Cigarette électronique: pas de fumée sans feu?

  • Source : protegez-vous.ca


 Elle a l’apparence d’une cigarette – même forme, même «fumée» –, mais elle ne contient ni tabac ni goudron. L’e-cigarette serait-elle la cigarette du futur? Pas si sûr.

Inventée en Chine au début des années 2000, offerte au Canada depuis 2009, la cigarette électronique gagne en popularité en Occident: même certaines stars hollywoodiennes l’ont adoptée, signe de cet engouement.
Son fonctionnement est simple: lorsque l’utilisateur tire une bouffée, l’atomiseur, qui est alimenté par une batterie, chauffe le liquide contenu dans la cartouche. Celui-ci est constitué d’eau et de composés chimiques utilisés soit comme additifs alimentaires soit dans le domaine pharmaceutique; de la nicotine et un arôme sont parfois ajoutés. En s’évaporant, le liquide crée une vapeur qui a l’apparence d’une fumée blanche. Celle-ci est inodore, sauf si le liquide est aromatisé… parfois au tabac!

Une cigarette sans nicotine, vraiment?
Une cigarette électronique peut renfermer de la nicotine ou pas. Toutefois, au Canada, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, il est illégal de vendre, d’importer ou d’annoncer des cigarettes électroniques contenant de la nicotine sans l’autorisation du gouvernement.
Comme aucune cigarette électronique n’a reçu l’homologation de Santé Canada, celles que vous retrouvez dans les commerces ne contiennent pas (ou du moins ne devraient pas contenir) de nicotine. Attention: cette loi s’applique aussi aux commerçants en ligne qui font affaire au Canada.

Comme la cigarette sans nicotine ne fait l’objet d’aucune réglementation, les «vapoteurs» (du néologisme «vapoter» adopté en France il y a quelques années) peuvent «fumer» dans les endroits publics, sauf dans les avions. Or, ce geste ne fait pas l’unanimité, tout comme l’e-cigarette.
L’e-cigarette étant un produit récent, la plupart des organismes de santé publique recommandent de poursuivre les études pour mieux connaître ses composantes et déterminer ses effets à long terme sur la santé.
Le ministère québécois de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et Santé Canada ont d’ailleurs émis une mise en garde sur l’utilisation de ce produit et recommandent de s’abstenir d’utiliser la cigarette électronique jusqu’à ce que ses effets sur la santé soient mieux connus.

Substitut ou pas?

Les chercheurs et les organismes de santé publique ne considèrent pas la cigarette électronique comme un produit de remplacement du tabac pour cesser de fumer. Selon le site du MSSS, «les produits contenant de la nicotine ou se prétendant outil d’arrêt tabagique doivent recevoir une homologation pour être vendus au Canada. Jusqu’à présent, aucune cigarette électronique n’a reçu d’homologation».
«Les études disponibles sont limitées et ne sont pas assez rigoureuses; nous n’avons donc pas pu conclure que les cigarettes électroniques sont efficaces comme aide à la cessation», explique Annie Montreuil, chercheuse dans l’équipe de la lutte contre le tabagisme de l’Institut national de santé publique du Québec.

Pour François Damphousse, directeur de la section québécoise de l’Association pour les droits des non-fumeurs, la question de déterminer si le produit aide ou non à cesser de fumer est de second ordre. «Il y aura toujours des gens qui seront dépendants de la nicotine, soutient-il. Nous voulons que les gens cessent de consommer la cigarette traditionnelle. Si la cigarette électronique est une façon pour les gens d’obtenir leur dose de nicotine, eh bien, tant mieux!»

Ici et ailleurs, l’ombre du tabac plane

Les organismes de santé publique craignent également que la consommation d’e-cigarette dans les lieux publics «renormalise» le tabagisme. «Il pourrait y avoir un risque qu’elle incite les anciens fumeurs à recommencer», craint Annie Montreuil. L’absence de réglementation permet également aux mineurs de s’en procurer. «On s’inquiète du fait que la cigarette électronique pourrait entraîner les jeunes à s’initier à la cigarette régulière», poursuit-elle.
Le magazine 60 millions de consommateurs, le pendant français de Protégez-Vous, publie ces jours-ci une analyse d’une dizaine de cigarettes électroniques disponibles dans l’Hexagone. On peut y lire que les vapeurs émises par certaines «contiennent des substances très peu recommandables: formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine, traces de métaux lourds…».

La France, après avoir interdit sa vente aux mineurs en juin, envisage d’interdire la cigarette électronique dans les lieux publics. Une décision que François Damphousse applaudit. «Nous avons travaillé fort pour interdire la cigarette dans les lieux publics. La cigarette électronique ressemble à s’y méprendre à une cigarette traditionnelle. Imaginez le casse-tête pour les inspecteurs qui doivent faire respecter la loi!»
L’Association pour les droits des non-fumeurs appuie d’ailleurs la commercialisation de l’e-cigarette avec nicotine, si elle est accompagnée d’une réglementation adéquate. «Ce produit-là a un potentiel énorme pour réduire les risques pour la santé encourus par les fumeurs, affirme François Damphousse. Ce n’est pas la nicotine qui tue les gens, ce sont les composantes de la fumée. La cigarette électronique comporte peut-être des risques, mais il n’y a rien de pire que la cigarette traditionnelle!»