Le gouvernement ivoirien vient de se signaler une fois de plus par une incohérence qui en dit long sur sa gestion de la réconciliation promise à au peuple de Côte d'Ivoire. Si l'on s'en tient au discours officiel, l'on peut dire que le cap de la réconciliation n'est pas loin.
Mais dans la pratique, un hiatus existe entre ce discours dont le maître mot est l'apaisement et certains actes posés par le gouvernement en direction notamment du Front populaire ivoirien. (FPI)
Cet empêchement illustre les Tango du pouvoir ivoirien
La visite empêchée de Affi N'Guessan à l'épouse de Laurent Gbagbo, détenue à Odienné depuis la fin de la crise post-électorale, est un de ces actes. Cet empêchement qui émanerait, dit-on de l'édile de la ville et qui serait motivé par des raisons de sécurité, illustre à suffisance les Tango que le pouvoir ivoirien exécute à propos de la résolution de la problématique de la réconciliation nationale.
Le gouvernement ivoirien, en effet, en élargissant certains ténors du FPI et en leur restituant leurs biens, avait fait un pas important vers l'apaisement. Malheureusement, le fait de n'avoir pas pris toutes les dispositions pour permettre aux camarades de Simone Gbagbo de lui rendre visite à Odienné, peut être perçu comme deux pas en arrière sur le chemin rocailleux de la réconciliation sur lequel Alassane Ouattara s'est engagé depuis la fin de la crise post-électorale.
Le président ivoirien aurait certainement fait preuve de grandeur, s'il avait contribué à faciliter la mission de la délégation du FPI dans cette partie du territoire ivoirien censée être un des bastions inexpugnables du RDR, son parti, pour plusieurs raisons.
D'abord, il aurait coupé l'herbe sous les pieds des va-t'en guerre de la direction du FPI qui pourraient être tentés de brandir cette visite avortée pour démontrer aux ivoiriens et au monde que la politique de la main tendue du pouvoir aux pro-Gbagbo est un véritable jeu de dupes. Et ils pourraient ne pas avoir tort parce qu'ADO vient, par cette visite manquée dont la responsabilité incombe au gouvernement au premier chef, de donner des arguments pour soutenir cette thèse.
Ensuite, le rendez-vous manqué du FPI avec le personnage qui symbolise le plus l'enfant terrible de Mama, peut avoir l'inconvénient de raviver les clivages ethno-régionalistes en RCI. Le fait d'empêcher des pro-Gbagbo du Nord peuplé essentiellement de Malinkés, peut donner le sentiment à certains militants du FPI qu'ils sont frappés d'ostracisme dans cette partie du territoire ivoirien où le simple fait de ne pas être un militant du RDR est un crime qui doit être puni par un bannissement.
Ce genre de sentiment qui peut avoir un écho à l'Ouest du pays, pourrait remettre à l'ordre du jour le funeste concept de « l'Ivoirité » avec son cortège de clichés, de délits de faciès et de patronymes qui ont fait beaucoup de mal à la Côte d'Ivoire.
Une entorse dommageable à la réconciliation a été faite
Enfin, le rendez-vous manqué d'Odienné peut donner l'impression d'un cafouillage au sommet de l'Etat ivoirien. L'argumentaire développé par le gouvernement selon lequel ce sont les autorités municipales d'Odienné qui auraient pris la décision d'interdire la visite de la délégation du FPI à l'ex- première dame ne tient pas la route. En effet, l'Etat de Côte d'Ivoire, dont fait partie la ville d'Odienné, a tous les moyens pour sécuriser Affi N'Guessan et ses camarades.
Les pro-Gbagbo en particulier et les ivoiriens en général ont droit à la protection de l'Etat ivoirien pour vaquer librement à leurs activités sur l'ensemble du territoire et ce n'est pas un simple arrêté municipal qui peut venir remettre en cause ce principe qui est inscrit dans la Constitution ivoirienne. L'on aurait peut être compris le gouvernement, s'il avait signifié cette interdiction à la délégation du FPI pendant qu'elle était encore Abidjan.
A présent, fort est de constater qu'une entorse a été faite à ce principe dont la non-observation est dommageable non seulement à la réconciliation mais aussi à l'exercice de la démocratie.
Cela dit, Alassane Ouattara doit assumer jusqu'au bout la difficile option de la réconciliation qu'il a prise depuis la fin de la crise post-électorale. Ce choix exige qu'il déverrouille totalement l'espace politique. Son meilleur argument pour contrer le FPI devrait être son bilan. En attendant, l'on peut avoir envie de dire que la visite avortée du FPI à Simone Gbagbo est une maladresse qui profite au parti de l'illustre pensionnaire de la CPI, Laurent Gbagbo.
Pousdem PICKOU
Photo d'Archives / Simone Gbagbo, ex-première dame entourée par ses proches