Un an et demi qu'il attendait cela. Ce lundi s'ouvre en Inde le procès de Pascal Mazurier accusé par sa femme d'avoir violé leur fillette de 3 ans et demi. "Je n'ai pas peur, c'est la seule façon de prouver mon innocence, assure cet agent consulaire installé depuis une quinzaine d'années à Bangalore, dans le sud du pays. Et puis, préparer ma défense agit comme un remède contre la dépression." Un procès sous haute tension qui vient clore un feuilleton judiciaire et diplomatique aux multiples rebondissements ouvert il y a plus d'un an et demi.
En juin 2012, Suja Jones, mariée depuis 11 ans à Pascal Mazurieret mère de leurs trois enfants, se présente au commissariat de Bangalore. Cette Indienne revient du Baptist Hospital: sa fille, explique-t-elle, se plaignait de douleurs au niveau du sexe et désignait son père. Les médecins, sans parler explicitement de viol, ont relevé des irritations et des rougeurs sur les parties intimes de l'enfant "compatibles avec une agression sexuelle avec pénétration". Surtout, des traces de sperme ont été découvertes dans son vagin ainsi que sur son pyjama et ses draps.
Des examens gynécologiques imprécis
D'après les dires de la mère, consignés dans le rapport de police,le diplomate a passé, la veille de la plainte, trois heures enfermé dans la chambre de sa fille. Ce que nie en bloc ce dernier. "Lorsque la police est venue me chercher pour m'interroger, je suis complètement tombé des nues. On m'apprenait que ma petite fille venait d'être violée et qu'il me soupçonnait. J'étais doublement accablé parce qu'en plus je me disais qu'on laissait filer le vrai coupable." Suja Jones confie à la police avoir eu des doutes sur le comportement de son mari depuis avril 2010 - leur fille avait alors 18 mois. "Si c'était vraiment le cas, pourquoi a-t-elle attendu un an et demi avant d'agir?", s'emporte l'intéressé.
Deux jours après la plainte, un nouvel examen gynécologique est effectué à l'hôpital d'État, le Bowring & Lady Curzon Hospitals. Là encore, les médecins relèvent des "signes d'agression sexuelle récente" tout en disant que "rien ne laisse penser que la personne a eu une relation sexuelle".
S'ensuit alors une campagne médiatique d'une rare violence. "Le père démoniaque derrière les barreaux", "Un pervers au consulat français", titrent les journaux locaux alors qu'en France l'affaire passe quasiment inaperçue. Des ONG se mobilisent et des manifestations sont organisées devant le consulat. Pascal Mazurier est suspendu de ses fonctions et passe quatre mois en détention avant d'être libéré sous caution mais avec interdiction de quitter le territoire.
L'ADN du sperme n'est pas celui de Pascal Mazurier
Sa libération conditionnelle, il la doit à l'analyse ADN, réalisée en juillet: le sperme retrouvé sur le pyjama et les draps de l'enfant est bien le sien mais pas celui découvert dans le vagin de l'enfant. Six mois plus tard, nouveau coup de théâtre. L'enquête de la police révèle qu'aucune trace d'ADN de la fillette n'a été trouvée sur les analyses textiles ce qui induit que la fillette n'aurait pas porté le pyjama et les draps qui servent de pièce à conviction. Les certitudes de la police et de la presse vacillent: l'enfant a-t-elle réellement été violée?
Suja Jones reste malgré tout persuadée de la culpabilité de son mari. "Ce n'est pas parce qu'on ne reconnaît pas l'ADN du père et celle de la fillette que cela signifie qu'il n'a rien fait. Il faut se poser la question sur les conditions dans laquelle ont été faites ces analyses", assure son avocate en France, Me Aude Evin. Sans vouloir crier au "complot", l'avocate se demande pourquoi un attaché de la sécurité intérieure de l'ambassade voulait "tant savoir où étaient effectuées les analyses ADN". "Il nous a dit que c'était pour faire accélérer la procédure", poursuit-elle sans trop y croire. La France a-t-elle voulu manipuler les résultats? Dans un courrier, le préfet lui assure qu'il s'agit d'une procédure classique dans ce genre d'affaires. "En tout cas, on peut se demander pourquoi on met tant d'acharnement à défendre cet homme..."
Il a été piégé par sa femme
Les avocats du diplomate crient quant à eux à la manipulation de preuves. "Il a été piégé par sa femme", assurent Mes Pierre-Olivier Sur et Clémence Witt. Alors qu'ils ne couchaient plus ensemble depuis longtemps, ils auraient eu un rapport sexuel avec un préservatif deux jours avant les accusations. "Elle a pu garder le sperme pour me faire accuser", estime le principal accusé. Pourquoi une telle machination? "Le couple allait mal et la perspective d'un divorce a pu jouer un rôle. Les trois enfants étant français, la femme de Pascal Mazurier a pu craindre de perdre leur garde", expliquent les conseils.
Là encore, l'avocate de Suja Jones nie. "Ils avaient certes des problèmes de couple mais ma cliente n'avait pas du tout l'intention de partir." Elle assure paradoxalement que c'était un homme violent qui faisait régner la terreur dans la maison et levait régulièrement la main sur sa femme.
La demande de non-lieu rejetée
Reste que le procureur a estimé recevable les preuves - y compris ADN - fournies par la mère de famille et a rejeté la demande de non-lieu. Il a estimé que les accusations de viol portaient sur une longue période et que par conséquent l'ADN n'est pas un élément disculpant. "Il y a eu un tel battage médiatique que la justice indienne ne peut plus reculer", estiment les conseils de Pascal Mazurier tout en restant confiants: "la justice indienne est indépendante et impartiale, on reste persuadé qu'il sera relaxé".
Un diplomate français, accusé du viol de sa fille de 3 ans, devant la justice indienne - Photo à titre d'illustration