Longues files d’attente, bousculades à l’arrivée inespérée d’un autobus, surenchère des prix par les minicars communément appelés « gbakas » et des taxis intercommunaux « wôrrô wôrrô ».
Ces scènes sont devenues quotidiennes pour les Abidjanais qui ont fini par se consoler avec la célèbre expression « on va faire comment », traduisant l’incapacité à faire autrement et l’espoir de voir les choses changer.
Un calvaire qui perdure depuis une décennie, dans un contexte où la Société des transports abidjanais (SOTRA), principal opérateur du transport urbain de la ville, ne possède presque plus d’autobus. Comment en est-on arrivé là ? À quand la sortie du tunnel ? Les Ivoiriens s’interrogent.
Le grand Abidjan est attendu avec ses ponts, ses deux lignes de métro et 5 000 bus. Pour l’heure, de ce rêve à la réalité, le fossé reste grand. Même si les gouvernants qui se succèdent affichent une réelle volonté de décharger les Abidjanais du calvaire du transport, on semble faire du surplace.
Se déplacer, surtout aux heures de pointe, relève du parcours du combattant. Voir des personnes parcourir des kilomètres à pied ou faire de l’auto-stop pour aller en cours ou au travail fait partie du quotidien de la capitale économique ivoirienne.
Une situation qui va de mal en pis, d’autant plus que la gare sud (Plateau) de la Société des transports Abidjanais (SOTRA) a dû fermer pour manque de bus, privant ainsi les usagers de la zone sud (Treichville, Marcory, Koumassi et Port-Bouet) de moyens de transports à coût réduit, et causant des désagréments aux populations des communes nord (Abobo) et ouest (Yopougon), qui représentent ensemble plus de la moitié de la population abidjanaise.
Au ban des accusés Quand on parle de difficultés de transport urbain, les premiers regards accusateurs se tournent vers la SOTRA. Depuis 1960, c’est la seule compagnie, subventionnée par l’État, qui assure le transport des usagers à Abidjan.
Pourtant, déjà en 1998, les études réalisées pour ce secteur avaient conclu à l’insuffisance des moyens de transport urbain pour faire face à la demande croissante des populations. Annoncée en grande pompe à cette période pour renforcer l’offre, la Société des transports urbains (SOTU) est restée au stade de projet, voire rangée aux oubliettes.
Forte de 1 200 autobus à la fin des années 90, la SOTRA compte moins de 400 à ce jour. Si au niveau de la compagnie, le directeur general, Bouaké Méité, juge la situation « préoccupante », il annonce, pour la fin mars 2017, l’acquisition et « la mise en circulation effective de 500 nouveaux autobus, premier lot d’un programme présidentiel d’acquisition de 2 000 autobus à l’horizon 2020. »
Selon M. Meité, la situation actuelle est liée au fait que dans l’urgence, dès 2012 et 2013, il a été procédé à l’acquisition d’autobus d’occasion. « La mise au rebus d’une partie de ce matériel, dont l’obsolescence était programmée, s’est malheureusement faite en décalage avec l’acquisition du matériel neuf de remplacement », explique-t-il.
Il reste toutefois optimiste et affirme que bientôt « la SOTRA retrouvera la plénitude de ses capacités opérationnelles pour le bonheur des populations abidjanaises. » En attendant, les élèves et étudiants plus exposés aux difficultés, devront prendre leur mal en patience. Et surtout espérer que cette fois soit la bonne.
La surenchère au rendez-vous Courant septembre 2016, Gaoussou Touré, alors ministre des Transports, annonçait une baisse du coût des transports. Il n’en fut rien. Face aux embouteillages et aux longues files d’attente, notamment aux heures de pointe, les transporteurs avaient fait la sourde oreille. Pis, les prix sont souvent passés du simple au double, et parfois au triple, aux heures de grande affluence sur certaines lignes, alors que le secteur a été déserté par la régulation depuis longtemps.
« Il y a les embouteillages et nous devons faire nos recettes journalières », aiment à dire les conducteurs des minicars « gbakas » et des taxis intercommunaux. Une situation aggravée par un désordre indescriptible occasionné par des syndicats appelés « Gnambro », qui en profitent pour imposer des taxes aux conducteurs. Le tout dans un climat d’insécurité où des pickpockets rodent autour des gares routières.
Du coup, les usagers, plus préoccupés par leurs biens et la recherche d’un hypothétique moyen de déplacement, ne prêtent plus attention à l’état des véhicules qui se présentent. « Pourvu que le moteur tourne et que nous arrivions à bon port », nous a lancé un usager désarmé, impuissant et habitué de ce décor.
Projets d’avenir Au ministère des Transports, on reste pourtant optimiste et on voit l’avenir en grand. Gaoussou Touré, l’ex-chef de ce département, pariait sur « une exploitation optimale » du plan d’eau lagunaire, la construction de nouveaux ponts et la mise en route du métro d’Abidjan.
Les deux sociétés de transport lagunaire, qui s’apprêtent à entrer en scène, devraient quotidiennement transporter 215 000 voyageurs à partir de début mars, à en croire leurs promoteurs. Le métro d’Abidjan, prévu pour 2020, transportera, selon les estimations du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD) 300 000 voyageurs quotidien.
Mais avec une population abidjanaise sans cesse croissante, 3 millions en 1990 et 5 millions en 2015, ces deux nouveaux moyens de transport devront revoir leur capacité d’accueil. Si on estime à un peu plus de 3 millions le nombre d’Abidjanais qui se déplacent chaque jour en transport commun (selon les chiffres du ministère de tutelle), il faudrait une véritable conjugaison des efforts des différents acteurs du transport urbain pour soulager les usagers.
La construction annoncée du pont entre la commune de Yopougon et celle du Plateau, passant par la commune d’Attécoubé, de même que celui qui devrait relier la commune de Bingerville à celle de Port-Bouët, devraient également réduire considérablement les embouteillages et désengorger les principales voies qui, sous le coup de la surexploitation, se dégradent à grande vitesse.
Pour l’heure, le nouveau ministre des Transports, Amadou Koné, fraichement installé dans ses fonctions, réfléchirait à des mesures pour mettre fin aux désordres. Un pari d’envergure qui, s’il est atteint, soulagera les usagers Abidjanais. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il ne s’agit pas d’un travail de Sisyphe.
Ouakaltio OUATTARA
Longues files d’attente, bousculades à l’arrivée inespérée d’un autobus, surenchère des prix par les minicars communément appelés « gbakas » et des taxis intercommunaux « wôrrô wôrrô ».