Le président ivoirien Alassane Ouattara a séjourné du 25 au 29 novembre dans la région du Gbêkê, dans le cadre d’une visite d’Etat. Si dans les régions précédentes le discours du chef de l’Etat obéissait à celui d’une visite d’Etat, celui de la région du Gbêkê par contre en était assez loin.
Le chef de l’Etat, a tout au long de son périple, qui l’a conduit respectivement à Sakassou, Botro, Béoumi et Bouaké, prêché en apôtre du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Là, où nombreux attendaient du président ivoirien qu’il pose des actes ou tienne des discours allant dans le sens de la réconciliation, et de l’apaisement, Alassane Ouattara s’est plutôt contenté de faire l’éloge de l’alliance RHDP, au pouvoir. Assimilant (maladroitement) le peuple Baoulé au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), à qui son président Henri Konan Bédié avait donné des consignes de vote pour le second tour de la présidentielle, en faveur du candidat du Rassemblement des Républicains (RDR, qui s’avérait à cette époque être Alassane Ouattara).
Il reste indéniable et incontestable que beaucoup d’efforts ont été faits pour doter la région d’infrastructures socio-économiques (routes, centres de santé, écoles, usine de distribution d’eau, université) construites ou réhabilitées. Mais l’essentiel pour les populations de cette région, qui aux dires du président lui-même, ont beaucoup souffert des affres de la longue crise militaro-politique, quoi de plus important que recoudre le tissu social durement fragilisé. Alassane Ouattara, en lieu et place d’être laudateur de l’alliance RHDP et de remercier à n’en point finir le peuple Baoulé pour son élection (toute chose qui reste mathématiquement a prouver) avait ici l’occasion de rapprocher « LMPistes » et « RHDPistes », non seulement de la région du Gbêkê, mais de toute la nation. Ce d’autant plus que la visite est retransmise à la télé d’Etat.
Bouaké, fief de l’ex-rébellion dirigée par l’actuel président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, attendait d’être à l’instar de Duékoué, des villes symboles d’une Côte d’Ivoire renaissante. Au lieu de cela, « c’est un Ouattara en campagne », pouvait-on entendre de la bouche de certains observateurs. Cette pensée a été suscitée par les propos du chef de l’Etat ivoirien. « On ne change pas une équipe qui gagne. Et l’équipe Alassane Ouattara avec le RHDP est une équipe qui gagne. Mobilisez vous pour que cette équipe soit reconduite en 2015 », a déclaré Alassane Ouattara, à chaque étape de sa visite.
Les sorties du chef de l’Etat ivoirien au cours de cette visite d’Etat, auront surpris plus d’un. Pour cause, Alassane Ouattara d’habitude très modéré, s’est parfois laissé aller à des déclarations, on ne peut moins surprenantes, voire inhabituelles. « Je suis venu ici répondre à un devoir de gratitude pour avoir voter massivement pour moi lors des élections », a lancé le président ivoirien du haut de la tribune au stade de Bouaké. Mais Ouattara ira encore plus loin quand répondant à la question d’un journaliste pendant la conférence de presse clôturant sa visite, il va déclarer : « les jeunes gens ont choisi de prendre les armes, ce sur quoi je ne suis pas d’accord, et sont rentrés dans un processus qui nous a débarrassé d’un tyran ».
Dans la lancée, il rendra hommage sans discontinuer au président du PDCI, Henri Konan Bédié, sur qui il « compte pour la réalisation des objectifs », qu’il s’est fixé. Alassane Ouattara dans sa volonté de « courtiser » le peuple Baoulé, peuple autochtone de la région du Gbêkê, insistera. « Je suis fière du peuple Baoulé ».
A vingt quatre mois de la présidentielle de 2015, Alassane Ouattara aurait-il décidé d’entrer en campagne, en descendant dans l'arène. Pour bon nombres d'observateurs, cette "visite d'Etat" n'aura pas contribué à accélerer le processus de réconciliation "si cher" au chef de l'Etat.
Elisée Bolougbeu
Visite d’Etat dans le Gbêkê : et si Ouattara avait divisé plus que rassemblé ? - Photo à titre d'illustration