La zone industrielle de Yopougon tend à devenir le sanctuaire des contrebandiers qui braquent des camions transportant les produits agricoles. Ces bandits travailleraient de mèche avec certains agents véreux des forces de l’ordre…
Dans la nuit du mardi 11 avril, un camion transportant plus de 42 tonnes de noix de cajou, en provenance de Bondoukou (à l’Est du pays), a été braqué par six individus armés, portant des tenues civiles.
Selon les informations en notre possession, le chauffeur et son apprenti qui transportaient la cargaison d’une valeur de plus de 38 millions de FCFA ont été contraints de suivre les instructions des bandits. Ceux-ci, au dire de l’officier de la Police Judiciaire (PJ) en charge de l’enquête, ont procédé par diversion. Ils se sont fait passer pour des travailleurs de la zone industrielle de Yopougon voulant apporter une aide au camion qui négociait le passage du carrefour MICAO.
Il est environ 1H40mn du matin. L’un des malfrats ouvre la portière et prend place à côté du conducteur. Il braque son arme sur lui et le somme de prendre la direction de la forêt du Banco. Une fois sur ce terrain favorable, derrière la zone industrielle, les malfrats vont menotter les deux occupants du camion. Menaçant de les tuer, si jamais ils tentent quoi que ce soit. Après avoir fait appel à d’autres complices pour évacuer le butin et tenter de le liquider, ils ligotent -soigneusement- leurs victimes qu’ils abandonnent ensuite dans la brousse. Ce n’est qu’aux environs de 6H que le chauffeur et son apprenti parviennent à se libérer.
Ils marchent jusqu’au carrefour CIMAF, à la zone industrielle, et passent un coup de fil au propriétaire du camion, Kobenan Kouakou Siriki, acheteur agréé d’anacarde, à Bondoukou. Inquiet, celui-ci prend attache avec le Préfet de Police de Bondoukou qui, à son tour, lance un message radio national. Les services de la douane sont alertés. Une plainte est déposée contre X au commissariat du 23ème arrondissement de Yopougon. «C’est un réseau bien organisé. Ils s’attaquent aux camions qui viennent décharger les produits à la zone industrielle et ils ont des complices qui trouvent des receleurs. Ils bénéficient de la protection et de la complicité de certains policiers et militaires», accuse un élément des services d'enquête de la Police criminelle, qui a requis l'anonymat.
La PJ aux trousses des complices
Il n'a pas tout à fait tort. Car, dans la nuit du dimanche 16 Avril, le propriétaire de la marchandise, Kobenan Kouakou Siriki, est informé qu'un camion contenant une importante quantité de noix de cajou à été intercepté dans la commune d'Attécoubé alors qu'il déchargeait son contenu. Ce sont les agents du service des douanes en poste au corridor de la Gesco, dirigés par le capitaine Bahi, qui ont mis la main sur les dealers venus écouler leur butin sur le marché noir.
«C'est suite à un appel anonyme que nous avons pu mener avec succès cette opération qui a abouti à l'arrestation d'un des malfaiteurs. Celui-ci s’est présenté à nous comme étant un gendarme et nous a même montrés son matricule. Nous l'avons arrêté et remis à la disposition de sa hiérarchie à la brigade de Gendarmerie de Yopougon-Gesco. Là-bas, ils ont promis de donner une suite à cette affaire. Ses complices sont en fuite et nous espérons qu'ils n'iront pas loin», confie le capitaine de la douane.
À en croire les témoignages des autorités en charge de ce dossier, un autre gendarme impliqué dans ce «vol à main armée» est en cavale avec ses complices. Tous sont activement recherchés par les agents de la police criminelle qui suspectent la gendarmerie de Yopougon-Gesco de vouloir étouffer l'affaire et protéger le soldat véreux qui, au dire des enquêteurs, est un récidiviste.
«Le seul problème dans ce dossier, c’est que ses chefs ne veulent pas le mettre à la disposition de la police criminelle. La gendarmerie veut biaiser la procédure», dénonce une source à la PJ, où une plainte avait également été déposée par M. Kobenan. «Certes j'ai retrouvé mon camion et une partie de ma marchandise mais je crains en ce moment pour ma sécurité car, les criminels sont toujours en fuite. Je souhaite que l'affaire suive son cours normal et que ces gendarmes soient traduits devant le tribunal militaire», indique l’opérateur économique, joint au téléphone.
A l’en croire, 5,133 tonnes de noix de cajou restent manquants sur le poids total de la marchandise qui était de 42,103 tonnes. Pour la plupart des personnes interrogées au cours de notre enquête, c’est seulement le Procureur qui peut donner des «instructions fermes» ou mettre la pression, afin que tous les mis en cause soient entendus devant les juridictions compétentes.
Ben Ayoub
Image utilisée à titre d'illustration