« Adjamé-Liberté, Yopougon-SIDECI, Abobo, Abobo ». Voilà quelques-uns des appels lancés par les apprentis de minibus communément appelés gbakas pour appâter les clients et les inviter à emprunter leur véhicule.
S’ils peuvent se montrer courtois avant que le client n’embarque, une fois à bord, leur vrai visage se révèle. Entre manque d’éducation, arrogance, malhonnêteté et mauvaise foi, les clients sont souvent à la merci d’individus sans scrupule dont l’unique motivation reste l’atteinte de la recette journalière.
À Abidjan, ils sont les rois du transport en commun. Dans tous les quartiers, même la zone sud de la capitale économique où ils n’ont pas droit de cité, ils sont désormais présents. Eux, ce sont les minicars plus connus sous le nom de « gbaka ».
À leur bord, les convoyeurs ou « balanceurs », en raison de leur manie à se balancer sur la portière comme des singes, font la pluie et le beau temps. Véritable caisse à résonnance, ils serinent du matin au soir les différentes destinations des clients. Parfois admirés pour leur courage, ils sont décriés par de nombreux clients qui leur trouvent plusieurs défauts.
Les griefs les plus récurrents sont : l’arrogance, l’impolitesse, la mauvaise foi et la malhonnêteté. Certains feignent parfois ne pas avoir de monnaie pour ne pas rendre au client ce qu’ils lui doivent, lorsque ce dernier oublie à la descente de réclamer sa monnaie.
Ce 22 juillet, nous décidons de vérifier les reproches faits aux « balanceurs ». Les clients que nous rencontrons déplorent l’attitude des apprentis de gbaka. « Avec eux, c’est toujours l’indiscipline et la tromperie. Je viens d’Adjamé comme ça. L’apprenti nous dit Yopougon-Palais, mais il vient à l’instant de nous laisser devant l’ex-cinéma Saguidiba. On doit faire le reste du chemin à pied », enrage Franck Aka, un vendeur de friperies à Yopougon.
« Quand tu dois monter dans leur gbaka, ils sont doux comme des agneaux, mais une fois à bord, ce sont de véritables loups. Ils t’insultent et ils ne respectent pas les destinations qu’ils ont eux-mêmes indiquées auparavant », fulmine Yvonne B, une cliente qui attendait un minicar pour se rendre Adjamé. Avant d’ajouter, « ils n’ont jamais la monnaie. Quand tu leur donnes un billet de 500 ou 1000 francs CFA, ils attendent toujours la dernière minute pour te remettre ta monnaie, et cela sur insistance, parce que si tu oublies ils s’en vont avec ton argent».
« Les clients ont les foutaises »
Des accusations que rejettent en bloc les concernés. Pour eux, il est trop facile de dire que les "balanceurs" sont des voleurs ou tout simplement impolis. « Les clients ont les foutaises », s’exclame Abou dit petit Rougeau en référence à son teint. « Pour 200 francs CFA, ils vont te donner 2000 francs. Mais pour un gbaka de 18 places si 10 personnes te donnent 2000 francs, tu fais comment ? Quand tu leur dis qu’il n’y a pas de monnaie, on trouve que tu es impoli. Certains même font exprès. Comme tu es apprenti, ils pensent que tu ne peux pas réfléchir », ajoute-t-il.
L’un de ses collègues explique, « nous, on ne fuit pas avec la monnaie des clients. C’est eux qui oublient souvent et qui partent sans réclamer leur monnaie. Certains reviennent vers nous après et nous leur redonnons la monnaie que nous leur devons ».
Des propos que réfute Herman Beugré, étudiant à l’Université Félix Houphouët-Boigny. Il affirme n’avoir toujours pas retrouvé l’apprenti qui est parti avec ses 1800 francs CFA.
Par Julien Djédjé.
Photo à titre d'illustration