La stratégie politique de Guillaume Soro, le président démissionnaire de l’Assemblée nationale, après sa rupture fracassante avec Alassane Ouattara, vise, plus que jamais aujourd’hui, à mettre à terre le régime que celui-ci incarne, à la tête du pays depuis 2011.
Les propos tenus en public par l’ancien Premier ministre, ses actes sur le terrain, ses plans d’actions envers des couches défavorisées du Nord, sa manière d’opérer sur le terrain depuis quelque temps, notamment dans la région du Hambol, de façon implicite ou explicite, sont assez illustratifs de sa volonté de faire sanctionner Alassane Ouattara ou le candidat du Rhdp dans les urnes à la présidentielle prévue dans 17 mois. L’objectif affiché de Guillaume Soro, est de faire tomber Alassane Ouattara et son nouveau parti, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) en 2020 ; lequel Rhdp qu’il a catégoriquement refusé d’intégrer.
Guillaume Soro semble avoir bien planifié son stratagème pour arriver à ses fins. Dès sa démission, il s’est d’abord engagé dans la « démolition » du mythe Alassane Ouattara. Face aux populations du Tchologo, aussi bien chez lui à Marcory qu’à Ferké où il a reçu un accueil triomphal, devant des communautés de Daloa, des Tchaman, des chefs d’Abatta, des chefs Wê, des anciens de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), à Daoukro chez Bédié où il s’est rendu, Guillaume Soro a entrepris de « casser » l’image du chef de l’État. Chaque fois que l’occasion lui est donnée, l’ancien chef de l’aile politique de la rébellion de 2002 ne manque pas de mettre en avant le manque de reconnaissance du chef de l’État, pour le sacrifice, que lui Soro et les autres, dont des soldats « morts, estropiés et impotents », ont consenti afin qu’il accède au pouvoir d’État. Guillaume Soro sait, en fin tacticien politique, que pour faire mouche auprès des populations, il se doit de démystifier le président de la République dont il était très proche.
Pendant plusieurs semaines, le président du Conseil politique (Cp), qui ne cache plus son ambition présidentielle, a brocardé Alassane Ouattara et raillé le Rhdp.
La violence des propos de son ex-poulain a amené Alassane Ouattara, depuis Paris, vendredi 15 février, à réagir. « Guillaume Soro est un fils. Je l’ai dit, certains fils sont un peu rebelles. Il faut leur donner le temps de s’assagir », avait-il fait valoir. Mais, le « jeune homme » qui, plus tôt à Abidjan, le reprenait, en expliquant qu'il n'était pas « marxiste » comme le président Ouattara le mentionnait, face à ses beaux parents venus de Daloa, s’en était vertement pris à la gouvernance de l’ancien Directeur général adjoint (Dga) du Fonds monétaire international (Fmi). « Si Alassane n'était pas devenu président, est-ce qu'on allait savoir que c'est comme ça qu'il allait gouverner ? », s'est interrogé le député de Ferké.
Soro, le sauveur !
« Quand tu regardes le résultat qu’on a obtenu, il faut qu’on demande dix fois plus pardon. Au moins après toute cette guerre, si la Côte d’Ivoire était devenue le Rwanda ou la Suisse, on n’aurait pas à demander pardon, mais qu’est devenue la Côte d’Ivoire ? Un pays où un député qui a une immunité, où un ancien ministre s’en va en prison pour un tweet ? », avait dénoncé Soro Guillaume. « Si Alassane n'était pas devenu président (...), on allait être toujours là, « ouais » il a fait Fmi, il fait Fmi... Maintenant, on est ici, petit pays de 322 462 kilomètres carrés (...). On pensait tous qu'on allait devenir des milliardaires dans ce pays », avait-il raillé Alassane Ouattara. « C'est pour ça, je dis c'est bien qu'il ait été président. Comme ça, les Ivoiriens vont prendre la période d'Houphouët-Boigny, la période de Bédié, la période de Gbagbo et puis bon, vous allez regarder », a dit Soro Guillaume.
On le voit, la première étape de la guerre de Guillaume Soro contre Alassane Ouattara a été de casser le mythe de celui-ci, de sorte à l’affaiblir, pour le rendre vulnérable.
Ensuite, aujourd’hui, Soro a fait évoluer sa tactique. Celle-ci consiste à déboulonner Alassane Ouattara, en particulier, dans les zones du Nord, réputées fiefs du Rassemblement des républicains (Rdr), une composante du Rhdp. Pour ce faire, l’ancien chef rebelle est retourné au Nord, dans le cadre d’une vaste opération de charme auprès des populations. Son discours, tourné contre la grande pauvreté dans les régions du Nord, est d’autant plus audible que le député Fofana Bassatigui s’est engagé à verser sa caution de 20 millions de F Cfa pour la présidentielle de 2020.
A Dabakala, des populations ont appelé l’ex-président de l’Assemblée nationale, à se porter candidat à la présidentielle de 2020. « Monsieur le président du Comité politique, Guillaume Soro, le peuple Djimini et Djamala me charge de vous demander de vous porter candidat à l’élection présidentielle de 2020 », a déclaré Fofana Bassatigui, le député de Satama-Sokoro, Satama-Sokoura et Bassawa, lors d’un meeting, samedi 20 avril 2019, tenu à Dabakala, en présence d’une foule immense. Une véritable claque envoyée à Alassane Ouattara dans une zone considérée comme son pré-carré et où il compte un immense « troupeau» électoral. Ici comme à Abidjan, Guillaume Soro s’est attaqué au mythe Ouattara, invitant les Ivoiriens à comparer la gestion des affaires de l'État de Monsieur Alassane Ouattara à celle de ses prédécesseurs. A Dabakala où il s’est retranché depuis le survol de sa résidence par de curieux drones, il s'est lancé dans une véritable déconstruction de la gouvernance d’Alassane Ouattara. Après Dabakala, il entend visiter d’autres régions du grand Nord ivoirien.
Guillaume Soro, visiblement en terrain conquis, dénonce, avec une virulence langagière sans précédent, le manque d'infrastructures socio-économiques de base dans plusieurs localités. L’ancien chef du Parlement, qui ne fait plus mystère de sa volonté d'aller à la conquête du fauteuil suprême, à chacune des étapes de sa visite, met à nu les tares de la présidence d'Alassane Ouattara...
Soro Guillaume