Transaction financière : Pourquoi les Ivoiriens préfèrent les Mobiles Money au détriment des banques ? 

  • 02/12/2016
  • Source : Lebabi.net
En Côte d’Ivoire, seul un épargnant sur huit choisit de placer ses économies dans une banque ou un établissement financier, ce qui représente un taux presque deux fois inférieur à celui observé sur le continent et presque trois fois au-dessous de la moyenne dans les pays à bas revenus.

C’est ce qui ressort du rapport de  la Banque Mondiale publié en juillet 2016, intitulé ‘’La Course vers l’Emergence, pourquoi la Côte d’Ivoire doit ajuster son système financier’’. Une situation désavantageuse pour le système bancaire  ivoirien qui peine à s’améliorer au fil des années plus que le taux  d’abonné aux Mobiles Money ne fait qu’augmenter avoisinant les 8 millions en moins de 6 ans d’existence.  

Moins de 6 ans après son arrivée en Côte d’Ivoire, le Mobile Money s’impose comme l’un des moyens de transactions financières les plus utilisés par les populations. En effet, la plupart les populations s’orientent vers les ''Mobiles Money'' pour de multiples raisons. D'abord parce qu'ils sont plus pratiques avec moins de procédures que dans les banques où les formalités sont jugées  trop longues. « C’est plus facile d’avoir un compte ‘’Mobile Money’’.

Car je fais des transactions financières simplement. Présentement si j’ai besoin d’argent, je me rends juste à l’agence la plus proche pour faire un retrait rapide », a souligné Djédjé Théophile, étudiant en 3ième année de licence d’Histoire.

« C’est plus rapide et pratique. Les agences sont à proximité de nos habitations. Cela permet à des personnes qui ont un revenu moyen, de le conserver  dans un endroit sécurisé autre que la banque », a renchéri Abigail Koné, commerciale dans une entreprise de la place.

Puis d’ajouter : «  Lorsque tu vas dans une banque, il y a des horaires d’ouverture et de fermeture qui ne nous arrange pas. Ils ferment à 15heures alors que dans certains quartiers, les ‘’Mobiles Money’’ ferment à 22heures ». ‘’le Mobile Money’’ implique d'avoir un terminal mobile ce qui est presqu'à la portée de tous, même des analphabètes et illettrés qui sont moins complexés de faire leur transaction avec un outil qui est constamment à leur portée et qu'ils maîtrisent d'une façon ou d'une autre. Ouédraogo Hamed, commerçant illettré est de cet avis.

Dans un Français approximatif, celui-ci a confié que les banques sont complexes lorsqu’il s’agit de débiter de l’argent sur son compte : «  Moi, je ne mets  plus l’argent sur mon compte en banque. Quand tu veux faire un retrait, les agents de la banque te réclament  des papiers que toi-même tu ne connais pas ».

L’autre point fort qui explique la réticence des populations fasse aux banques est que les points d’accès mobiles sont vulgarisés. « Vous vous rendrez dans certaines localités où les commodités sécuritaires font défaut pour l'installation d'une banque, vous trouverez néanmoins des points de ‘’Mobile Money’’ avec un interlocuteur qui parle peut-être la même langue que le client qui vient retirer son argent.

Autrement dit, la vulgarisation, l'interactivité et la simplicité des ‘’Mobiles Money’’ font que les clients préfèrent cette interface de ''Mobile banking'' qui leur ressemble », a dévoilé Kéné Yaine, chroniqueur.

Une réticence psychologique et culturelle 

Pour Docteur Kouamé Seraphin, psychologue, la réticence des Ivoiriens se situe au niveau cognitif : « Tout est une question d’approche. La plus part des gens se disent que les banques sont pour les gens riches et aisés. Ce qui est faux. Ils ont un problème de perception des établissements financiers. On leur a dit dans le passé que les banques sont difficiles. C’est ce qui les hante l’esprit. Ils ont une mauvaise image des banques.

Ce sont tous ces stéréotypes qui créent un blocage dans leur esprit ». Le manque d’engouement des populations pour les banques s’identifie également au niveau de la culture. « Vraisemblablement, les Ivoiriens n’ont pas la culture des banques (…) Nos parents  gardaient les bénéfices des commerces au bout  des pagnes (...) Ils préféraient même réinvestir en faisant des tontines ou enterrer  le revenu», a poursuivi le psychologue qui souhaite qu’une communication des banques soient mise en place pour changer cette mauvaise  image qu’on les attribue. 

La précarité du salaire, un autre facteur

Certains experts pensent qu’il faut remonter plus loin pour comprendre la méfiance  des populations vis-à-vis des institutions financières. La précarité des salaires ne favorisent pas l’épargne, selon eux. M Adjoumani Yao, banquier soutien cette thèse : «  Nombreux sont les  Ivoiriens qui  ne sont pas payés à la fin des mois.

Parmi ces derniers, la plupart sont payés en monnaie de singe. Ce qui naturellement ne favorise pas l’épargne. Ils  ne peuvent pas garder de l’argent parce qu’ils n’ont pas un salaire ponctuel et fixe ». De l’avis du banquier, si l’Etat veut relever son système bancaire, il doit créer un cadre propice à l’épargne. Dans le cas contraire son système banquier déjà mal en point, à l’image des pays de la sous-région, connaitra une descente catastrophique. 

Les frais d’entretien de compte  

L’un des facteurs des plus décriés des populations est le prélèvement des banques sur les épargnes des clients. Ces prélèvements  appelés également frais d’entretien dépendent des types de compte. Pour un compte épargne,  ils varient entre 2000 FCFA  et  3500FCFA par mois. Les associations, ONG et entreprises personnelles, payent entre  4000 FCFA et 12000FCFA par mois. Les SARL, SAS et SA déversent à la banque entre 13000FCFA et 25000 par mois.

Rappelons que c’est en s’appuyant sur les conditions tarifaires de 5 banques ivoiriennes que nous avons pu avoir ces données.  Par contre, les Mobiles Money ne prélèvent aucun frais sur les comptes. Sauf au retrait  que l’agence prélève entre 3% et 7 %. En outre, le minimum d’un retrait dans une banque est de 5000FCFA  alors qu’avec les Mobiles Money l’on peut retirer 500FCFA  au minimum.

MB