Chine: Un ado innocenté 18 ans après son exécution

  • 16/12/2014
  • Source : 20min.ch
Pékin a reconnu lundi avoir exécuté en 1996 un jeune de 18 ans pour un crime qu'il n'avait pas commis, rapporte l'agence officielle Chine nouvelle.

L'adolescent d'ethnie mongole avait été condamné à la peine capitale pour le viol et le meurtre d'une femme dans des toilettes publiques, dans sa région de Mongolie-intérieure. Il avait été exécuté dans la foulée. Un autre homme avait reconnu le crime en 2005 mais l'affaire n'a été rejugée que cette année.

Les faits et preuves ayant motivé le verdict du procès «étaient insuffisants et pas assez déterminants», a déclaré la Haute Cour populaire de la ville de Hohhot (la capitale de la région de Mongolie-intérieure) dans un nouveau jugement rendu public lundi.

Les aveux passés à l'époque par l'accusé, nommé Hugjiltu, «sont incompatibles avec le rapport d'autopsie» de la victime, a ajouté la cour dans un communiqué officiel qui annonce finalement: Hugjiltu est déclaré non coupable».

Environ 4800 francs de compensation
Un représentant du tribunal a présenté des excuses aux parents du jeune condamné, qui réclamaient un nouveau procès aux autorités judiciaires depuis 2006. Le vice-président du tribunal a remis aux parents du jeune homme une somme de 30'000 yuans (environ 4800 francs) en guise de compensation, a rapporté l'agence Chine nouvelle.

Ce don était un geste personnel du président du tribunal et non une somme officiellement versée en dommage intérêt par l'institution judiciaire, a précisé l'agence de presse. La modestie de la somme offerte a toutefois été abondamment dénoncée sur les réseaux sociaux.

Le portail d'informations Netease a diffusé lundi des images montrant les parents brûlant une copie du jugement sur la tombe de leur fils. En Chine, un rite funéraire très courant consiste à brûler du papier-monnaie, de la monnaie fictive, en souvenir de la personne disparue.

Souvent critiqué
Le système judiciaire chinois est souvent critiqué pour ses jugements et procédures arbitraires. Soumis à l'autorité du Parti communiste, il est miné par les abus, les aveux extorqués et la quasi-absence de droits de la défense.

Dans ce contexte, les erreurs judiciaires sont fréquentes, y compris pour des peines de mort. Mais il est très rare que la justice chinoise accepte de revenir sur une condamnation, en particulier dans le domaine pénal.

L'an dernier, un Chinois ayant passé 17 ans derrière les barreaux pour le meurtre de sa femme avait finalement été innocenté et libéré, après avoir obtenu d'être rejugé.

«Volonté de réforme»
Selon William Nee, spécialiste de la Chine chez Amnesty International, le gouvernement central chinois, en reconnaissant l'erreur judiciaire concernant Hugjiltu, «fait passer le message clair à la police et aux tribunaux qu'il leur faut mieux travailler».

De son côté Chen Guangzhong, professeur de droit pénal à l'Université de sciences politiques et de droit de Chine voit dans le jugement du tribunal de Mongolie-intérieure une «volonté de réforme judiciaire». Une abolition de la peine de mort est toutefois «improbable» pour le moment, relève-t-il encore, car la peine capitale reste en soi largement soutenue par la population chinoise.

Quelque 55 crimes sont passibles de la peine de mort en Chine, dont la fraude et les prêts illégaux.