La Côte d’Ivoire est confrontée depuis début janvier à des mouvements d’humeur de militaires qui réclament une amélioration de leurs conditions de vie. Urbi&Orbi Africa est allé à la rencontre de l’aumônerie militaire catholique.
Abidjan, samedi 7 janvier, 19 heures. Les rues d’ordinaire bruyantes sont désertes. Les rares passants pressent le pas pour ne pas rater les derniers moyens de transport en commun. Quelques heures plus tôt, des tirs ont été entendus à la base militaire d’Akouedo, signes du mécontentement des militaires. « On n’est pas l’abri d’une balle perdue », commente Ali chauffeur de taxi, « On ne sait jamais, les choses peuvent dégénérer. Eux, ils sont armés, nous pas ». Comme Ali, les habitants d’Abidjan, et plus largement d’une partie de la Côte d’Ivoire, restent sur le qui-vive.
L’aumônier militaire du diocèse d’Abidjan est bien conscient de cette situation. « La Côte d’Ivoire n’avait jamais connu de crise avant 1990. Il y a donc un énorme traumatisme de la population lié aux crises successives, constate le P. Saint Clair Oble. L’Église essaie, à travers l’aumônerie, d’aider les militaires et gendarmes à désamorcer la phobie des populations envers les hommes d’armes. »
Les souvenirs des crises qui ont déchiré le pays ces dernières années sont encore vifs. Le pays a connu une décennie de crise politico-militaire, marquée par une partition entre le Nord aux mains d’une rébellion et le Sud contrôlé par le camp de l’ex-président Laurent Gbagbo (au pouvoir entre 2000 et 2011). Cette période troublée a culminé avec la crise post-électorale de 2010-2011. Les violences avaient fait plus de 3 000 morts en cinq mois.
Paul est gendarme depuis plus de 34 ans. Il participe activement à l’aumônerie militaire depuis 2007. « Nous devons poser des actes concrets pour que les populations aient confiance », explique-t-il. « Le gendarme, le militaire, doit assurer la sécurité des personnes et des biens. Si les gens ont peur de nous, c’est que nous avons failli à notre mission. C’est pourquoi lors de nos rassemblements à l’aumônerie, nous invitons l’ensemble de la population à aussi participer. »
Jules, gendarme depuis 20 ans, estime que « l’aumônerie, rien que par sa présence dans les paroisses, rassure les populations. » Il ajoute : « Elles se disent : ‘les militaires prient, donc nous pouvons leur faire confiance’». Cela permet aussi aux militaires, souligne le jeune gendarme, « d’avoir une certaine éthique dans l’exercice de leur fonction ».
Le P. Saint-Clair Oble abonde dans le même sens : « l’aumônerie essaie d’inculquer un certain langage, un certain comportement aux militaires ou gendarmes, pour que la population ne voie plus seulement les canons de fusils braqués sur elle. Mais qu’elle comprenne que l’homme en arme est un allié et non un ennemi. Le militaire peut aussi utiliser ses attributs religieux pour rassurer »...
Photo:Lucie Sarr / Urbi&Orbi Africa / Le P. Donatien Akman (à dr.), aumônier national des militaires depuis 2011