Deux semaines après le succès historique des dernières manifestations, l'opposition togolaise était à nouveau dans les rues du pays mercredi pour réclamer la démission du président Faure Gnassingbé, héritier d'une famille au pouvoir depuis 50 ans.
L’opposition à nouveau dans la rue. Plusieurs milliers de Togolais se sont rassemblés, mercredi 20 septembre, partout dans les rues du pays à l'appel de l'opposition pour demander le départ du président Faure Gnassingbé.
À Mango, dans l'extrême-nord du pays, un enfant a été tué lors d'une manifestation qui n'avait pas été autorisée, selon une source proche de la présidence qui met en cause un parti d'opposition. Une ONG togolaise proche de l'opposition, les Observateurs des droits de l'Homme, a assuré que les forces de l'ordre avaient ouvert le feu sur des manifestants et procédé à de nombreuses arrestations.
"Nous irons jusqu'au bout de la lutte"
Dans la capitale, plusieurs milliers de manifestants ont répondu à la demande de l'opposition de ne pas lâcher la pression sur le pouvoir après les marches historiques des 6 et 7 septembre, qui avaient rassemblé plus de 100 000 personnes.
"Les gens pensent que nous seront fatigués. Mais ils se trompent. Nous irons jusqu'au bout de la lutte", a proclamé en fin de journée le chef de file de l'opposition Jean-Pierre Fabre, appelant à de nouvelles mobilisations populaires les 26, 27 et 28 septembre, alors que des manifestations sont déjà prévues jeudi.
Dans la foule se dressaient des pancartes portant les inscriptions : "Faure Must Go" (Faure doit partir, NDLR) ou encore "Libérez mon pays, 50 ans, ça suffit".
"On n'est pas des jihadistes, on n'est pas des rebelles"
Selon l'équipe de l'AFP sur place, les gendarmes et des militaires, sur des pick-ups équipés de mitrailleuses lourdes, encadraient la marche. Les communications par messagerie mobile ainsi que l'utilisation de la 3G étaient quasiment impossibles. "On n'est pas des jihadistes, on n'est pas des rebelles", se défendait Abdallah, 42 ans, partisan du Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam, l'un des leaders les plus radicaux du mouvement. "On veut juste la démocratie, on est fatigués."
Le chef de file du PNP, nouveau parti de l'opposition, a réussi à se construire une forte base populaire, notamment issue du centre et du nord du pays, à majorité musulmane, historiquement attachée au pouvoir en place.
"Simulacre de plénière"
Le gouvernement avait tenté d'apaiser la crise socio-politique en proposant une révision de la Constitution, et notamment de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, mais les députés de l'opposition ont boycotté le vote en bloc mardi à l'Assemblée nationale, dénonçant un "simulacre de plénière" par la voix de leur porte-parole Éric Dupuy.
L'opposition refuse en l'état le texte, qui n'applique pas la rétroactivité de la mesure, et qui permettrait au président Faure Gnassingbé, hériter d'une famille au pouvoir au Togo depuis 50 ans et lui-même à la tête du pays depuis 2005, de se représenter en 2020 et en 2025.
N'ayant pas obtenu la majorité des voix nécessaires au Parlement, le projet de révision sera proposé au peuple togolais par referendum "dans les prochains mois", selon un membre du gouvernement.
Le pouvoir brouille les pistes
De son côté, le parti présidentiel, l'Union pour la République (Unir), a décidé lui aussi d'appeler ses militants à manifester, une décision jugée "irresponsable" par Nathaniel Olympio, un des chefs de file de l'opposition.
"C'est une stratégie pour brouiller la manifestation de l'opposition", analysait Comi Toulabor, directeur de recherche au Lam (Les Afriques dans le Monde) à l'Institut d'études politiques de Bordeaux. "C'est très amateur et dangereux dans un contexte actuel explosif, mais cela démontre que le parti n'est pas prêt à lâcher."
Un millier de militants de l'Unir se sont rassemblés sur la plage de Lomé, dans une ambiance calme, certains assis à l'ombre des palmiers.
Avec AFP
© Matteo Koffi Fraschini, AFP | Des manifestants de l'opposition, le 20 septembre 2017, à Lomé.