Aux yeux de Vladimir Poutine, Donald Trump était celui qui pouvait réconcilier Washington et Moscou. Mais voilà le président russe défié par son homologue américain sur son terrain, la Syrie, où il était le maître du jeu depuis 2015.
Pour Moscou, les frappes américaines contre la base aérienne d'al-Chaaryate ont fait l'effet d'une douche froide: vu de Moscou, Donald Trump devait être plus facile à gérer que Barack Obama, surtout dans le dossier syrien.
Durant sa campagne, M. Trump avait en effet prôné une "normalisation" des relations avec Moscou. De l'avis de certains, il était même l'homme de Moscou, dont certains collaborateurs ont été accusés de collusion avec la Russie. Et il avait assuré que la lutte contre l'organisation de l'Etat islamique serait la priorité de son administration.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, le 27 mars 2017 à Moscou © SERGEI KARPUKHIN POOL/AFP
Vendredi matin le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov résumait la déception des Russes devant ce qu'ils considèrent comme une volte-face: "il est remarquable que ce même président Trump qui, lors de sa campagne électorale, faisait de la lutte contre le terrorisme l'un de ses principaux objectifs (...), fasse exactement le contraire", a insisté Dmitri Peskov.
De l'aveu du porte-parole, les Russes n'ont été prévenus qu'avec deux heures d'avance de l'imminence de ces bombardements, décidés en réponse à l'attaque chimique présumée contre la localité de Khan Cheikhoun imputée par les pays occidentaux à l'armée de Bachar al-Assad.
Dans la foulée, la Russie a très sévèrement condamné ces frappes. Vladimir Poutine a dénoncé une "agression contre un Etat souverain" causant "un préjudice considérable aux relations russo-américaines". Pour la Russie, ces attaques portent par ailleurs un coup "à la lutte contre le terrorisme".
Défense anti-aérienne
Contrôle des territoires des différents belligérants au 7 avril © Thomas SAINT-CRICQ, Sophie RAMIS AFP
Les bombardements soulèvent aussi des questions sur la protection apportée par Moscou à son allié syrien. "La Russie a aidé les Syriens à améliorer leur défense antiaérienne mais il semble que les Américains peuvent facilement s'en défaire", explique à l'AFP l'expert militaire Pavel Felguenhauer.
Le porte-parole de l'armée russe, Igor Konachenkov, a d'ailleurs annoncé que les défenses anti-aériennes de l'armée syrienne seraient "renforcées" après les frappes américaines.
Depuis octobre 2015, la Russie a pourtant déployé sur le sol syrien des batteries de défense anti-aérienne S-300 puis S-400, capables selon Moscou de pouvoir annihiler n'importe quelle attaque aérienne. Mais ces batteries sont restées silencieuses quand les missiles Tomahawk américains se sont abattus sur la base d'al-Chaaryate.
Tillerson à Moscou
L'intervention américaine intervient avant la visite à Moscou du secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson, attendu mardi et mercredi. Mais pour Pavel Felguenhauer, ces frappes ne vont "pas faire échouer" son voyage, ni bouleverser les relations entre Moscou et Washington.
Syrie: Poutine surpris par Trump sur son propre terrain - Photo à titre d'illustration