La requête du Procureur de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, en date du 28 Octobre 2013, a conduit à un important chamboulement : le vendredi 08 novembre 2013, les juges de la Chambre préliminaire 1 ont accédé à la demande du Procureur aux fins de variation de délai.
Ils ont décidé de la suspension du calendrier de présentation d’éléments supplémentaires, préalablement établi par la décision d'ajournement faisant l’objet d’un appel du Procureur, en attendant qu’un autre calendrier soit fixé par la Chambre préliminaire, dès que la date de l'arrêt de la Chambre d'appel sera connue.
La requête de Fatou Bensouda auprès des juges de la Chambre préliminaire visait à obtenir un délai supplémentaire à partir de la décision à intervenir de la Chambre d’appel avant d’avoir à déposer un Document contenant les charges (Dcc) et un inventaire des éléments de preuve modifiés.
Il faut se souvenir que le Procureur avait été autorisé à faire partiellement appel de la décision du 3 juin 2013 ajournant l'audience de confirmation des charges dans l'affaire Laurent Gbagbo. L'appel étant toujours pendant, Bensouda a souhaité déposer son Dcc modifié deux semaines après que la Chambre d’appel aura rendu sa décision sur l’appel de la décision d’ajournement.
Emmanuel Altit, conseil principal de l'ex-président suspecté de crimes contre l'humanité, avait jugé la requête présentée par le Procureur « acceptable ». Dans un courrier en date du 5 novembre- en fait, la réponse à la demande de prorogation du Procureur- Altit s'est fait presque l'avocat de Bensouda sur cette matière : « le Procureur ne peut logiquement décider de modifier son Dcc et la présentation de sa preuve qu’après avoir pris connaissance de la teneur de la décision à intervenir de la Chambre d’appel et après avoir pris le temps de l’analyser ».
Le conseil de Laurent Gbagbo appelait, par la suite, la Chambre préliminaire à tirer les conséquences d'une prorogation de délai en faveur de Bensouda : « Accepter la demande du Procureur entraîne des conséquences : les délais doivent être revus et les dates fixées par la Chambre préliminaire le 3 juin 2013, décalées. Surtout, la défense doit être placée en position de participer activement à la procédure et pour cela doit se voir accorder le temps nécessaire à une véritable analyse de la situation juridique telle que proposée par le Procureur dans son nouveau Dcc et le temps nécessaire à de nouvelles investigations portant sur les preuves présentées par le Procureur en fonction de sa nouvelle ligne de raisonnement adoptée après qu’il aura analysé la décision à intervenir de la Chambre d’appel ». Le courrier de Me Altit comprenait des propositions concrètes sur de nouveaux délais à observer à partir de la restitution du Dcc modifié.
Dans l'arrêt rendu, hier, les juges de la Chambre préliminaire 1 disent rejeter la demande de la défense sur la variation de délais. Il est d'une implacable évidence que le calendrier daté du 3 juin 2013 n'est plus d'actualité. Il faudra patienter, quelques jours voire quelques semaines, avant que la Chambre préliminaire ne propose un nouveau calendrier de procédure, fixant notamment les dates auxquelles le Procureur, la Défense et les victimes participant à la procédure devront communiquer leurs éléments de preuve et leurs écritures.
Initialement, le Procureur devait communiquer tout élément de preuve supplémentaire qu’il souhaitait utiliser dans le cadre de la confirmation des charges et présenter un nouveau document indiquant les charges le 15 novembre 2013 au plus tard. La Défense aurait eu, quant à elle, jusqu’au 16 décembre 2013 pour présenter ses observations sur les éléments de preuve du Procureur et communiquer ses propres éléments de preuve supplémentaires. Les participants auraient eu, ensuite, la possibilité de déposer leurs conclusions finales. Ce calendrier peut être considéré comme caduc.
A ce stade de la procédure, dans l'affaire « Laurent Gbagbo c. le Procureur », les parties sont suspendues à la décision de la Chambre d'appel. Parallèlement, la question de la liberté provisoire se joue pour Laurent Gbagbo . Une nouvelle décision tombera, ce lundi 11 novembre, au plus tard. Les juges de la Chambre préliminaire diront si l'ancien chef d'Etat reste toujours en détention ou s'il bénéficie de la liberté provisoire.
Kisselminan COULIBALY
Affaire « Gbagbo à la CPI »: Bensouda provoque un chamboulement - Photo à titre d'illustration