Le temps joue-t-il en faveur de l’ex-président, jugé depuis un an à La Haye ? Les mutineries au sein de l’armée, les lenteurs de la Cour pénale internationale et les interrogations sur la solidité de son dossier redonnent des couleurs à ses soutiens. Parmi eux, plusieurs chefs d’État africains.
Le 6 février, lors de la reprise du procès à La Haye, ils sont revenus par centaines devant le siège de la Cour pénale internationale (CPI) pour manifester leur soutien au prisonnier Laurent Gbagbo. Des Ivoiriens, bien sûr, mais aussi des Camerounais et des Congolais venus par autocar de toute l’Europe. Impressionné, un policier néerlandais a lâché devant l’un des manifestants : « Je suis vraiment étonné. Cela fait cinq ans que je vous vois, et vous êtes toujours aussi nombreux. » En Europe comme en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, l’homme qui a dit non à la France, suscite chez ses partisans une ferveur intacte.
Une famille politique internationale
Au cœur de la galaxie Gbagbo, il y a Nady Bamba, la seconde épouse, qui s’est installée à Bruxelles, non loin de La Haye, avec David Al Raïs Gbagbo, le fils du couple. Elle rend visite au prisonnier presque tous les jours. En Europe, l’ancien chef de l’État ivoirien s’appuie aussi sur Stéphane Kipré, son gendre, qui a créé son propre parti, l’Union des nouvelles générations (UNG) ; Guy Labertit, le socialiste français de tous les combats depuis trente-cinq ans ; Albert Bourgi, le constitutionnaliste français, d’une fidélité sans faille lui aussi ; et le Franco-Ivoirien Bernard Houdin, un ancien étudiant parisien d’extrême droite qui est aujourd’hui le porte-parole du célèbre prisonnier pour l’Europe.
"Les récentes mutineries ouvrent les yeux de certains, qui voyaient dans le nouveau régime un eldorado démocratique"
En Afrique, Laurent Gbagbo se repose d’abord sur deux amis de quarante ans, Abou Drahamane Sangaré et Laurent Akoun. À Abidjan, ils sont les gardiens du temple. Avec Alphonse Douati, ils dirigent la faction du FPI qui est restée fidèle à son fondateur et considère Pascal Affi N’Guessan, le chef de l’autre aile, comme un « traître ».
Autre étoile de la galaxie, l’ex-ministre Justin Koné Katinan, qui vit en exil au Ghana depuis six ans. « Partout où les gens se réunissent, je me débrouille pour y être », dit en souriant le principal porte-parole de Gbagbo. Le 30 janvier dernier, à Addis-Abeba, il déambulait discrètement dans les couloirs du 28e sommet de l’Union africaine (UA). Pas étonnant puisque, de bonne source, certains chefs d’État et hommes d’affaires contribuent à l’effort militant.
Pétition à 27 millions de signatures ?
En septembre 2015, au nom d’un « forum » d’anciens présidents africains, le Mozambicain Joaquim Chissano et le Béninois Nicéphore Soglo ont demandé par écrit à Fatou Bensouda, la procureure de la CPI, « de réexaminer l’affaire Laurent Gbagbo et d’entamer le processus de son retrait ou de son interruption ». En effet, selon les deux anciens chefs d’État, « l’arrestation de Laurent Gbagbo a exacerbé les divisions de la société ivoirienne à tel point que nous sommes maintenant gravement préoccupés par la perspective de la reprise du conflit dans ce pays ».
Pas de réponse de Fatou Bensouda. En juin 2016, l’écrivain ivoirien Bernard Dadié et l’ex-Premier ministre togolais Joseph Koffigoh ont lancé une pétition dans le même sens. Selon un huissier de justice mandaté par eux, elle a recueilli en janvier 2017 près de 27 millions de signatures – chiffre énorme et invérifiable –, pour moitié en Côte d’Ivoire et pour le reste au Cameroun, au Togo, au Ghana et à travers toute l’Afrique.
Boycott des législatives
Dans ses vœux pour 2017, le prisonnier de la CPI a remercié personnellement Joaquim Chissano, Joseph Koffigoh et Bernard Dadié. « Leur engagement inlassable à nos côtés reste un témoignage fort de fraternité », écrit-il. Mais, ce qui intéresse avant tout l’ancien chef de l’État ivoirien, c’est le crédit qu’il a conservé au pays. Au vu du fort taux d’abstention – 65 % – aux législatives du 18 décembre dernier, il veut croire que les consignes de boycott lancées par son parti ont été largement suivies...La suite sur Jeune Afrique
Des militants pro-Gbagbo manifestent devant la CPI, à La Haye, le 28 janvier 2016, jour de l’ouverture du procès. © Peter Dejong/AP/SIPA