Abidjan, commune du Plateau, le quartier des affaires de la capitale économique ivoirienne. Sous le pont Félix Houphouet Boigny reliant cette commune à celle de Treichville, dans la périphérie du quai fruitier, se trouve un lieu d’embarcation de fortune destiné aux pinasses, ces pirogues munies de moteur qui assurent la traversée à nombre d’usagers sur la lagune Ebrié.
En ce lieu, ceux-ci défient la mort au quotidien, au regard de son exiguïté, de la distance entre l’eau et la terre ferme. Aux heures de pointe, à la moindre bousculade, ou suite à un détachement subit de la pinasse du fait d’une corde mal scellée ou qui se rompt parce que très vieille, le pire peut très vite survenir.
Témoignages
« A cet endroit, l’eau est profonde. Des gens tombent par précipitation. Tout récemment quelqu’un voulant emprunter la pinasse a reçu une mauvaise nouvelle. Dans la panique, il s’est retrouvé dans l’eau, il a fallu la réaction des matelots, c’est-à-dire les jeunes qui travaillent sur la pinasse qui savent aussi nager, pour le sortir », confie un conducteur de pinasse, Kouamé Assamoi.
« Depuis que je suis à la pinasse, les personnes qui sont tombés là, ont pu être sauvées, sauf celles qui reçoivent des chocs pendant la chute. C’est la raison pour laquelle, les marins nous ont exigé des bouées de sauvetage », poursuit ce jeune homme, la quarantaine presque.
Dame Kouakou Livia Pauline, usager de la pinasse dit être consciente du danger mais n’a pas autre choix que d’emprunter cet engin qui est régulier et moins coûteux. « C’est certes dangereux, mais la pinasse est moins chère. Elle ne coûte que 150 francs la traversée et c’est plus rapide », confie Mme Kouakou, poursuivant que « le voyage entre Treichville et Abobo-Doumé ne dure que 20 minutes. Le même trajet en bus dure plus longtemps, sans compter que de nombreux embouteillages ralentissent la circulation ».
Ce sont plusieurs fonctionnaires, employés du privé, élèves ou commerçants qui chaque jour défient la mort en descendant ou en empruntant les pinasses sous le pont Félix Houphouët Boigny.
Diango Prisca, responsable de pinasse et trésorière du syndicat des pinassiers, ne dit pas le contraire quant au danger qui guette les usagers, mais selon elle, c’est à l’Etat de leur trouver un endroit moins périlleux.
«C’est dangereux d’embarquer et débarquer à cet endroit. Mais c’est à l’Etat de nous trouver un site moins risqué puisque nous leur reversons des taxes. Dans le temps, nous avions construit un pont de fortune pour palier cela, mais malheureusement, il s’est effondré sous le poids des pinasses », déclare Mme Diango, révélant que l’Etat dans le cadre de la réhabilitation du pont Félix Houphouët Boigny avait promis leur trouver un site pour ne pas entraver le trafic.
L’avis des autorités
A la mairie du plateau, au district d’Abidjan et à la police maritime, les sons sont discordants. Les risques sont reconnus, mais personne ne se sent responsable.
« Je suis intervenu personnellement une fois sur ce fait, mais ces gens-là (les pinassiers) ont tout leur papier au complet et payent des taxes à l’Etat. Nous n’intervenons pas à cet endroit mais vous faites bien d’en parler », déclare le sous-directeur de la régie des recettes, Zongo Abdoulaye, invitant à se référer au district d’Abidjan.
Au District, le lieutenant Tadé Ambroise du service contrôle routier avoue ne pas être informé de ce qui se passe sous le pont. « Je n’emprunte pas la pinasse et aucun parent ne m’a révélé ce fait. Néanmoins en nous informant, nous y allons désormais prêter attention en vue de minimiser les risques », signale-t-il.
A la police maritime dont des locaux sont situés à l’opposé de l’espace périlleux du pont Félix Houphouët Boigny, un agent révèle que les pinasses sont autorisées à accoster à cet endroit, mais sous l’œil vigilant de la police maritime qui suit de près le trafic et intervient par moment en cas de danger.
Photo d'archives à titre d'illustration:DR