Guillaume Soro a démissionné du poste de président de l’Assemblée nationale lors d’une session extraordinaire convoquée pour l’occasion, vendredi 8 février. L’ancien chef de la rébellion ivoirienne occupait ce poste depuis 2012. Alors qu’on lui prête des ambitions présidentielles en 2020, cette démission consacre une longue déchirure avec Alassane Ouattara.
Dans les textes rien ne pouvait contraindre Guillaume Soro à « libérer le tabouret »comme l’y exhortaient depuis des mois nombre de cadres RHDP. Pour autant rester au perchoir aurait allumé une crise institutionnelle sans précédent entre l’exécutif et le législatif dont, dit-il, il ne voulait pas. Mais il a été mis au pied du mur en janvier par Alassane Ouattara le sommant d’adhérer au RHDP ou de quitter ses fonctions.
A la sortie de l’hémicycle vendredi, réaction du député Alpha Yaya Touré, partisan de Guillaume Soro : « Je suis triste pour ce à quoi nous venons d'assister. C'est dommage pour la démocratie ivoirienne. C'est un fait inédit. C'est la première fois que nous constatons la démission de l'Assemblée nationale sur ordre et instruction de l'exécutif, tant bien qu'il y ait séparation des pouvoirs dans notre pays. »
C’est une question de cohérence, estime pour sa part la députée RHDP Belmonde Dogo : « Sa démission n'est que consécutive à sa mise en retrait de la majorité représentative. Dans une Assemblée nationale, c'est la majorité qui a le perchoir. Dès l'instant que M. Guillaume Soro ne se reconnaît plus dans la majorité, il va de soi qu'il démissionne. La nation n'est pas en péril, il ne s'agit pas de sauver la paix, il s'agit d'être logique avec ce qu'on est et avec ce qu'on dit. »
La fin d'une alliance
L’alliance politique formée par Alassane Ouattara et Guillaume Soro en 2000 a vécu. Devant les atermoiements de Guillaume Soro quant au RHDP ces derniers mois, Alassane Ouattara lui a demandé de clarifier sa position. C’est ce qui a abouti à cette démission. « J'ai eu le privilège de plusieurs audiences avec le président de la République, notamment les 5 janvier et 24 janvier. Il a été question de mon engagement politique et de mon positionnement idéologique vis-à-vis du RHDP. Oui, j'ai choisi de ne pas m'engager au sein du RHDP unifié », a-t-il déclaré.
C'est la fin solennelle d’une alliance politique de près de vingt ans. Tout au long de son discours le désormais ex-président de l’Assemblée aura jeté des cailloux dans le jardin du chef de l'Etat pour laisser penser qu’il démissionne contraint par l’exécutif, mais animé par un sens plus grand des responsabilités et de l’unité de la Cote d’Ivoire, son maintien en poste créant nécessairement une crise institutionnelle grave. « Refuser de démissionner conduirait immanquablement à la crise institutionnelle déstabilisante avec le cortège de dommages pour la nation. L'on ne peut risquer de mettre en péril la paix fragile acquise après tant de souffrances de nos concitoyens. »
Soro se pose au-dessus de la mêlée
Guillaume Soro a déclaré qu’il continuerait à travailler pour une Côte d’Ivoire qui « repose sur l’Etat de droit et des bases démocratiques fiables », sous-entendu : pas comme aujourd’hui. Il a rendu hommage à l’un de ses proches, le député Alain Lobognon, condamné à un an de prison pour un tweet, au terme d’un procès rocambolesque. Autant de critiques à peine voilées du régime de son ex-allié, dorénavant adversaire déclaré.
Invoquant le « jugement de l’Histoire », Guillaume Soro, vingt-cinq ans de politique, s’est aussi posé en homme neuf et entier : « Je demeure serein tout en quittant mon poste pour l’aventure de mes convictions. » En somme, le simple député de Ferké se place au-dessus de la mêlée, comme un chef d’Etat potentiel, ou du moins un présidentiable. Ne reste plus qu’à compter ses troupes et sortir du bois, en vue - peut-être - de 2020.
Guillaume Soro lit son discours de démission de son poste de président de l'Assemblée nationale ivoirienne, le 8 février 2019. © SIA KAMBOU / AFP