Ce qui se passe actuellement au FPI n’est rien d’autre qu’une bataille de pouvoir, autrement dit, une bataille pour le contrôle total du pouvoir au sein du parti.
A travers la nomination (on peut épiloguer sur la légalité ou non, mais combien de partis politiques hormis le PDCI, qui a organisé un congrès électif et essaye de se structurer en ne respectant pas toujours ses propres textes ; sont vraiment dans la légalité actuellement en Côte d’Ivoire ?) de son « gouvernement », Pascal Affi N’Guessan dit clairement aux siens : le chef, c’est moi ! Mais il a commis six péchés. Décryptage.
Premier péché : le parricide subtil
Cela saute tout de suite aux yeux : le poste consacré à la libération de Laurent Gbagbo reste à pourvoir. L’explication, sinon les explications sont simples. D’une part, Pascal Affi N’Guessan n’y accorde pas grand intérêt, autrement il aurait trouvé une personne sur les 128 que compte son « gouvernement », pour le diriger.
D’autre part, il ne fait pas de la libération de Gbagbo, une priorité, puisqu’il place ce poste au rang de secrétariat national (pas de vice-présidence ou même de secrétariat général adjoint) à la 24è place dans l’ordre protocolaire.
Affi fait-il ici preuve de défiance vis-à-vis de ses militants, dont la plupart ne militent que pour Gbagbo ou veut-il juste rester réaliste, dans ce combat hypocrite sur la libération plus qu’improbable (les charges contre lui ont été confirmées et on est parti pour un long procès.
A titre de comparaison, le procès de Jean-Pierre Bemba, arrêté en 2008, n’a pas encore connu d’épilogue) du célèbre détenu de la prison de Scheveningen ? En tout état de cause, le parricide subtil que tente le président du FPI, passe difficilement.
A preuve, la sortie pas du tout subtile d’Alphonse Douaty, dans la presse. L’absence tonitruante de ce dernier au premier « conseil des ministres » de mardi dernier au siège du parti, tout comme celle d’Aboudrahamane Sangaré et de Laurent Akoun (le triumvirat des faucons du FPI, dit-on), confirme que l’heure n’est plus aux murmures de salon, contre le Chef Affi.
Deuxième péché : haro sur les exilés
Aucun exilé, en tout cas, à ma connaissance, ne fait partie de la direction. Même si un secrétariat national chargé des exilés, des réfugiés et de la politique d’immigration (on se demande bien quel rapport il y a entre immigration et exil) a été créé et confié à une militante, récemment rentrée d’exil. Mais dans ce “gouvernement”, point d’Assoa Adou, de Damana Pickass, encore moins de Koné Katinan ou de Don Mello et de Bertin Kadet.
Le message envoyé par le président du FPI aux exilés volontaires ou involontaires, est clair et limpide: la lutte politique, ça se fait en Côte d’Ivoire, pas à Accra, ni à Yaoundé ou à Johannesbourg, encore moins au Trocadéro à Paris.
Troisième péché : Simone Gbagbo...pour la forme
Tout le monde a pu constater que des quinze vice-présidences (un record !), seule la deuxième vice-présidence est sans porte-feuille. Elle se trouve comme par hasard, être celle attribuée à Simone Gbagbo. J’ai lu dans Soir Info, sous la plume d’un journaliste, qui d’ordinaire ne verse pas dans la fiction ; que Simone Gbagbo a recusé sa nomination, par l’entremise de son directeur de cabinet.
A la décharge d’Affi N’Guessan, il faut quand même reconnaître qu’il est difficile de confier un poste avec une responsabilité précise, à une personne, fut-elle Simone Gbagbo, qui est en prison et qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI, donc une personne dont la sortie de prison est problématique.
Quatrième péché: Akoun au garage
C’est la grande surprise du remaniement. Laurent Akoun n’est plus secrétaire général du FPI, ni son porte-parole. Le nouveau secrétaire général et porte-parole du parti est une femme: Agnès Monnet, connue comme une oratrice pas très brillante, même si sa tenacité politique ne fait l’ombre d’aucun doute. Quant à Akoun, il est nommé vice-président chargé de la vie du parti, une fonction aussi vaste que vide.
Sur ce coup, on ne peut pas dire qu’Affi a manqué d’entregent. C’est le véritable acte de prise de pouvoir et de mise à l’écart du dernier carré des dirigeants intérimaires, au moment où lui-même était en prison. Et selon la vérité bien biblique du règne par l’épée, Affi N’Guessan sait très bien qu’il sera la première personne à qui la tête sera coupée, si Gbagbo sort de prison, par un miracle...malachiste. Je reconfirme donc: désormais, au FPI, le chef, c’est Affi !
Cinquième péché: l’humiliation de Navigué
C’est connu: Konaté Navigué n’avait plus la bénédiction d’Affi N’guessan (et de moi aussi d’ailleurs, juste pour rigoler) depuis son retour “bizarre” d’exil. Il n’empêche et vu qu’il a réussi à arracher (au propre comme au figuré) la présidence de la Jeunesse du FPI à Justin Koua, l’on aurait pu penser que le président légitime mais depuis longtemps illégal, des jeunes-vieux du FPI (l’expression n’est pas de moi et elle colle bien à la situation, vu l’âge du quarantenaire qu’est Navigué) serait le secrétaire national chargé de la politique de la jeunesse ou tout au moins le secrétaire national chargé de la politique de formation professionnelle et d’insertion des jeunes.
Que non ! Konaté Navigué a été nommé secretaire national chargé de la Bagoué, une région du Nord du pays dont il est certes natif, mais où il n’a jamais milité. A vrai dire et dans la tête d’Affi N’Guessan, le vrai patron des jeunes du FPI s’appelle Justin Koua, puisque c’est lui qui a en charge la politique de la jeunesse.
Sixième péché: une direction pléthorique avec multiples doublons
Le PDCI a un secrétariat exécutif (à ne pas confondre avec le Bureau politique de 600 membres) composé de tout au plus une vingtaine de membres. Le RDR, pratiquement le même nombre. AU FPI, il faut compter 128 personnes à sa direction, secretariat général y compris. Et comme le maître mot semblait être de trouver de la place pour tout le monde, on note qu’il y a de nombreux doublons.
En guise d’exemple, le secrétariat national chargé des ressources humaines est dirigé par deux personnes. Chaque région a son secrétaire national, là où un seul secrétaire national chargé des régions, serait plus juste. Certaines régions sont même divisées en deux (Abidjan, Gbêkê, Bélier, Sud-Comoé).
Un autre exemple de la précipitation avec laquelle cette direction à été nommée: 112, SN chargé des programmes de reconstruction et du développement solidaire, Okou Zago Paul. 95, SN chargé des programmes de reconstruction et du développement solidaire, Gui Tiéhi Jean-Claude. 61, SN chargé des élections,Tapé Kipré. 53, SN chargée des élections : Mme Assouma Juliette. Les exemples sont légion.
Conclusion
En définitive, Pascal Affi N’Guessan a pris ou est en train de prendre solidement le pouvoir au FPI. Après avoir réussi à organiser une convention plutôt qu’un congrès, à sa sortie de prison, alors que son mandat statutaire a pris fin depuis plus de dix ans, le président du FPI, vient de poser un autre grand acte politique, à travers la nomination de ce “gouvernement” qui porte son empreinte exclusive et sa marque personnelle.
Il reste une équation qu’il doit résoudre, sur le chemin de ses ambitions (personne n’est dupe, l’enjeu c’est la présidentielle de 2015, sinon celle de 2020) immédiates: réussir à mater ou à étouffer (ce qui revient, du reste, à la même chose) cette rébellion naissante contre sa personne. La partie s’annonce difficile mais pas insurmontable. Pour ma part, je ne cache pas qu’en dépit de ses péchés, je soutiens Pascal Affi N’Guessan.
André Silver Konan, analyste politique
Affi N'guéssan, président du FPI