Décryptage d’une arrestation qui peut vraiment mélanger les plans des uns et des autres.
Le gouvernement Ivoirien, via la justice, a décidé d’agir et de mettre fin à la guerre des nerfs qui se déroule depuis la découverte de caches d’armes sur tout le territoire. Mais ce début d’action met-il vraiment fin à la guerre des nerfs ? On peut en douter, car l’arrestation de Soul To Soul n’est pas anodine.
Acte d’autorité, action judiciaire menée avec toutes les précautions procédurières possibles, , cette arrestation est un moment fort de la gouvernance Ouattara et elle traduit la volonté du pouvoir de s’installer, face à la Sorosphère, dans un rapport de force assumé. Même si Guillaume Soro a lancé un appel au calme, demandant qu’on laisse la justice faire son travail, il est évident que le rapprochement entre lui et Alassane Ouattara semble désormais impossible.
La fracture existait déjà, elle s’est aggravée au moment du Congrès du RDR. Certains soutiens de Guillaume Soro étaient d’ailleurs montés au créneau pour s’étonner du grand « dégagisme » qui a frappé les soroïstes. Cette arrestation a le mérite d’amener à clarifier certaines choses. Par exemple, que va faire et dire Henri Konan Bédié qui, dans un entretien accordé à Jeune Afrique, s’était posé en protecteur de Guillaume Soro ? C’était avant la grande réconciliation entre lui et Ouattara et avant que ne soit affirmée la volonté de consolider le RHDP. Au moment où nous bouclions, le Pdci n’avait pas encore réagi. Mais, Bédié et le Pdci semblent aujourd’hui moins enclins à défendre Soro et Soul to Soul contre Ouattara et le Rdr. Pourtant, lors du Troisième anniversaire de l’Appel de Daoukro, le Président du Pdci avait cité les représentants de Guillaume Soro, ce qui avait été modérément apprécié au Rdr, qui comprenait mal, pour la deuxième fois que Bédié tente de remettre en selle un Soro en difficulté.
L’arrestation de Soul de Soul devrait conduire le Président du Pdci, qui était dans une relation « personnelle » avec Soro, ce qui n’engageait pas son parti, à clarifier sa relation avec le chef du parlement , car l’accusation du procureur contre Soul to Soul est d’une gravité exceptionnelle, puisqu’il s’agit d’une atteinte à la sûreté de l’Etat. La justice semble reprocher à Soul to Soul : a) d’avoir gardé des armes de guerre chez lui b) de préparer, avec ces armes, des actions de déstabilisation.
Soul to Soul pouvait-il agir seul ? Il est évident que l’enquête pourrait mettre clairement en cause Guillaume Soro lui-même, et mélanger bien de plans. Avant cette arrestation de Soul To Soul, Guillaume Soro et les siens donnaient l’impression d’être en position de force, multipliant les attaques sur les réseaux sociaux et dans les médias. Depuis l’éviction de certains cadres proches de Soro, à la suite de la sortie de l’union des Soroïstes, le camp Soro avait poursuivi une logique et une posture de confrontation, entamée depuis 2015, à travers les réseaux sociaux et cette mise en garde : c’est Soro on connaît, après Ouattara c’est Soro ou rien. Une posture contraire à ce que Soro lui-même disait, à savoir qu’il s’en remettait à ce que Bédié et Ouattara décideraient. La persistance de cette posture l’avait même conduit à faire une mise au point, sans que les choses changent. . Certains « snipers » de la Sorosphère ne se privaient pas de donner des coups, pendant que Soro lui-même multipliait les annonces sur le thème du pardon et celui de la réconciliation. Le Congrès du Rdr a montré que la rupture était consommée avec Soro. Avant le Congrès, Alassane Ouattara voulait cependant éviter d’être le premier à prendre l’initiative de la rupture, même s’il se méfiait désormais de Soro et de ses troupes. L’inculpation de Soul to Soul doit se lire comme un message lancé à tous par le pouvoir : finie l’impunité et le sentiment d’intouchabilité pour les uns, qui s’abritaient derrière le bouclier protecteur de la justice des vainqueurs. La justice ivoirienne ne pouvait plus reculer face à ceux qui l’accusaient de faire deux poids deux mesures, tandis que les partisans de Soro ne se privaient pas de la défier, et de brandir leurs forces , laissant entendre que rien ne pouvait être fait contre eux. Face à cela, il fallait prendre acte de la rupture avec Soro, qui semblait pressé de voler ses propres ailes.
Désormais la pression change de camp, avec Guillaume Soro lui-même qui semble être désormais dans le collimateur de la justice ivoirienne, et indirectement d’Alassane Ouattara. Comment Soro peut-il gérer ce rapport de force si la justice ivoirienne lui demande des comptes ? Pour le moment, il semble avoir fait le choix d’un profil bas. Est-ce un signe de sagesse ou de faiblesse, alors que ces dernières semaines, le clan Soro n’a pas fait preuve de sagesse, multipliant les attaques et les menaces aussi bien contre la presse et les journalistes que contre des dirigeants, notamment Hamed Bakayoko et Amadou Gon Coulibaly ? Guillaume Soro ne s’est pas désolidarisé de ces attaques. Une posture qu’il devra de plus en plus assumer à l’aune du message du 6 août dernier du chef de l’État : « tout le monde peut être candidat en 2020 », dans le cadre de la constitution.
Sur la scène politique ivoirienne, plus rien ne sera comme avant. Chacun sera obligé de prendre position sur l’arrestation de Soul to Soul. Les ex-rebelles qui seraient tentés de défendre Soul to Soul et Soro sont-ils encore suffisamment puissants ? La recomposition politique vers les échéances de 2020 est relancée. Peut-elle se faire sans Guillaume Soro ? La question reste posée. Les suites de l’arrestation de Soul to Soul nous réservent-elles quelques surprises ? De mauvaises surprises ou de bonnes surprises. Des ivoiriens sont inquiets, d’autres se veulent optimistes, et notent que l’apocalypse que certains ont annoncer, n’a pas encore eu lieu, sans pour autant prédire de façon péremptoire, que cela n’aura pas lieu ! Chacun semble avoir pris ses précautions, et surtout le pouvoir qui a pris son temps pour agir….Affaire a suivre …
Wakili ALAFÉ
Soul to Soul inculpé et seul face à la justice 5 mois après la découverte de 6 tonnes d’armes de guerre chez lui à Bouaké - Photo à titre d'illustration