Un ressortissant ivoirien a porté plainte pour discrimination à l’embauche. L’entreprise mise en cause nie farouchement. Les deux versions de l’histoire s’opposent.
Jean-Claude Z. ira jusqu’au bout. Quitte à saisir la Halde, SOS Racisme ou l’ambassade de la Côte d’Ivoire en France si nécessaire. Hier après-midi, ce trentenaire d’origine ivoirienne, marié à une Française, père de cinq enfants et en situation régulière en France depuis une dizaine d’années, a porté plainte. Il s’est rendu au commissariat de Cognac pour dénoncer ce qu’il considère être de la discrimination en raison de l’origine, l’ethnie ou la nationalité et un refus d’embauche.
La société visée : Service triage manutention (STM), installée dans la zone industrielle de Montplaisir. Lundi, alors qu’il postulait pour un être manutentionnaire, Christel Mornet, responsable d’atelier, lui aurait répondu : « Ici Monsieur, on n’embauche que des Français. »
Selon l’intéressée, mais aussi Yvan Blondet, le gérant de l’entreprise, et Sylvie Denis, la secrétaire de direction de STM, cette petite phrase si violente, si lourde de conséquences, n’aurait jamais été prononcée.
Une manifestation
Bien embêté et soucieux de conserver son anonymat et sa tranquillité, Jean-Claude Z. s’est rapproché d’Idrissa Badji, le président d’Action pour le développement intégré et la formation (Adif). C’est lui qui l’a convaincu de porter plainte.
Hier après-midi, le président de l’Adif a stoppé tout net ses travaux sur les droits de l’Homme. Armé d’une vingtaine de jeunes de toutes nationalités confondues, il est allé manifester sous les fenêtres de STM. « L’entreprise maquille les choses, c’est du racisme subtil. Jean-Claude Z. était perdu, seul face à une grosse société. Nous lui avons mis un avocat à disposition. C’est pour défendre tout ça que nous avons organisé cette opération coup-de-poing. »
Pour Idrissa Badji, il ne fait aucun doute que la société est coutumière de la discrimination à l’embauche. « Je connais plusieurs personnes de couleur qui ont subi le même accueil. »
Hier, en début d’après-midi, un peu avant la manifestation, Christel Mornet, seule et fébrile, confiait à « Sud Ouest » avoir « sans doute été maladroite » lorsqu’elle a reçu Jean-Claude Z., lundi. « Je lui présente mes excuses. Cette histoire me rend malade », a-t-elle ajouté, avant que son patron, Yvan Blondet, n’intervienne et mette fin à la discussion.
Vers 17 h 30, le gérant de STM a convoqué la presse. Tableaux des effectifs à l’appui, Yvan Blondet, entouré de Christel Mornet et Sylvie Denis, voulait prouver que l’entreprise embauche et fait travailler des personnes de toutes nationalités. « Regardez, c’est écrit. Sur nos 70 employés, nous avons des Marocains, des Espagnols, des Ivoiriens aussi. D’ailleurs, ce Monsieur Z. ne nous a jamais présenté sa carte de séjour. »
Alors pourquoi Jean-Claude Z. aurait-il inventé cette histoire ? « Il pensait qu’on embauchait comme ça, qu’il suffisait de se présenter certainement, explique Christel Mornet. Lorsque j’ai ressorti son CV lundi, j’ai vu qu’il était de nationalité ivoirienne. Je lui ai répondu que je devais voir avec ma direction parce que je ne sais pas ce qui est prévu pour ceux qui ne sont pas Français. Personnellement, je n’avais jamais été confrontée à cette situation. Il a mal interprété mes paroles. Et puis, vous savez, maintenant les gens inventent plein d’histoires pour toucher de l’argent. »
Diffamation ?
Christel Mornet et Sylvie Denis n’en restent pas là et assurent que Jean-Claude Z. s’est montré agressif, notamment envers une employée, mardi soir. « Il était là devant les grilles de l’entreprise. Il l’a interpellée et lui a crié que nous étions racistes. »
De son côté, Jean-Claude Z. ne veut pas faire l’amalgame et rappelle qu’il n’a pas été victime de racisme mais de discrimination. « J’ai beaucoup hésité à poursuivre ATM en justice. Je suis à la recherche d’un travail, j’ai des enfants à nourrir. J’avais peur de me fermer des portes dans d’autres entreprises. Finalement, je ne regrette rien. Il ne faut pas laisser passer ce genre de choses. »
Yvan Blondet, quant à lui, a pris connaissance de la plainte déposée contre son entreprise. « Nous nous défendrons et nous l’attaquerons peut-être à notre tour pour diffamation. »
SOPHIE CARBONNEL
s.carbonnel@sudouest.fr
Un Ivoirien attaque une société en France pour discrimination. - Photo à titre d'illustration