Le changement de nom de la rencontre entre l’Europe et l’Afrique qui se tiendra les 29 et 30 novembre à Abidjan annonce-t-il un changement de ton ? Alors que les États africains peinent à cacher leurs différends, des voix s’élèvent pour exiger la mise en place d’une véritable politique de développement.
Les 29 et 30 novembre, Abidjan va accueillir le 5e sommet entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE). Premier du nom. Depuis le rendez-vous initial, organisé au Caire en 2000, l’UE rencontrait « l’Afrique ». Mais l’intégration du Maroc dans l’UA en début d’année a rebattu les cartes. « Tous les pays africains sont aujourd’hui membre de l’Union. Ce changement de nom est donc tout à fait justifié », explique Koen Vervaeke, directeur général pour l’Afrique au sein du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), observant sur le sujet la même prudence que l’institution qu’il représente.
La question perturbe pourtant les préparatifs du sommet depuis des mois. La nouvelle dénomination ouvre en effet la porte à la République arabe sahraouie démocratique (RASD) qui, conviée pour la première fois à l’événement, comme l’ensemble des 55 membres de l’UA, s’est empressée d’accepter l’invitation. Provoquant simultanément le mécontentement de Rabat et l’embarras d’Abidjan ainsi que d’une large partie des pays participants.
Le label « Afrique-UE » a même resurgi l’espace de quelques semaines, avant de s’effacer, semble-t-il pour de bon, fin octobre, après un ballet diplomatique effréné des deux côtés de la Méditerranée et moult tractations durant lesquelles le sommet a même failli être déménagé à Addis-Abeba.
Toutes ces tergiversations intra-africaines « ont bien failli gâcher la fête »
L’appellation et la localisation enfin confirmées, tout le monde attend maintenant de connaître la composition de la délégation marocaine. Mohammed VI, qui fera certainement le déplacement à Abidjan, peut difficilement soustraire son pays à la première grande rencontre internationale organisée depuis le retour de ce dernier au sein de l’UA. D’autant qu’elle concerne deux continents aux destins scellés par des intérêts communs et dont le Maroc constitue l’un des traits d’union naturels les plus évidents.
Toutes ces tergiversations intra-africaines « ont bien failli gâcher la fête », confirme un observateur européen, alors que des querelles à propos du financement de l’événement lui-même risquent de plomber l’ambiance jusqu’aux dernières heures des préparatifs. Les organisateurs africains et européens pensaient pourtant bien avoir fait le plus dur en parvenant à s’accorder sur un thème officiel pour ce cinquième rendez-vous : la jeunesse.
Décisions en coulisses
« La question est bien entendu très importante, mais elle ne suscite aujourd’hui aucune divergence profonde », constate Geert Laporte, vice-directeur du Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM), un think tank bruxellois.
Comme si l’essentiel était surtout d’éviter les sujets qui fâchent entre deux institutions bousculées en interne : l’UA par une réforme censée lui donner les moyens de ses ambitions ; l’UE à la suite du Brexit, dont les effets restent à mesurer, et de la recomposition d’un couple franco-allemand aux visions parfois contradictoires en matière de politique extérieure. Exit donc, les thématiques sécuritaires, migratoires, économiques ?
« Le thème de la jeunesse est justement suffisamment central pour pouvoir traiter de toutes ces questions », affirme Koen Vervaeke. Mais également suffisamment large pour rester « de l’ordre du symbolique », comme le craint déjà le représentant d’une ONG. Avec le risque de n’apporter que demain des réponses aux problèmes qui se posent aujourd’hui aux deux unions et à leurs populations.
Comme pour les sommets précédents, les décisions se prendront davantage en coulisses que lors des plénières programmées pendant les deux jours de festivités. « C’est tout le paradoxe de ces rendez-vous multilatéraux qui servent surtout des intérêts bilatéraux, regrette un diplomate, mais c’est essentiel pour les bonnes relations que l’Europe entend développer avec l’Afrique et pour le rôle que les deux comptent jouer, ensemble, sur la scène internationale, en matière de politique environnementale notamment. »
Déficit d’image
Dix ans après la définition de la Stratégie conjointe Afrique-UE (JAES), lors du sommet de Lisbonne, l’UE estime toujours souffrir d’un déficit d’image de l’autre côté de la Méditerranée. Sans rapport avec sa contribution sur le continent en matière financière ou sécuritaire.
L’UE et ses États membres représentent 33 % de tous les investissements étrangers réalisés à travers l’Afrique, absorbent 41 % de ses exportations et fournissent 33 % de ses importations, transfèrent 36 % des fonds expédiés aux pays par la diaspora et participent à hauteur de 50 % à l’aide publique au développement versée chaque année au continent...
Sommet UA-UE : les grands enjeux - Photo à titre d'illustration