Dans mon recueil de nouvelles intitulé : « Le domestique du Président. » je fais venir un chef d’Etat dans plusieurs quartiers de sa capitale. Partout, ce sont des discours de flagorneurs. La population était préparée à dire au Président de la République, par des allocutions de laudateurs, que tout se passait bien dans le pays. Dans le dernier quartier qu’il visita, un homme prit la parole pour dire les quatre vérités au Grand chef. Il accusa même les responsables de son quartier de truquage. Pour lui, les autorités municipales firent un peu de nettoyage du quartier à cause de sa venue. Il égrena tellement de maux du quartier que le Président comprit qu’il restait beaucoup de choses à faire. Et ce n’est pas tout de la nouvelle. Dans un petit livre, qui va sortir dans quelques semaines, et qui est destiné aux adolescents, que les adultes vont aimer, je reviens sur ce thème.
Son titre : « Adjoba et le Président. » Une petite fille de huit ans, dans un chapitre, fera la tournée d’un quartier de la capitale. Elle va obliger le Président de la République, une nuit, à parcourir des rue et des ruelles d’un quartier populaire pour qu’il saisisse mieux les difficultés d’une population pauvre et dont une grande partie se plait dans la jouissance éphémère et le bavardage stérile. Le Président va passer plus de trois heures dans le quartier sans aucun garde de corps sauf avec la compagnie d’Adjoba. Mais le Président portera un déguisement. Comme on le constate, je suis obsédé par le thème d’un chef d’Etat dans les quartiers. D’ailleurs, la rumeur disait que Félix Houphouët-Boigny se promenait dans Abidjan déguisé dans un grand boubou avec chapeau et lunettes noires. En réalité, il faisait venir au Palais, les nuits, des gens du peuple pour causer et comprendre. J’ai été proche d’un membre de son entourage. Le peuple a toujours imaginé et cru qu’un Président est loin des préoccupations de la population. Qu’un chef d’Etat ne connaît pas les réalités du pays. Tous les peuples sont convaincus qu’un chef d’Etat est mal conseillé. Les pauvres conseillers sont toujours la cause de toutes les difficultés des pays. En fait, chaque personne dans le pays a sa propre manière de voir. . Sa propre vérité. Et cela restera ainsi dans tous les pays du monde et c’est ce qui rend difficile la gouvernance d’un pays. Les idées sont nombreuses et contradictoires. Quel que soit ce qu’un Président peut faire et réussir plusieurs personnes ne seront pas convaincues et satisfaites. Dans le domaine littéraire, qui est aussi un pouvoir, on sait comment se dressent les lecteurs. Un côté des détracteurs et de l’autre des admirateurs et même des laudateurs. Mais un écrivain qui ne réagit pas à l’égo, mais à l’esprit ne doit pas se laisser influencer, mais de suivre son style et ses thèmes. Un Président doit agir ainsi, mais dans son cas il doit écouter.
Une capitale étant le pays en miniature doit bénéficier d’une visite d’Etat. A chaque fois que je vois le petit des Coulibaly faire ses visites d’Etat dans certaines provinces du pays je l’imagine dans les principaux quartiers d’Abidjan. Avant la fin de son mandat il serait souhaitable qu’il visite plusieurs communes de la capitale d’Abidjan. Un programme qui va s’articuler sur plusieurs axes. Les discours habituels, mais donner la parole aussi aux habitants du quartier et non aux officiels. Donner la parole à des fonctionnaires, des employés du privé, des commerçantes, des ouvriers, mécaniciens, menuisiers, des jeunes, des collégiens, des chômeurs. Toutes les personnes qui n’ont aucune prétention et n’ont même pas les qualifications pour avoir un poste de ministre ou tout autre responsabilité politique ou administrative. Ce qui serait original c’est que le Président visite des maisons au moment des repas. Deux ou trois suffiraient. Pas des maisons choisies d’avance. On suppose qu’à ce niveau le Président peut aller à tout moment dans un quartier et partager les repas des démunis ou faire venir, au palais, une famille ou des démunis pour déjeuner ou dîner avec lui. S’ils ne sont pas influencés le Président aura une situation vivante du pays encore mieux que les rapports de circonstance. Charles de Gaule disait que le pouvoir est solitaire et c’est réel. On peut tout voir, tout lire, tout entendre, mais la décision n’appartient qu’au chef seul. Un vrai travail d’équilibriste. Comment faire plaisir à tous ? Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Samedis de Biton Visite d’Etat à Abidjan - Photo à titre d'illustration