui ont marqué l’histoire politique de l’Afrique de l’Ouest peinent à réécrire de nouvelles pages des relations diplomatiques entre les deux Etats.En effet, depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara au terme d’une grave guerre civile, beaucoup de responsables et simples loufiats civils et militaires proches du président déchu, Laurent Gbagbo, ont dû et doivent leur salut à l’hospitalité offerte par Accra.
Une «akwaba» (1) perçue du côté de la lagune Ebrié comme un acte d’intelligence avec l’ennemi. Une perception renforcée par le refus de la justice ghanéenne d’extrader Justin Koné Katinan, ancien porte-parole de l’ex-président Gbagbo.
Ces réfugiés ivoiriens nourrissaient-ils vraiment des sentiments revanchards voire des velléités déstabilisatrices comme l’a longtemps soutenu le régime Ouattara ?
Force est de reconnaître que certains d’entre eux, depuis leur terre d’asile, n’ont cessé de poursuivre le combat politique à travers des déclarations par le biais de la presse locale et même internationale : ainsi de Charles Blé Goudé, ministre de la Jeunesse sous Gbagbo, arrêté en janvier 2013.
Dernière éruption politico-diplomatique en date entre les deux pays voisins : ce rapport onusien qui tombe telle de l’huile sur le feu.
En effet, selon un document des Nations unies publié lundi dernier, le gouvernement ivoirien a tenté de faire enlever ou assassiner des partisans du président Laurent Gbagbo au Ghana. Une accusation fondée sur des révélations faites par les autorités ghanéennes, qui ont fait état de la présence «d’agents ivoiriens envoyés pour tuer ou kidnapper des militants pro-Gbagbo». Pire, Accra affirme avoir fait échouer par deux fois de telles tentatives.
Si c’est l’ONU qui l’écrit, c’est que le rapport jouit sinon d’une crédibilité certaine, du moins d’une certaine crédibilité.
Qu’en dira le Conseil de sécurité, qui évoquera aujourd’hui le document à charge contre le régime de Ouattara ?
En attendant, une chose est sûre : autant les services de renseignements de Gbagbo connaissaient les restaurants, les boîtes de nuit et même les «go» que fréquentaient et «pointaient» les Guillaume Soro et autres au moment où ils avaient pignon sur rue à Ouagadougou, autant les nouvelles autorités ivoiriennes ont les yeux et les oreilles sur les traces des exilés du FPI au Ghana.
Mais être accusé d'échafauder un plan d’enlèvement ou d’extermination de ces réfugiés politiques est une chose grave qui mérite des preuves pour convaincre grand monde.
Toutefois, il faut dire que les relations entre Abidjan et Accra ont toujours été orageuses.
Au temps d’Houphouët et de N’Krumah, comme évoqué plus haut, à la guéguerre de leadership politique et idéologique entre les deux hommes s’est greffée la course effrénée pour faire chacun de son pays le premier producteur mondial de cacao.
L’arrivée plus tard du régime révolutionnaire de Rawlings au Ghana a été vécue en Côte d’Ivoire comme une menace de subversion sur les bords de la lagune Ebrié.
Sous ADO, la mayonnaise ivoiro-ghanéenne tarde toujours à prendre.
(1) Bienvenue en twi et en baoulé, dialectes parlées respectivement en Côte d’Ivoire et au Ghana
Alain Saint Robespierre
On espère que l’avis de tempête diplomatique déclenché par ce rapport fera long feu.
Relations ivoiro-ghanéennes: nouvel avis de tempête diplomatique. - Photo à titre d'illustration