“Un pouvoir qui s’installe dans la violence et bâti sur le sang est forcément maudit», Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien en tournée à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, ne croyait pas si bien dire devant les populations de Kouibly pour qualifier le passage de son propre parti et de son mentor, Laurent Gbagbo, à la tête de l’Etat de Côte d’Ivoire.
C’est un lieu commun d’affirmer que c’est en enjambant les corps de ses compatriotes qui jonchaient les rues d’Abidjan et des villes de l’intérieur que le candidat du FPI qui, disputait la victoire à son rival de l’élection présidentielle du 22 octobre 2000, le défunt général Robert Guei, s’est installé au palais présidentiel le 26 octobre 2000.
En effet, les Ivoiriens ont encore en mémoire ce jeudi noir où des nombreux fils du pays ont péri dans les affrontements violents entre les partisans du candidat du FPI et les militants du Rassemblement des républicains (RDR) qui réclamaient la reprise des élections après la chute de la junte militaire. Et le regard dans le rétroviseur de l’histoire recente de la Côte d’Ivoire montre bien que c’est dans la violence et dans le sang que l’ancien homme fort d’Abidjan a prêté serment à la tombée de la nuit, dans un palais présidentiel, théâtre la veille d'une violente confrontation entre les manifestants réclamant le départ du général Gueï, et des membres de la garde présidentielle.
Quelques heures à peine avant la prestation du leader du FPI, un cadavre calciné gisait encore devant les bâtiments officiels et la ville, entièrement vide, offrait encore un spectacle de champs de bataille. A San Pedro, à Bouaké et dans plusieurs autres agglomérations du pays, la situation était similaire et dès la mi-journée, on parlait déjà de plusieurs dizaines de morts et centaines de blessés. De nombreux lieux de cultes ont par ailleurs été brûlés. Cette situation chaotique dans laquelle il s’est installé au sommet de l’Etat n’a pas échappé au chef des frontistes dans sa première adresse au peuple en tant que chef de l’Etat.
«La Côte d'Ivoire ne ressemble pas à celle que j'ai connue durant mon enfance. Des bagarres, des morts pour rien», a déploré un Laurent Gbagbo fraichement assis dans le fauteuil présidentiel. Ainsi commença une page sombre de l’histoire de la Côte d’Ivoire écrite en lettres de sangs, de larmes, de tortures, d’assassinats crapuleux, de massacres à grande échelle des manifestations de l’opposition. Pris dans la violence et dans le sang des Ivoiriens, le pouvoir des professeurs a à son actif des montages de morts.
On peut le dire, suivant la thèse du président du parti bleu, c’est dans la malédiction totale que l’ex-chef de l’Etat a exercé son pouvoir pendant 10 ans. Le ton de la violence meurtrière qui s’est emparée de la Côte d’Ivoire avec l’avènement des refondateurs aux affaires a été donné juste après un jour, soit le 27 octobre 2000, avec l’horrible découverte du charnier de Yopougon. 57 corps entassés derrière la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA), l’image insoutenable de l’horreur a fait le tour du monde et a jeté l’émoi au sein de la nation ivoirienne.
La violence et surtout le mépris pour la vie humaine avaient ainsi pris des proportions insoupçonnées en Côte d’Ivoire. Et le sang ne s’est plus arrêté de couler. Durant dix ans de règne, le chef de file des Frontistes et sa soldatesque ont versé le sang des Ivoiriens de façon abondante. Le chapelet des crimes, des massacres, des carnages est si long qu’il serait imprudent de vouloir l’égrener en entier. Combien d’Ivoiriens sont tombés sous les balles assassines d’une armée aux ordres et des nombreuses milices tribales mises en place par l’ancien pourvoir? Bien malin, celui qui pourra répondre à cette interrogation avec exactitude. C’est un secret de polichinelle, la marche de l’ex-pouvoir a été cadencée de répressions sauvages de manifestations, d’assassinats et de crimes.
Les victimes des barbaries avaient pour seul tort de ne pas associer leurs voix à l’hymne de la refondation. Après avoir précipité la Côte d’Ivoire dans la guerre, le FPI, tel un vampire ne se nourrissait que du sang des Ivoiriens. Les escadrons de la mort, la boucherie humaine de mars 2004 où selon les chiffres officiels 120 manifestants du RHDP ont été lâchement tués sans compter les nombreux morts de la douloureuse crise postélectorale préparée et voulue par les anciens dirigeants de la Côte d’Ivoire sont là pour attester le caractère maléfique du régime du prisonnier de La Haye. On le voit, le pouvoir de Laurent Gbagbo a été installé et bâti dans le sang. C’était donc un pouvoir maudit, selon les propres termes d’Affi N’guessan.
Lacina Ouattara
Violations massives des droits de l’homme sous le régime FPI : Affi N’guessan reconnait que le pouvoir de Gbagbo était maudit - Photo à titre d'illustration